1 septembre 2023, 19:02

SILENT SKIES

Interview de Vikram Shankar

Le duo SILENT SKIES composé de Tom S. Englund (EVERGREY) et Vikram Shankar (REDEMPTION, LUX TERMINUS) revient cette année avec un troisième album, brillant et profond, intitulé « Dormant ». Le talentueux Vikram Shankar a pour l’occasion répondu à quelques-unes de nos questions lors d'un entretien à cœur ouvert, comme le sont les chansons du groupe...
 

Salut Vikram et merci de répondre à nos questions car il semble que tu es très occupé par la promotion de « Dormant ». Quels sont les retours à propos de l’album pour le moment ?
Oui, j’ai eu peut-être 9 ou 10 journalistes avant mais j’adore ça car c’est toujours intéressant de partager nos impressions à propos d’un nouvel album. Et pour le moment, les retours sont très positifs. Les gens semblent très intéressés par ce que nous proposons. Et je suis très content que le public rock et metal nous suive alors qu’il n’écoute pas forcément ce genre de musique en temps normal. Je pense que les fans de ces styles comprennent notre démarche. C’est très flatteur.

D’ailleurs comment tu te sens sur la scène metal car, comme tu le dis, SILENT SKIES n’est pas très metal. Est-ce que c’est difficile de fédérer ce public ?
Non, pas vraiment car Tom et moi venons de la scène metal. On joue tous les deux du metal depuis disons quatre décennies si l'on combine notre expérience. On s’est toujours considéré comme des metalleux. En fait, je pense que le public metal aime écouter des choses sombres, mélancoliques et ils aiment retrouver ces qualités dans d’autres styles de musique. Beaucoup de fans de metal écoutent du folk par exemple, en particulier la musique scandinave, des groupes comme WARDRUNA, pour n'en citer qu'un. Et je pense que c’est la même chose pour nous, on a beaucoup de fans qui aiment notre expression de la noirceur, de la mélancolie, peut-être de façon plus relaxante. Bien sûr, tout le monde ne le comprendra pas mais cela fait partie du jeu de jouer quelque chose d’unique.

Tu dois être fier de fédérer tant de fans venant d'horizons différents...
Oui, c’est un peu notre but, essayer de réunir des auditeurs de tous bords, en particulier avec ce nouvel album, « Dormant ». On a eu beaucoup de personnes en dehors des fans de metal qui ont écouté ce que nous faisons. Les deux premiers albums ont été appréciés par des metalleux globalement, simplement parce que Tom vient d'EVERGREY et que les fans le suivent dans ses autres projets. Et puis on a été dans des labels très metal. Mais je pense qu’avec « Dormant », on ira au-delà et je pense que ce serait très cool de pouvoir attirer des gens totalement étrangers au metal grâce à ce nouvel album. Pour que l’on puisse monter au monde de quelle façon le heavy metal peut-être varié, intelligent... Car il y a encore trop de gens qui pensent que ce style musical n’est que du bruit.
 

"Toutes les manières d’écouter un disque sont bonnes, je veux juste que nos fans soient contents et prennent le temps d’apprécier ce que l’on a à leur présenter."

 

Est-ce que tu penses que « Dormant » est votre meilleur album ?
Oui, j'en suis très fier car nous y avons poussé la perfection à son comble. Nous avons vraiment travaillé le son, on a travaillé divers styles et influences et même de nouveaux instruments. C’est donc l’album le plus divers et le plus riche de nos trois albums. Je pense donc que oui, c'est peut-être notre meilleur album.

Vous êtes très productifs car c’est le troisième album en trois ans. Qu’est-ce qui vous inspire tant ?
L’inspiration vient de plein de choses. D’une part, Tom et moi nous inspirons mutuellement. On a une relation de travail vraiment très forte. On se pousse mutuellement à donner le meilleur de nous-mêmes pour la musique que nous écrivons. On s’inspire aussi de nos expériences humaines, des choses qui nous arrivent personnellement ou à nos proches, mais qui arrivent aussi dans le monde en général. Il y a plein de façons d’être inspiré.

Et vous êtes inspirants pour vos fans également...
Oui, c’est ce qu’on espère. Pouvoir parler à une grande partie des gens. On leur présente notre cheminement émotionnel et, bien sûr, nous nous reflétons dans notre musique en espérant que les auditeurs trouvent de la résonance en eux, qui peut les inspirer à faire leur propre réflexion.

