La veille de notre entretien, PHIL CAMPBELL AND THE BASTARD SONS donnaient un concert en Espagne. Plus précisément à Gijón, sur la côte des Asturies. Là, le guitariste gallois a retrouvé son pote Mikkey Dee, puisque son groupe assurait la première partie de SCORPIONS. Une affiche amenée à se répéter, car Phil and Co. ouvriront à nouveau pour les Allemands en ce mois de septembre... avant de se joindre à une autre formation germanique : ACCEPT. Ce sera donc pour cette rentrée, car moins de 24 heures après leur concert hispanique et près de 1000 kilomètres plus tard, le groupe gare son tour-bus dans le sud de la France, à une poignée de kilomètres de Montpellier. C’est là qu’ils donneront leur concert, dans un lieu emblématique de la scène alternative et indépendante : la Secret Place !
Véritable temple du rock et de l’underground, la salle montpelliéraine est portée à bout de bras par François-Xavier "Fyfy" Pinchon et toute sa bande depuis 25 ans. Et le "do it yourself", véritable mot d’ordre prôné par ce dernier, n’est pas si éloigné du mode de fonctionnement du PHIL CAMPBELL AND THE BASTARD SONS, puisque c’est Tyla, l’un des trois enfants de l'ex-MOTÖRHEAD, qui gère tout l’aspect logistique du groupe : tournée, dates, avions, hôtels… et interviews ! Un entretien avec Phil au diapason de sa tournée "en famille", puisque Nölann, mon fiston, m’accompagne pour décrypter les propos du guitariste. Derrière nous, les musiciens ajustent leurs instruments afin qu’ils soient les plus crades et les plus tranchants possible. Dans quelques heures, ils seront 350 à s’éclater sur les riffs de Phil et les Bastard Sons, sur la nouvelle scène extérieure de la Secret Place. Nous disposons de 20 minutes avec le guitariste. Ne perdons pas de temps…
Ce n’est pas si courant de voir un père et ses trois enfants jouer sur scène ensemble et enregistrer des albums. Comment cette envie a-t-elle vu le jour ?
Tout a commencé en 2013. Après 30 années passées avec MOTÖRHEAD, j’avais besoin de faire quelque chose de différent. Mes enfants étant de très bons musiciens, je me suis demandé pourquoi je ne ferais pas quelque chose avec eux ? On a donc monté ce side-project, le PHIL CAMPBELL’S ALL STARR BAND. Todd était déjà à la guitare, Dane à la batterie et Tyla à la basse. C’est notre ami Neil Starr qui s’occupait du chant. On jouait occasionnellement, principalement pour faire des reprises de MOTÖRHEAD ou des classiques du rock ou du heavy. On n’avait pas d’ambition particulière, si ce n’est de prendre du bon temps... et on a passé des moments fantastiques, tous ensemble.
Et puis, malheureusement, fin 2015, Lemmy Kilmister s’en est allé...
Oui, forcément le décès de Lemmy a entraîné la dissolution de MOTÖRHEAD. Dans ce type de situation, on réfléchit, on peut avoir envie de se poser ou même de prendre sa retraite. Mais j’avais encore de la musique en moi, et je n’avais pas envie de rejoindre un groupe pour jouer les chansons des autres. Et puis, il y avait ce groupe avec mes fils. C’était quelque chose de très fun et le public avait aimé la première mouture de notre formation. On a donc décidé de poursuivre l’aventure et de changer de nom : "les Bastard Sons", c’est mon idée ! On est finalement reparti de zéro, tous ensemble, et on a construit ce groupe pas-à-pas, avec les garçons. C’est quelque chose dont je suis très fier. On a d’abord joué dans de petites salles, puis on a accompagné Slash sur de gros concerts, les GUNS ’N ROSES dans des stades et participé à pas mal de festivals. Les choses évoluaient et devenaient de plus en plus grosses, petit à petit. Et puis, surtout, on s’éclatait, comme le fait tout groupe de rock !
Dans MOTÖRHEAD, tu composais tous les riffs depuis plusieurs décennies. Forcément, le public ne pouvait que comparer le PHIL CAMPBELL AND THE BASTARD SONS avec son illustre prédécesseur...
