
Nouvelle vague de chaleur sur l’hexagone, comme à mon habitude je décide de me poser en terrasse avec un cocktail et... un album de black metal. Un genre qui me fait toujours voyager, après les montagnes amérindiennes de l’état de New York en juillet et BLACKBRAID, cap aujourd’hui pour le Canada francophone de BORÉALYS et son premier album « L’héritage ».
Démarrage du disque, on prend le chemin de "Apitipik : Vers l'orphelinat". Longue tirade musicale sur l’acculturation des peuplades natives canadiennes, les guitares frénétiques égrènent la douleur de l’amnésie culturelle programmée, le chant est une complainte growlée au milieu des terres froides et brumeuses. BORÉALYS offre un tour de force black metal atmosphérique, avec sa batterie aussi implacable que la marche du temps. Les instruments résonnent avec force, mais également avec une grâce et une beauté majestueuse. 13 minutes d’une exquise agonie "musicalextrême".
"Harricana : La Sœur" fait résonner des tambours de peaux au bord d’un fleuve boueux. Une voix sépulcrale s’élève de la frange, portée par des riffs obsédants. BORÉALYS est, je l’affirme, un jeune groupe sorti de nulle part qui est à surveiller de près, l’ombre de ses aînés illumine sa musique, un contraste pour du black j’en conviens. Nous sommes happés dans "Kitcisakik : L'Brouillard", texture la plus épaisse qu’une rythmique black metal puisse offrir, frappés par une basse profonde et des riffs déchirants, c’est un régal pour nos âmes noires... les sons divinement torturés noircissent même la neige de ce Québec qui glisse peu à peu vers les terres scandinaves. Une obscurité "Inuit". "L’Esprit d’Autrefois" nous cueille avec un chant shamanique lointain, puis "Spirit Lake : Le Cimetière des Oubliés" nous "ballade" dans un mood à la BATHORY, avec sa batterie forte et ses guitares tranchantes tournant en boucle autour des sabots du destrier du destin, tandis que le chant guttural nous prend aux tripes. Magique... et sauvage.
BORÉALYS a pour nous une autre offrande avec "Apitipik : Les Murmures Enfouis". Plus de 12 minutes d’une épopée sonore, au travers d’un pagan metal qui mue progressivement en un black épique, avec une voix barbelée et des riffs pénétrants. Réquisitoire primal pour les indiens acculturés de force, ce morceau est une prière païenne à la beauté sans fin et indomptable. Le plaisir des sens est total !
S’il y a un reproche, et c’est bien le seul, que l’on puisse faire à ces Québécois géniaux, c’est d’avoir mis une fin à leur somptueuse œuvre. Ils nous abandonnent en pleine "Solitude", au terme d’une aventure incroyablement forte en émotions, où ont retendi les cris des peuples oubliés et sacrifiés, avec la puissance d’un metal indomptable. Avec sa pépite musicale, BORÉALYS sort les ténèbres de l’anonymat. Culte... mais culte païen !