Est-ce que vous avez l’ambition de faire voyager votre public dans le temps, dans l’espace et même dans leur esprit avec votre musique ?
Oui, chacun a sa façon d’écouter la musique mais j’aime que le public se sente impliqué dans ce que l'on fait. Je sais que certains écoutent les albums juste en fond sonore et se relaxent, après une dure journée de travail par exemple. Mais il y a aussi beaucoup de gens qui se concentrent vraiment sur l’album et notent toutes les nuances, ce qui a un puissant impact sur eux. Toutes les manières d’écouter un disque sont bonnes, je veux juste que nos fans soient contents et prennent le temps d’apprécier ce que l’on a à leur présenter.

Toutes les chansons sont émouvantes, avec un chant envoûtant. C’est un album plein d’émotions. Est-ce facile de dévoiler toutes ces émotions au grand public ?
Pour moi, il est facile d’exprimer des émotions, cela a toujours été naturel personnellement. Je n’ai pas de problème à évoquer mes hauts et mes bas. Et c’est encore plus simple de mettre mes émotions en musique. Donc, quand arrive le moment de composer une chanson, j’écris énormément de musique, très rapidement. C’est très instinctif. Je sais ce que je dois écrire et comment je dois l’écrire. Donc, composer de la musique à propos de mes émotions est très naturel. L’écriture de « Dormant » a de ce fait été très rapide. Après, ce sont les détails qui prennent beaucoup de temps car on veut vraiment que tout soit parfait. Tous les humains sont faits pour communiquer, nous sommes des êtres sociaux. Mais beaucoup d’entre nous ne savent pas exprimer leurs sentiments, en particulier par des mots. Les artistes ont beaucoup de chance d’avoir leur art pour s’exprimer. C’est très important pour moi.

Si les gens savaient mieux exprimer leurs émotions, ils seraient peut-être moins agressifs ou violents...
Oui, j’ai toujours pensé que l’humanité pourrait s’améliorer en devenant honnête avec ce qu’elle ressent. Quand les sentiments ne sont pas exprimés clairement, il est très facile de diviser les gens car ils ne comprennent pas l’unité, ils n’ont pas d’empathie ou d’honnêteté envers ceux qui les entourent. On le voit beaucoup avec la dépression et les troubles mentaux. Si les gens ne sont pas honnêtes avec ces problèmes et font croire que tout va bien, ceux qui souffrent de ces problèmes se sentent incompris et hors-norme. Quand il y a un problème, il faut être honnête. C’est ce que je fais avec la musique : j’essaye d’être honnête avec ce que nous avons traversé en espérant que les gens se sentent concernés et qu’ils se sentent moins seuls.

Ce que tu dis me fais penser à l’une des chansons de l’album qui s’appelle "The Real Me". Est-ce qu’écrire des chansons te permet de parler du "véritable toi" aussi ?
Oui, en fait toutes les chansons de l’album sont un peu comme si, métaphoriquement, on se regardait dans un miroir, émotionnellement parlant. C’est comme si on se regardait vraiment en face, en découvrant qui nous sommes vraiment, en comprenant ce que nous sommes vraiment. "The Real Me", c’est comme regarder dans ce miroir et ne pas nécessairement aimer ce que tu y vois et avoir peur de révéler qui tu es vraiment. Tu t’inquiètes de l’impact que cela peut avoir sur tes relations sociales. Je pense que c’est quelque chose dont on fait tous l’expérience. Mais c’est important de le faire pour, encore une fois, être honnête envers toi-même et les autres. J’espère que l’album aura cette vocation de développer cette envie de se regarder en face chez nos auditeurs.


"On veut créer une musique avec laquelle tu peux simplement fermer les yeux, écouter et te sentir pris par une bande-son qui défile devant toi"


