28 mai 2023, 23:59

IRON MAIDEN

@ Ljubljana (Arena Stožice)


En guise de préambule, la Vierge de Fer nous offre à nouveau THE RAVEN AGE, groupe de l’un des fils du taulier, George Harris. Si le quintette ne démérite pas par son engagement, musicalement, rien n’a hélas changé depuis la tournée "Book Of Souls". C’est plat, convenu, sans saveur et, soyons francs, indigne d’une première partie d’IRON MAIDEN. Un problème technique après un titre voit les cinq membres du groupe quitter la scène pendant quelques minutes, avant de repartir pour un train interminable de titres très similaires et exécutés scolairement. Le nouveau chanteur, Matt James, représente sans conteste l’un des points faibles de la prestation : sa voix manque d’identité et de maîtrise et participe fortement au résultat insipide de la présentation. Après 40 minutes, les musiciens se retirent sous quelques applaudissements polis, laissant place à l’impatience de la foule de passer au plat de résistance.

Ne faisons pas durer inutilement le suspense : ce concert d’IRON MAIDEN restera dans les livres d’histoire, et ce pour plusieurs raisons, même si la prestation globale du groupe n’a pas été la plus énergique de cette dernière décennie. Deux raisons principales à cela : la set-list audacieuse et pleine de surprises inespérées, ainsi qu’une production (enfin) sujette à des évolutions significatives, après plus de vingt ans passés à recycler une scène datée.

Commençons par ce qui a déjà fait le tour du monde : le set nous a servi de réelles pépites et ce, d’entrée de jeu. L’entame sur "Caught Somewhere In Time", pas interprétée depuis 1987 (votre humble serviteur n’était même pas encore né !) se glisse directement sur le podium des meilleurs openers du groupe, aux côtés de "Moonchild" par exemple. L’enchaînement sans transition sur le progressif et inattendu "Stranger In A Strange Land" enfonce le clou, tout en permettant à Adrian Smith de faire montre de sa légendaire maîtrise tout au long du pont instrumental chéri de nombreux guitaristes. Le tout sur fond d’un premier Eddie "Clint Eastwood", arme au point et chapeau vissé sur le crâne.​


La plus grosse surprise vient évidemment du séisme créé par le mythique "Alexander The Great". Un morceau jamais joué en presque 50 ans de carrière et pourtant réclamé sans cesse par les fans : l’Arlésienne prend fin dans une communion pleine d’émotion où les leads sont hurlés par tout un chacun. Même le pont central, dont la structure alambiquée avait longtemps calmé les envies de Steve Harris d’amener le morceau sur scène, passe comme une lettre à la poste.

Le dernier album en date, « Senjutsu », n’est pas en reste : si l'on attendait une redite des trois morceaux insérés dans le dernier legs de la tournée "Legacy Of The Beast" ("Senjutsu", "Stratego" et "The Writing On The Wall"), il n’en fut rien. Si le dernier a bien été de la partie (et introduit par un Bruce facétieux, racontant son passage aux toilettes dans le château de Bled, charmant village où il a été aperçu la veille faisant du tourisme), les deux premiers ont en revanche été évincés. A la place, le groupe a choisi d’inclure "Days Of Future Past" et ses riffs poignants, "The Time Machine" et sa narration immersive menée par un Bruce très théâtral, le très attendu et épique "Hell On Earth", ainsi que le dispensable "Death Of The Celts". Trop similaire à "The Clansman" et trop répétitif, ce dernier morceau aurait en effet pu laisser la place au plus original "The Parchment", mais ne faisons pas la fine bouche. A toutes ses nouveautés, ajoutons quelques classiques comme "Can I Play With Madness?" ou "The Prisoner" et l’on obtient la set-list la plus audacieuse du groupe depuis 2006 et l’interprétation intégrale de « A Matter Of Life And Death ». Même "The Number Of The Beast", "Run To The Hills" ou encore "Hallowed Be Thy Name" ont été écartés, chose impensable il y a encore quelque mois.


