Coincées à mi-distance de la Norvège et de l’Islande et comptant plus de moutons que d’habitants (d’où l’origine de leur nom traduit en "Île des Moutons"), les Îles Féroé ne sont pas réputées pour leur scène metal. Ce qui importe peu puisque cela n’empêche pas HAMFERÐ d’en être le plus fier représentant. En tout cas, celui qui fait le plus parler de lui depuis ses tous débuts en 2008. Et cela, le célèbre label Metal Blade Records l’a bien compris puisqu’il s’est penché sur son sort pour la sortie de son 2e album « Támsins likam » en 2018. Il y a pire, l’on peut en convenir, comme parrainage pour commencer à se faire un nom hors de ses frontières.
Six ans plus tard, voilà le sextet féroïen de retour sur le devant de la scène avec « Men Guðs Hond er Sterk » qui marche sur les traces de son prédécesseur en troussant une nouvelle fois un doom/death ténébreux de toute beauté. A ce titre, l’endroit doit baigner dans une atmosphère particulière pour inviter ses habitants à façonner ce metal sombre fleurant bon les relents de humus et de brouillard glacé. Cette musique, poignante, solennelle touche droit au cœur et aux tripes, "Hamferð" étant un mot féroïen en lien avec les marins disparus tragiquement en mer.
« Men Guðs Hond er Sterk » se découpe ainsi en huit paysages sonores brumeux, dégageant en toile de fond une véritable mélancolie, une sensibilité à fleur de peau. Les lignes de chant de Jón Aldará (qui officie en parallèle au sein de BARREN EARTH) en sont le plus bel exemple. Puissantes et profondes d’un côté, lumineuses et émouvantes de l’autre. La prestation qu’il livre ici est tout simplement éblouissante de maîtrise. A l’instar de ses cinq autres camarades qui, dès l’introductif "Ábær", montrent toute l’étendue de leurs talents. Un titre aux six trop courtes minutes épiques parées de mélodies somptueuses, saisissantes, qui arracheront à coup sûr une larmichette au metalleux le plus endurci. "Marrusorg" et "Glæman" enfoncent quant à eux le clou en alternant parties calmes, introspectives couplées à des riffs empreints d’une profonde émotion qui touchent en plein dans le mille.
Pas de doute, HAMFERÐ sait comment s'y prendre pour créer des ambiances prenantes. Également à l’aise sur des terrains plus intimistes avec le poignant "Fendreygar", le groupe ne se prive pas pour autant de plonger en plein funeral doom, en témoigne à ce titre le pachydermique "Hvølja", lourd comme une fondue de plomb. Tel un dernier avertissement adressé avant de prendre la mer. A l’image du morceau éponyme qui vient conclure l’album, relatant la catastrophe qui survint en 1915 au large du village de Sandvik lorsque 14 marins moururent lors d’une expédition pour pêcher la baleine. Et l’on ressent dans cette voix résonnant au loin toute la tristesse de l’un des témoins de cette tragédie.
HAMFERÐ esquisse avec « Men Guðs Hond er Sterk » les contours d’un chef d’œuvre. Chef d’œuvre produit par George Nerantzis, enregistré et mixé de main de maître par Theodor Kapnas (l’un des deux guitaristes du groupe) et masterisé par Tony Lindgren, qui donne toute sa saveur à chaque détail de ce périple passionnant et passionné. Quant à l’artwork, magnifique, signé Nick Morte, il ne fait que renforcer la certitude d'avoir entre les mains un disque unique. De ceux qui ne peuvent laisser insensible...