
Il est néerlandais Nimblkorg, et il doit autant aimer le scrabble que le black metal vu le choix du nom de son projet SHYLMAGOGHNAR. Avec son troisième album, « Convergence ». Vérifions s’il est réellement capable de parler à la nature...
L’ouverture avec le titre "l Hear The Mountain Weep" est un instrumental fleuve de 10 minutes, aux sonorités variées, comme un programme du moment musical qui nous attend. Les guitares montent progressivement en puissance sur une batterie martiale, les arrangements de claviers donnent à cette exécution une ampleur très appréciable. L’accélération survient, ponctuée de breaks de type balancier, elle donne un arrière-goût littéraire à la mode de Tolkien, SUMMONING n’aurait pas boudé son plaisir en écoutant cela. Jean-Michel Jarre non plus, ...ok je sors.
L’arrivée d’un growl chauffé au goudron comme on les aime, sur "Follow The River", nous dit que l’on a fini de rigoler, retour à du pur black metal bien énervé. Mais toujours une atmosphère poétique derrière, l’ampleur sonne comme du EMPEROR. SHYLMAGOGHNAR se montre moins énervé qu’à ses débuts, mais il gagne en professionnalisme avec cette peinture aux multiples dimensions musicales où les soli s’étirent comme des violons en déprime. Vous reprendrez bien du rab ? "Threshold" n’étant pas là pour compter les lentilles avec ses riffs vengeurs et ses cris rageurs, nous sommes copieusement servis, le morceau est autant saignant dans ses explosions de rage que délicieusement mélodique dans ses envolées qui confinent à l’épique. Une bonne viande se doit d’être maturée, SHYLMAGOGHNAR a atteint un degré de maturation certain. Un régal.
SHYLMAGOGHNAR sait également nous réveiller de nos méditations avec des cavalcades bien black metal, tel "Strata" nerveux, au growl sombre et aux guitares lourdes et vivaces. Et toujours la dimension épique que le one-man-band glisse dans ses compositions, même dans l’intrigant "Gardens Of The Erased", un instrumental atypique qui dégage un electro-dark obsédant au charme déroutant, ou ce furieux "Egregore" à la voix dégorgeant sa sombritude sur des claviers crades (Of filth ?) et des riffs au goût de pur-sang. "Infinion" se pare lui aussi d’un autre rythme, une allure progressive et oscillante, telle l’esquif de cette fripouille de Charon nous menant vers des eaux noirâtres et mystérieuses. "Convergence" rassure par son black metal atmosphérique old-school, SHYLMAGOGHNAR a-t-il eu peur que l’on se perde dans ses expérimentations ? Peut-être...
"The Sea" est un des morceaux de bravoure de l’album, que l’on a découvert en avant-première. Plein de fraîcheur avec sa part d’acoustique, de notes médiévales, puis de soli hypnotiques. Le titre a la grandeur des peintures musicales de BATHORY. Un moment d’une grande intensité, ponctué par le magnifique "Becoming" qui tire le rideau sur l’album. Oui nous avons communié avec les éléments, de la musique et de la Terre.
Au final « Convergence » est assez déroutant. On note la présence de beaucoup de passages contemplatifs, des apports à la Jean-Michel Jarre (je ne plaisantais qu’à moitié) entre deux riffs bourrins. Je comprends aisément la frustration de certains fans, les titres abordant tellement de rythmes et thèmes que l’immersion est moins évidente qu’à ses débuts. Le plaisir est toutefois au rendez-vous, tant les morceaux sont généreux et bien exécutés. SHYLMAGOGHNAR a de la grâce autant qu’il a de la graisse, il y a bien une convergence dans deux poids deux mesures.