Au niveau de la performance du groupe, c’est globalement une prestation qui a été offerte, à l’exception de quelques cafouillages malheureux qui commencent à laisser apparaître le poids des années, sans pour autant gâcher le plaisir pris par le public. C’est notamment au niveau de la batterie que le bât blesse. On sent Nicko McBrain à la peine sur les titres les plus rapides et plusieurs breaks et descentes de toms sont simplifiés ou épurés pour lui garantir un jeu fluide. Ces adaptations passent pour la plupart inaperçus aux yeux de la majorité des fans et ne gâchent en rien la prestation malgré tout carrée du batteur. En revanche, sur le final "Wasted Years", les difficultés s’aggravent, avec quelques décalages qui font perdre le fil à Adrian Smith et entachent quelque peu les dernières minutes du set. L’incident laisse un pincement au cœur, mais est vite oublié dans l’euphorie d’un set malgré tout prenant et passionnant. Dernier point sur la performance globale du groupe : elle n’a été aucunement aidée par une sonorisation assez brouillonne, noyant beaucoup les solos et la voix de Bruce. C’est vraiment dommage, d’autant plus au vu de toutes les subtilités guitaristiques des morceaux choisis pour la tournée.

Un autre point à souligner et qui a grandement participé à la réussite de la soirée, c’est la production scénique qui franchit un vrai pas par rapport aux vingt dernières années. Si l’on était habitués à peu ou pas d’évolution depuis la tournée "Brave New World", avec d’éternels backdrops et des effets toujours identiques, IRON MAIDEN s’est cette fois vraiment remis en question pour passer à la vitesse supérieure.


Cela commence avec la première apparition d’écrans sur scène, une véritable révolution pour le groupe : de part et d’autres de la scène, ceux-ci prolongent les backdrops en leur amenant quelques animations ou montrent les images des clips de "The Prisoner" ou "The Writing On The Wall", par exemple. Les backdrops ont eu été revus intégralement et la plupart des visuels sont nouveaux et magnifiques. Mention spéciale à la rue tokyoïte futuriste et ses nombreux easter eggs en japonais en hommage à la couverture de « Somewhere In Time », ainsi qu’au cockpit revisité du single "Wasted Years". Celui-ci reprend plein de références cachées, comme la date de fondation du groupe, celle de la sortie du dernier album ou encore le chiffre 1.21, clin d’œil à la DeLorean de Retour Vers le Futur et ses « 1.21 gigowatts » (2.21 en français) nécessaires pour voyager dans le temps. L'Eddie géant est encore de sortie sur le titre éponyme du groupe et voit lui aussi de nouvelles technologies entrer sur la scène du groupe : les couleurs et ombres sont projetées et animées directement sur la structure gonflable grâce au mapping 3D, ce qui donne un rendu très original et "manga-esque". Enfin, le groupe n’oublie pas de s’amuser et amène sur scène une kitschissime mitrailleuse, que Bruce utilisera malicieusement pour dézinguer un Eddie cyborg géant dans un duel d’explosions et de roquettes à mourir de rire. SABATON n’a qu’à bien se tenir !

En résumé, c’est le cœur léger, et pour certains des larmes de joie plein les yeux, que les fans quittent l’Arena Stožice. Contre toute attente, et malgré quelques difficultés liées à l’âge du groupe, IRON MAIDEN a retourné son public, en prenant des risques dont on n’avait plus l’habitude, en proposant une set-list remplie de surprises, en envoyant sans prévenir un "Alexander The Great" que plus personne n’osait espérer et en se donnant du mal pour renouvelles sa production scénique. Si ça, ce n’est pas se remettre en question et vouloir satisfaire ses fans... Chapeau bas !

Set-list :
01. "Caught Somewhere in Time" (premiere fois depuis 1987)
02. "Stranger in a Strange Land" (premiere fois depuis 1999)
03. "The Writing on the Wall"
04. "Days of Future Past" (première)
05. "The Time Machine" (première)
06. "The Prisoner"
07. "Death of the Celts" (première)
08. "Can I Play With Madness"
09. "Heaven Can Wait"
10. "Alexander the Great" (première)
11. "Fear of the Dark"
12. "Iron Maiden"
Rappel :
13. "Hell on Earth" (première)
14. "The Trooper"
15. "Wasted Years"

Blogger : Régis Peylet
Au sujet de l'auteur
Régis Peylet
La petite trentaine, passionné de musique, après avoir longtemps écrit chroniques, interviews et couvertures de concert pour des confrères, Régis s'est lancé dans la photographie il y a quelques années, lui permettant de mieux s’exprimer et de capturer les émotions qui connectent les artistes et leur public.
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