Quel est le concept derrière le titre de l’album « Dormant » ? Il peut avoir beaucoup de significations, ce qui, a priori, est volontaire, mais qu’y vois-tu personnellement derrière ?
Oui, comme tu dis, c’est quelque chose d’ouvert à toute interprétation et c’est très important pour nous. Comme pour tous nos albums, nous avons utilisé qu’un seul mot pour le titre. On y tient car cela encourage les auditeurs à se demander ce que cela veut dire et d’en faire sa propre interprétation. Mais pour nous, personnellement, je dirais que l’idée derrière « Dormant » est regarder à l’intérieur de soi et y trouver une sorte d’esprit, une énergie interne, une force de vie qui est comme “endormie”. L’idée est que tout le monde peut réveiller cet esprit intérieur. Je crois que la vie est dure et que le monde nous met face à de nombreux défis mais je pense que chacun d’entre nous à ce qu’il faut en lui pour affronter ces défis et les relever. Si toutefois on entre en connexion avec cet esprit qui a besoin d’être réveillé. Ce qui est très dur, particulièrement actuellement, car il a besoin de beaucoup de temps et d’introspection et on n’a pas forcément le temps de nos jours. On est occupé, c’est le chaos autour de nous, il y a toujours quelque chose à faire ou quelqu’un à qui parler ou quelqu’un qui demande du temps ou de l’énergie. Prendre le temps de s’asseoir et réfléchir à ce que tu es vraiment est un réel défi. J’ai dans l’espoir qu’en écoutant notre album, les gens prennent le temps de se poser et de se mettre dans l’état d’esprit d’arriver à ce processus presque méditatif.

Il semble que tu as une forte connexion avec Tom car sur l'intégralité de l’album, vous semblez être complétement en symbiose, et tu parlais de votre façon commune de travailler. Cela doit aider à parvenir à cette musique contemplative dont tu parles non ?
Oui et je pense que ce qui aide aussi, c’est que dès le début de l’écriture de l’album, on travaille tous les deux sur les paroles et la musique en même temps. C’est très important. La plupart des groupes de rock et de metal écrivent d’abord la musique, puis les paroles. Donc nos chansons commencent souvent par du piano et des paroles et on travaille sur cette base. On les fait ensuite grandir, comme une plante. On ajoute des couches, des instruments, des sons, des guitares, des voix. L’ensemble pousse alors sur ces fondations et on réfléchit à chaque chanson en tant qu’entité. Le chant et la musique doivent se mélanger parfaitement tout au long de l’écriture. On veut quelque chose qui semble très cohérent. On ne veut pas que les gens distinguent les voix de la musique. Tout fonctionne ensemble.

Et est-ce que le côté visuel fait partie du processus de création aussi, comme la pochette de l’album par exemple, qui est très inspirante également ?
Pour cet album, on a fait confiance à un peintre génial qui peint de vraie œuvres, physiques, Mattias Norén. Il a fait la pochette mais aussi toutes les images du booklet. Il a écouté notre album et a compris parfaitement ce que l’on voulait. Et comme on fait confiance à notre instinct et à notre intuition, qu’on travaille au feeling, on l’a autorisé à faire de même. On ne lui a pas donné vraiment d’instructions ou de limites. On voulait qu’il fasse ce qui l’inspirait. C’est génial que tu parles de ce côté visuel car depuis le début, on essaye de faire une musique assez cinématique, il y a quelque chose qui tient d'un film dans la présentation de notre musique. On veut créer une musique avec laquelle tu peux simplement fermer les yeux, écouter et te sentir pris par une bande-son qui défile devant toi. Comme un film que tu regardes ou comme le film de ta vie. On essaye que notre musique soit un tout : les visuels, la musique, les pensées, les sentiments…Tout cela doit avoir un sens.


C’est un album qui peut s’inscrire dans chacune de nos vies à différents moments, quel que soit ce que l’on vit. Il semble qu’il est assez universel en ce sens...
Merci ! C’est vraiment l’idée. On écrit nos chansons de façon à ce que chacun puisse s’y référer, quel que soit le moment vécu, quel que soit l’endroit ou l’état d’esprit. On écrit des paroles assez vagues pour qu’elles correspondent à n’importe qui. Par exemple, le second single, "Churches", peut faire référence à plein de choses. Et les gens nous en ont donné plein d’interprétations. Selon comment tu lis la chanson, il peut être en lien avec ce que tu vis à un moment ou à un autre.

Ce doit être très intéressant d’entendre les différentes interprétations justement que les gens partout dans le monde peuvent faire de vos chansons...
En effet, c’est passionnant. Et, bien sûr, je ne dis jamais si leur interprétation est correcte ou non car tout peut être possible. Il n’y a pas de sens correct ou incorrect. Comme la pochette, comme le titre, comme le concept, chacun peut y voir ce qu’il veut. Ta personnalité définira la façon dont tu vas interpréter l’album. C’est très important pour nous.

