Voilà déjà presque vingt ans que ce groupe nord-irlandais se plaît à abreuver nos oreilles de son style à la croisée du post et du math-rock, sans aucun signe d'essoufflement visible à l'horizon. Une bonne nouvelle doublée d'une belle longévité qui se doivent d'être ici saluées à l'heure de la livraison de ce septième album, « Megaufauna ». Et ce dernier fait une fois encore la part belle aux mélodies bien senties et aux ambiances décalées, certes... mais pas que.
Il ne faut d'ailleurs que quelques instants à "North Coast Megafauna", introduction explosive de plus de six minutes pour synthétiser toute l'étendue du talent d'AND SO I WATCH YOU FROM AFAR. Une véritable fresque aux contours multiples, avec une montée en puissance rythmique qui honore les parties de guitares affûtées du duo Rory Friers / Niall Kennedy. "Do Mór" et ses incessants changements de tempo laisse à peine le temps de souffler que l'on se fait happer par la doublette "Mother Belfast (Part 1) & (Part 2)" qui jongle entre le clair et l’obscur, le tout servi avec précision par Ewen Friers, frère de Rory et remplaçant de Jonathan Adger officiellement depuis 2022, et Chis Wee, batteur aux abois.
L’exécution de l'ensemble est limpide tout en étant percutant. A l’image de "Any Joy" et de ses superbes lignes de piano troussées par Michael Keeney, qui laissent planer comme un moment de rêverie dans la pièce. Comme pour mieux laisser le terrain au bouillonnant "Button Days" qui apporte ce petit grain de folie faisant de ce groupe l’un des meilleurs dans son genre. Point d’orgue du disque, "Me and Dunbar" se révèle être un tour de force intimiste, introspectif, qui ne se dévoile véritablement qu'après de nombreuses écoutes attentives. Une histoire d'atmosphères qui se savoure idéalement loin de l'agitation du quotidien.
Le contenant est également à la hauteur du contenu de « Megafauna » : l'album a été enregistré avec soin par Tommy McLaughlin dans son antre de l’Attica Studio à Donegal et masterisé par Katie Tavini. Le rendu final est excellent, laissant percevoir la place de chaque musicien dans cette brillante entreprise. L’artwork est quant à lui on ne peut plus explicite, illustrant à merveille toute l’énergie communicative de AND SO I WATCH YOU FROM AFAR sur scène. Une énergie qu’il a pu propager en bonne compagnie lors de dates effectués avec des formations comme ENVY, OCEANSIZE, CLUTCH ou encore THEM CROOKED VULTURES. Ce septième album est un tout qui inspire une profonde impression de dépaysement et fait de lui un voyage riche en émotions, parfois décalé... mais toujours juste. Un voyage chaudement recommandé.