En matière de death metal, CANNIBAL CORPSE fait partie de ces rares formations qui n’ont de leçon à recevoir de personne. Formé en 1988, le groupe n’a depuis cessé de marquer au fer rouge cette scène à grands coups d’albums essentiels et d’artworks mémorables signés par son illustrateur historique, Vincent Locke. Véritable institution qui draine des légions de fans acharnés aux quatre coins du globe, CANNIBAL CORPSE est revenu en septembre dernier pour fêter dignement ses 35 années de service avec « Chaos Horrific », un nouvel album qui ne laisse une nouvelle fois apparaître aucune baisse de régime. Et ce n’est pas son bassiste, Alex Webster, fondateur du groupe aux côtés de Paul Mazurkiewicz (batterie), qui vous dira le contraire...
Alex, comment te sens-tu après la sortie de « Chaos Horrific » ?
Aex Webster : Je ne me suis jamais senti aussi bien ! C’est exactement ce que je viens de confier lors de la précédente interview réalisée avec un magazine norvégien. Nous avons une fois de plus mis toutes nos tripes sur la table d’enregistrement des Mana Studios et sommes fiers du fruit de notre travail réalisé avec Erik Rutan (NDLR : qui a également rejoint le groupe en tant que guitariste depuis 2020). Nous allons pouvoir défendre cet album comme il se doit sur les scènes du monde entier et ça, c’est vraiment quelque chose qui compte pour nous.
Comment fais-tu pour garder cette motivation intacte sachant qu’il s’agit ici... du seizième album de CANNIBAL CORPSE ?
En fait, c’est un peu comme un sport. SI tu observes bien la fréquence de sortie de nos albums depuis « Eaten Back To Life » en 1990, nous revenons sur le devant de la scène à peu près tous les trois ans avec un nouvel album. Et pour conserver notre motivation mais aussi notre inspiration intacte, nous réservons toujours du temps pour composer, apporter de nouvelles idées et échanger sur les lignes directrices de l’album suivant. Sachant, évidemment, que nous avons moins tourné ces dernières années en raison de la pandémie et que nous avons donc pu prendre encore plus de temps pour parfaire chaque recoin de « Chaos Horrific » comme il se doit….
A ce sujet et après plusieurs écoutes attentives, j’ai l’impression que ce nouvel album constitue la suite logique de « Violence Unimagined »...
C’est exact. Pour moi, cet album est en effet dans la droite lignée de « Violence Unimagined » (2021), il n’y a aucun doute à ce sujet et c’est en partie lié au fait que nous avons attaqué la composition de « Chaos Horrific » à peinece derniersorti puisque nous ne pouvions pas tourner pour en faire la promotion. Cela explique aussi que la patte CANNIBAL CORPSE est toujours présente tout du long de l’album, peut-être d’ailleurs plus que jamais ! Et l’apport d’Erik Rutan est également plus important puisqu’il signe ici trois des dix morceaux présents. Nous essayons aussi d’apporter plus de variations dans les rythmiques proposées, et le fait que nous soyons trois à composer puisque Rob (Barrett, le guitariste rythmique) aussi amène sa patte, notamment sur "Vengeful Invasion", nous permet d’avoir une combinaison de jeux et d’influences qui apportent un véritable plus à « Chaos Horrific ».
Je te sens vraiment passionné quand tu parles de ce nouvel album...
Tu sais, cela fait maintenant 35 ans que CANNIBAL CORPSE est actif. Jamais je n’aurais eu la moindre idée de ce que celui-ci deviendrait lorsqu’en 1988, nous avons fondé le groupe. C’est bête à dire mais notre seule prétention est de jouer la musique que nous aimons, avec nos tripes et nos émotions. J’imagine que la plupart des gens devaient s'attendre à ce qu'un à moment ou à un autre, nous lèverions le pied ou jetterions l’éponge après tant d’années de tournées et d’implication au sein de la scène death metal. Mais non, c’est à chaque fois la même chose : nous n’avons aucune raison de lever le pied et nous nous réjouissons à l’idée d’écumer les scènes un peu partout dans le monde ! Et c’est un privilège dont nous avons bien conscience...