Il y a trois reprises sur « Dormant » : "The Trooper" d’IRON MAIDEN, "Dancing In The Dark" de Bruce Springsteen et "Numb" de LINKIN PARK. Comment avez-vous fait le choix de ces chansons, car elles sont très différentes ?
Ce fut un procédé très intéressant et ce qui a été déterminant, c’est de faire des reprises que les gens n’attendent pas de notre part. Ce sont des chansons qui ne nous ressemblent pas. Mais le point commun entre ces chansons, c’est le côté émotionnel. Toutes les trois sont pleines d’émotions dans les paroles, dans la narration et dans la musique. On a voulu exprimer leur puissance mais à notre manière. On a donc pris les paroles, la mélodie et les accords et on a fait abstraction des guitares, de la batterie. Et on s’est ensuite demandé : « Si c’était nos chansons, comment les aurait-on écrites ? Comment les aurait-on orchestrées ? Comment les aurait-on jouées ? ». On a donc simplement reconstruit les chansons à notre propre image. C’est un processus d’écriture très enrichissant car on veut vraiment recréer quelque chose, on ne veut pas simplement interpréter une chanson. Et, grâce à cela, les auditeurs peuvent entendre à quel point ces chansons sont pleines d’émotions et ensuite, revenir aux titres originels. Ils ne sont peut-être pas rendus compte à quel point "The Trooper" pouvait être émotionnel. C’est intéressant car on donne notre façon d’interpréter ces chansons.


Vous leur donnez une autre dimension...
Oui et un bon exemple est pour moi, c'est "Dancing In The Dark" car je connais plein de monde qui n’aime pas cette chanson du tout ou qui ne la comprenne pas car ils ne la considèrent que comme une chanson des années 80 superficielle. Mais si tu lis les paroles de cette chanson, elles sont tellement tristes ! Le personnage principal ne sait pas trop quel est son but dans la vie, il ne sait pas bien où il va. Il se trouve un peu perdu. Tout le monde peut se retrouver dans ce personnage. Et la dépression est un peu ce nuage gris que tu traînes au-dessus de toi, ce manque de perspective dans ta vie. Tu te sens comme perdu. Et c’est exactement ce que cette chanson retranscrit. On voulait le faire ressortir et faire se concentrer les gens sur ce point.

Sais-tu si les groupes ont écouté les reprises ? Et s’ils en ont fait des commentaires ?
Je ne sais pas mais je ne crois pas. J’aimerais bien que les artistes me donnent leur opinion et j’aurais vraiment aimé que Chester Bennington me dise ce qu’il pense de la reprise de "Numb". Cela n’arrivera pas mais j’espère que de là où il est, il apprécie ce que nous avons fait de sa chanson.

Est-ce qu’on a une chance de vous voir sur scène, en France notamment ?
On adorerait ça. On en discute beaucoup car c’est un réel défi avec tous les instruments que nous devons mettre en place, surtout avec la sortie de « Dormant ». On y pense et les gens se demandent souvent si on a vraiment envie de jouer live. La réponse est « Oui ! », on veut vraiment jouer live. J’adore être sur scène. C’est la meilleure expérience que tu puisses vivre en tant que musicien et j’adorerais jouer en France car je ne suis jamais venu me produire chez vous.

Blogger : Aude Paquot
Au sujet de l'auteur
Aude Paquot
Aude Paquot est une fervente adepte du metal depuis le début des années 90, lorsqu'elle était encore... très jeune. Tout a commencé avec BON JOVI, SKID ROW, PEARL JAM ou encore DEF LEPPARD, groupes largement plébiscités par ses amis de l'époque. La découverte s'est rapidement faite passion et ses goûts se sont diversifiés grâce à la presse écrite et déjà HARD FORCE, magazine auquel elle s'abonne afin de ne manquer aucune nouvelle fraîche. SLAYER, METALLICA, GUNS 'N' ROSES, SEPULTURA deviendront alors sa bande son quotidienne, à demeure dans le walkman et imprimés sur le sac d'école. Les concerts s'enchaînent puis les festivals, ses goûts évoluent et c'est sur le metal plus extrême, que se porte son dévolu vers les années 2000 pendant lesquelles elle décide de publier son propre fanzine devenu ensuite The Summoning Webzine. Intégrée à l'équipe d'HARD FORCE en 2017, elle continue donc de soutenir avec plaisir, force et fierté la scène metal en tout genre.
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