Sorti en juin et resté coincé entre deux pages dans mes cahiers de vacances, laissez-moi vous parler de « Ciel Cendre et Misère Noire », premier album des Français HOULE. Alors que retentissent des chants grivois sur fond d’accordéon, on s’attend à une suite tout en power-metal de pirate, façon ALESTORM. Que nenni, "La Danse du Rocher" est fracas et cris. Le navire qui déchire la tempête se pare de pur black metal, son roulis est de riffs gras et sa rythmique d’une frénésie plus folle qu’un raid norvégien sur les monastères anglais. Le chant hurlé gonfle les voiles avec puissance et rage. C’est avec plaisir que l’on se délecte de breaks nostalgiques et chargés d’embruns marins. Car oui, derrière son classicisme musical, on sent parfaitement une touche atypique, l’amour de la mer, comme dirait Freud. Une "Mère Nocturne" larmoyante et suppliante dans sa mélodie lancinante, le tout entre deux salves de blasts féroces. J’ai tôt fait de grimper par-dessus le bastingage pour suivre le groupe dans sa traversée de l’extrême. Pour son premier album, HOULE porte haut son nom, tellement c’est délicieusement... houleux.
Alors que le voyage se poursuit, "Sur les Braises du Foyer" nous porte par-delà les déferlantes, dans une réelle épopée de riffs frappés sur des peaux tannées par le sel, marqué également par l’apaisement pendant ses envolées atmosphériques. Pour l’amateur de metal furieux, la morsure de ce jeu de guitare est un régal, nos oreilles sont le réceptacle d’une potion magique et brutale. Un obsédé dirait : « Quand c’est long, c’est bon » et il n’aurait pas du tout tort. Blague à part, je salue l’audace musicale de HOULE, qui sait glisser des gigues au sein de son metal. "Derrière l’Horizon" égrène ses guitares sur un chapelet mouvant et gigotant, on sent un groove, une ambiance de repaire de gentilshommes et femmes d’infortune, réfugiés dans l’auberge du bout du monde. Et dès le lendemain à la barre, la frontwoman Adsagsona invectivera et mettra en garde tous les éléments qui voudraient contrarier la charge marine du groupe.
Un intermède, « Et puis le Silence », avant que l’on ne soit marqué plus avant par le vrombissement de la basse de "Sel, Sang et Gerçures", un morceau qui va crescendo jusqu’à une explosion growlement prégnante. On me disait enfant à quel point la mer nous hypnotise, HOULE a trouvé la recette de ce sort, quelle béatitude d’atteindre le lâcher-prise dans un si beau maelstrom. On me dit que ce sont des petits nouveaux de la scène extrême, je n’en crois pas mes oreilles. Approchant des côtes sauvages, nous pouvons entendre les rires des mouettes, "Née des Embruns" sera l’ultime tirade musicale de l’odyssée de nos marins de l’extrême. Douze minutes d’un black atmosphérique à la maîtrise incroyable, une supplique à déguster sans modération. Le navire se balance somptueusement une dernière fois sur les vagues avant de coller son flanc au quai humide. Nous en descendons avec le vague à larme.
HOULE a marqué les esprits de 10 000 chanceux au Hellfest. Cet album est un gros coup de cœur du metal français en 2024 et j’affirme : quelle excellente claque black metal !