Revenons à « Chaos Horrific », qui est une fois encore illustré par Vincent Locke, le sixième membre du groupe…
Vincent est en effet à la manœuvre sur chaque pochette d’album et ce depuis nos tous débuts. C’est un peu comme une marque de fabrique, comme la garantie de retrouver, année après année, un univers propre à CANNIBAL CORPSE. Il y a évidemment de nombreux illustrateurs de talent mais Vincent a une patte, un style unique que tu ne retrouves chez aucun de ses pairs. Il a ce sens du détail, cette minutie qui font partie intégrante de l’univers du groupe. Nous lui laissons les mains libres pour chacune de ses œuvres, il nous suffit de lui donner quelques titres de l’album à venir et la magie opère (rires). Et à ce titre, oui, nous pouvons bel et bien le considérer comme membre à part entière du groupe…
Tout comme vous cultivez une relation historique et bien particulière avec Metal Blade et son fondateur Brian Slagel...
En effet et cela fait maintenant 33 ans que cela dure (rires). SI tu reviens aux tout débuts de cette relation, lorsque Brian nous a signés en 1989 pour la sortie de notre premier album, CANNIBAL CORPSE était le seul groupe de death metal du label. Alors que d’autres comme Century Media, Peaceville ou Roadracer en comptait déjà une dizaine dans leurs rangs, nous étions l’unique priorité de Metal Blade pour son implication au sein de la scène death metal. Cela nous a confortés dans nos choix artistiques de l’époque puisque nous étions soutenus à 100 % par Brian. Mais ce qui est le plus important pour nous est qu'au-delà d’être un “businessman", c'est avant tout un fan absolu de metal. Il nous a toujours laissé une grande latitude pour faire ce que nous voulions et cela est à mon sens la chose la plus importante qui soit. Nous formons un vieux couple avec lui mais l’avantage de cette relation est que la confiance entre nous, sur tous les aspects contractuels mais aussi humains, n’a jamais été remise en question.
Tu viens de l’évoquer, votre toute première démo, « Cannibal Corpse », est parue en 1989. Trente-quatre ans plus tard, CANNIBAL CORPSE est toujours vivant, peut-être même plus que jamais,. Quel est donc le secret de cette longévité ?
Avant tout : la chance ! Oui, la chance de nous être rencontrés au bon moment avec Jack, Chris, Bob et Paul pour fonder CANNIBAL CORPSE. La chance aussi d’avoir croisé la route, grâce à cette démo, de Brian Slagel. Et, enfin, celle d’avoir des fans, anciens comme récents, qui sont dédiés à 100 % au group, nous suivent sur chacune de nos tournées et achètent nos albums depuis toujours. Sans eux, sans ce public, CANNIBAL CORPSE n’existerait pas, tout simplement. Ensuite, je dirais : la constance. Cette constance que nous avons depuis nos tout débuts. Si tu regardes bien les évolutions du line-up en 35 ans, tu constateras qu’il n’y en a pas eu tant que cela. Et qu’à chaque fois, lorsqu’un musicien quitte le groupe, il est immédiatement remplacé par un autre. C’est important car cela témoigne d’une fraternité, d’une amitié qui va au-delà du fait de jouer de la musique ensemble. Enfin, je pense que toute les tournées que nous avons réalisées aux quatre coins du monde font que les gens, que ce soient nos fans, la presse ou les tourneurs, ne nous ont jamais oubliés et que notre présence est gage d’une expérience que l’on ne retrouve pas avec d’autres groupes qui jouent du death metal. Nous nous sommes toujours donnés à 100 % sur scène !
Cela m’amène à te demander ce que tu penses de cette comparaison que j’ai déjà pu entendre : « CANNIBAL CORPSE, c’est un peu le AC/DC du death metal »...