Les individus qui composent ce groupe ne sont pas les mêmes que ceux qui évoluaient dans MOTÖRHEAD. Cela créé donc une dynamique différente. Pour autant, il faut bien admettre que j’étais le riff writer de MOTÖRHEAD depuis bien longtemps. Il y a donc logiquement des similitudes entre les deux groupes. Et je ne peux pas changer cela, car cette façon de composer m’appartient : elle vient du cœur. Mais il faut aussi que je te dise que je suis assez fainéant... heureusement que je ne suis pas le seul à écrire ! Généralement, Todd est celui qui compose le plus pour le groupe. Mais cette semaine, c’est Tyla qui nous a soumis plusieurs idées ; Dane y a apporté sa contribution à la batterie... C’est quelque chose qui fonctionne assez naturellement entre nous. Une synergie, une harmonie qui fait que tout roule assez simplement.
Précisément, comment les décisions sont-elles prises, au sein du groupe ? Ici, les autres musiciens ne sont pas que des amis ou des collègues, mais des membres de ta famille...
On essaye d’être le plus démocratique possible. C’était d’ailleurs déjà le cas au sein de MOTÖRHEAD, où nous prenions les décisions à trois. Ici, nous sommes cinq à devoir nous mettre d’accord, car nous sommes un groupe, dans tous les sens du terme. La plupart du temps, on arrive donc à s’entendre, mais s’il faut trancher, c’est généralement moi qui ai le dernier mot. Je ne suis pas pour autant le leader du groupe, ce n’est pas un rôle que j’aime endosser. J’essaye surtout d’aider mes fils à grandir, mais parfois, je suis obligé de dire "non". Notamment lorsque certaines choses demandent trop d’énergie. C’est que je commence à me faire un petit peu vieux.
Comment tes enfants sont-ils devenus musiciens ? Tu les as poussés pour qu’ils empruntent cette voie ?
Ils ont toujours vu des instruments de musique traîner dans la maison lorsqu’ils étaient enfants : des guitares, des kits de batteries... Ils me voyaient jouer et ils ont forcément été influencés par tout ce qui les entourait. Leur apprentissage s’est donc fait très naturellement. Ce sont tous les trois d’excellents musiciens, tous multi-instrumentistes. Ils pourraient d’ailleurs aisément occuper les postes des uns et des autres sans le moindre problème. Ils sont tous impliqué dans l’univers de la musique en dehors du PHIL CAMPBELL AND THE BASTARD SONS. Que ce soit avec d’autres groupes ou en studio. Et pour tout te dire, ils sont tellement bons qu’ils m’obligent à travailler dur !
Justement, avez-vous déjà composé pour donner un successeur à « Kings Of The Asylum » paru en 2023 ?
Oui, on a effectivement commencé le travail d’enregistrement sur six morceaux. On s’est pour l’instant concentré sur la musique et on n’a pas réellement travaillé sur les parties vocales avec Joel [NDLR : le chanteur Joel Peters qui a succédé à Neil Starr en fin d’année 2021]. Normalement, ça devrait être dans les bacs en 2025.
Toi qui a composé des centaines de morceaux, peux-tu nous expliquer à quel moment tu es satisfait par ce que tu écris ? Comment savoir quand mettre fin au processus créatif ?
Toutes les chansons sont différentes. Certaines peuvent prendre dix ans de ta vie, d’autres une petite heure. Mais quoi qu’il en soit, il y a un moment où tu arrêtes d’écrire, car tu es satisfait. Et puis, au moment où tu enregistres, tu te rends comptes que l’on pouvait encore y ajouter quelque chose de plus. Tout peut arriver, lorsque tu composes. Tout. Parfois, les chansons arrivent de nulle part, sans que l’on ne puisse l’expliquer, d’autres fois, il faut batailler pendant plusieurs jours pour parvenir à ses fins.
J’ai beaucoup aimé ton album solo « Old Lions Still Roar » en 2019. On y découvrait une autre facette de ta personnalité. Une expérience que tu souhaites renouveler ?