C’est un très beau compliment que tu me fais là ! C’est certainement l’un des sinon le plus grand groupe de hard rock de tous les temps ! Plus sérieusement, je comprends tout à fait ce qu’il y a derrière cette comparaison, que j’ai déjà eu également l’occasion de lire ou entendre çà et là. D’ailleurs, à titre personnel, je ne pense pas qu’AC/DC fasse le même album à chaque fois depuis ses tout débuts, le groupe évolue. Peut-être pas assez au goût de certains mais suffisamment pour les autres. Il sera de toute façon impossible de satisfaire tout le monde. Mais je vois dans notre musique et je le dis car je fais partie du groupe depuis sa formation, qu’il y a une progression, une véritable évolution d’un album à l’autre. Mais certaines personnes, qui pour la plupart ne connaissent pas l’intégralité de notre discographie ou ne prennent pas le temps de creuser chacun de nos albums, pensent que CANNIBAL CORPSE fait toujours la même chose depuis 1989. Chacun se fera sa propre idée là-dessus….
En parlant de la fin des années des 80, éprouves-tu une certaine nostalgie lorsque l’on évoque les échanges de cassettes, les envois de courriers entre fans qui constituaient alors les seuls moyens de communiquer sa passion auprès des autres ?
Cette époque était unique et ne pourra plus jamais exister dans les conditions qui ont façonné son essor à l’époque. Il te suffit pour cela d’observer tous les moyens dont tu disposes aujourd’hui pour accéder à la musique. Je n’éprouve pas de nostalgie particulière mais je garde en mémoire de très beaux souvenirs. Et la plus grande différence avec cette époque du "tapetrading" et du courrier est assez simple à comprendre. Lorsque tu rédigeais une lettre, que tu prenais le temps de peser chacun des mots que tu écrivais, tu rentrais déjà dans une relation avec le groupe ou la personne alors que tu n’avais jamais eu d’échanges auparavant. Et surtout, cela te demandait du temps. Il se passait des semaines avant que tu ne reçoives une réponse par courrier, il te fallait donc être très patient (rires). Aujourd’hui, écrire un mail prend deux minutes montre en main, c’est instinctif et cela répond à un besoin d’immédiateté. Tu peux écouter tout ce que tu veux, quand tu le veux et où tu veux, quitte à “consommer” plus que ce que dont tu as besoin. Et je suis le premier à le faire aujourd’hui puisque j’utilise aussi ces plateformes pour découvrir de nouvelles choses. La seule chose qui me manque finalement, c’est cet esprit de communauté, de fraternité que j’ai connu avec des personnes qui vivaient à 10 000 kilomètres de chez moi et qui avaient, elles aussi, pris le temps de me répondre ou de copier leur démo sur une cassette. Cela faisait chaud au cœur...
J’imagine que tu as pu te créer un sacré réseau à l’époque, est-ce que tu te souviens à ce titre de votre première tournée en Europe ?
Bien sûr, c’était avec LOUDBLAST en 1991 pour la sortie de « Butchered at Birth » ! Une tournée juste incroyable pendant laquelle j’ai rencontré de nombreux fans de CANNIBAL CORPSE, notamment au Danemark, avec qui nous d’ailleurs sommes toujours amis plus de 30 ans plus tard. Ces amitiés que j’ai nouées à cette époque sont immortelles…
Tu expliquais en début d’interview que tu étais impatient à l’idée de défendre ce nouvel album sur les planches. Qu’as-tu prévu avec CANNIBAL CORPSE en termes de tournée pour ces prochains mois ?
Nous tournons avec MAYHEM, GORGUTS et BLOOD INCANTATION aux Etats-Unis tout au long du mois d’octobre, mais nous n’avons pas prévu de concerts dans l’immédiat en Europe puisque nous sommes déjà venus vous rendre visite en début d’année. Nous n’avons pas envie de lasser notre public et d’enchaîner les dates sans objectif précis. Mais sois sûr que nous étudions des possibilités pour revenir chez vous dès l’année prochaine avec un show bien différent des précédents. En effet, nous avons réfléchi tout l’été à une setlist d’enfer qui devrait surprendre nos fans, même les plus assidus, car en plus d’avoir ajouté quelques morceaux de « Chaos Horrific », nous avons également pioché dans notre “vieux répertoire” avec quelques surprises qui devraient faire leur petit effet sur scène ! Préparez-vous... ça va saigner (rires).