Figure-toi que mes trois enfants jouent sur certains de ces titres ! C’était une belle expérience, mais je ne pense pas que j’en enregistrerai un second. C’est en tous les cas ce que je pense actuellement. Je te l’ai déjà dit : je suis paresseux. Je veux juste profiter de la vie avec ma femme, mes fils, mes chiens... Aller à la plage, regarder la télévision... Je n’ai pas envie de faire plus pour l’instant. Peut-être un jour prochain ? Je ne peux pas te le dire. Par contre, je vais probablement m’attaquer à un livre. Une biographie, à l’image du Confess de Rob Halford. C’est d’ailleurs Rob qui m’a poussé en ce sens. J’ai déjà été contacté par des suédois qui sont très intéressés, mais je ne peux t’en dire plus et spoiler le contenu du livre comme ce qui concerne l’aspect marketing. Pour l’instant, c’est secret, mais le bouquin devrait plaire.
J’imagine que tu dois avoir un nombre incalculable d’anecdotes à raconter... Aujourd’hui, après toutes ces années passées dans un groupe aussi prestigieux que MOTÖRHEAD, puis ces 10 ans au sein du PHIL CAMPBELL AND THE BASTARD SONS, quel bilan tires-tu de ce parcours extraordinaire ?
J’étais encore adolescent lorsque je suis entré dans le monde de la musique et cela fait désormais 50 ans que ça dure... Je me souviens lorsque je jouais avec PERSIAN RISK et que je faisais la première partie de MOTÖRHEAD, que j’ai ensuite intégré... Je suis heureux de vivre de ma musique, de ma passion, de ce que j’aime. Il y a tellement de requins dans l’industrie musicale, c’est inimaginable ! Il faut donc être très prudent. Je sais évidemment comment ça fonctionne maintenant, mais lorsqu’on est jeune, on est si naïf... Aujourd’hui, je tourne et j’enregistre en famille. C’est une autre façon de voir les choses. C’est plus cool, évidemment, et Tyla organise tout lorsque nous sommes sur la route, il travaille des mois en amont pour préparer chacune de nos dates, afin que tout se passe au mieux. Il est vraiment sérieux dans son travail. Pendant ces 32 années passées avec MOTÖRHEAD, j’étais forcément loin de ma famille. C’est vraiment top d’être avec eux lors de nos tournées, de leur renvoyer l’ascenseur par rapport à toutes ces années où nous étions éloignés.
Précisément, comment se passe votre tournée ? Vous parcourez l’ensemble du globe ou vous restez essentiellement en Europe ?
Pour l’instant, on tourne en Europe : Royaume-Uni, Espagne, France, Belgique, Pays-Bas, Danemark, Allemagne, Suisse, Autriche, Tchéquie, Pologne, Hongrie... Peut-être irons-nous en Amérique du Sud l’année prochaine ? Mais l’Amérique du Nord, elle, est vraiment très vaste. Très étendue. Pour tout te dire, je n’ai plus trop envie de m’engager dans pareil périple... Notre tournée se passe vraiment bien, que ce soit en tête d’affiche ou en première partie de SCORPIONS. Nous les avions déjà accompagnés et ils m’invitaient régulièrement à jouer "Overkill" sur scène, avec eux. Mais ils ne jouent plus ce morceau sur le "Love At First Sting Tour". Tant pis ! Et bientôt, c’est ACCEPT que nous rejoindrons sur plusieurs dates.
Avant cela, tu vas donc jouer à la Secret Place, ce soir. Tu étais déjà venu ici ?
Non, c’est la toute première fois. Par contre, j’avais déjà joué à Montpellier avec MOTÖRHEAD, il y a plusieurs années de cela. J’aime bien ce genre d’endroit, on est tout proche du public, ici. C’est vraiment quelque chose que j’apprécie. Quelques jours après cette date, on retournera au Pays de Galles pour faire un petit break de quelques jours avant de ré-attaquer. Mais avant cela, c’est concert ! Je file me préparer...
Set-list du concert à la Secret Place de Saint-Jean-de-Védas le 22 juillet 2024 :
01. We're The Bastards
02. Freak Show
03. Going To Brazil
04. Schizophrenia
05. High Rule
06. Born To Raise Hell (Motörhead)
07. Straight Up (Phil Campbell en solo)
08. God Save The Queen (Sex Pistols)
09. Dark Days
10. Ace Of Spades (Motörhead)
11. Strike The Match
12. Maniac
Rappel :
13. Killed By Death (Motörhead)
14. Heroes (David Bowie)
15. Overkill (MOTÖRHEAD cover)