Voilà un nouvel album de MORK, un an seulement après la sortie du fabuleux « Dypet ». Le bien nommé « Syv », septième album du one-man band norvégien, vient compléter une riche discographie avec un son en perpétuelle évolution mais toujours aussi sombre et brutal. Thomas Eriksen répond à nouveau à nos questions avec toujours autant de sympathie. Un habitué des colonnes de HARD FORCE et nous ne nous lassons pas de ces échanges !
Salut Thomas, c’est un plaisir d’échanger avec toi à nouveau cette année ! Après une interview pour ton projet UDÅD, voici à présent un nouvel album de MORK. Quelle efficacité ! Ressens-tu un besoin de composer et de sortir de la musique ?
Eh bien tu sais quoi ? Les deux dernières années ont été ma période la plus créative. Je suis juste infatigable, inarrêtable. C’est un sentiment exaltant.
Ce doit être bien d’avoir autant d’inspiration tout le temps...
Oui, absolument. C’est l’inverse qui n’est pas bon.
Pour commencer, parle-nous un peu de ta prestation au Hellfest...
Oh c’était fantastique ! Le festival faisait partie de nos plus grosses envies. On a fait le Wacken Open Air il y a quelques années et c’était déjà énorme mais il me semble que notre Hellfest cette année a rassemblé le plus gros public devant lequel nous ayons joué. Il y avait peut-être 15000 personnes devant nous et c’est vraiment beaucoup pour nous, et pour un groupe de black metal en général.
Tu considères que c’est un exploit pour vous ?
Oui vraiment. Quand on a commencé à jouer en tant que groupe live, le but était le Wacken et le Hellfest. Et on l’a fait ! On a donc besoin de nouveaux défis maintenant !
Oui, on a vu que vous alliez jouer au 70 000 Tons of Metal. C’est un challenge ça aussi non ? Faire la fête toute la journée et du black metal toute la nuit...
Oui, ça faisait partie de nos envies aussi. Tu vois, faire une croisière sur une bateau dans les Caraïbes avec un groupe de black metal, c’est juste... irréel ! J’ai encore du mal à y croire, mais nous le ferons !
Ca doit changer de ce à quoi vous êtes habitués ?
Oui, on a l’habitude de lieux sombres et exigus ou des festivals donc ça va nous paraître un peu bizarre je suppose. Mais je pense aussi que ce sera génial car on va passer une semaine sur ce bateau avec de bons moments, beaucoup de bière, des cocktails, une piscine et une atmosphère tropicale. Je ne peux pas dire non à ça ! Ce sera chouette.
Oui, une ambiance typiquement black metal !
Euh... non ! Mais ça m’est égal !
Donc parlons un peu de ce septième album qui arrive seulement un an après son prédécesseur. Il semble que tu laisses MORK évoluer librement car « Syv » est différent du précédent. Il est plus lourd, plus brut, peut-être plus sombre. On dirait que vous avez passé un niveau, non ?
Eh bien quand j’ai donné « Dypet » au label, j’en avais fini mais j’avais aussi ce sentiment d’avoir été bloqué dans mon écriture donc j’étais un peu frustré. J’ai donc recommencé à écrire tout de suite, avec beaucoup d’inspiration. C’est aussi la raison pour laquelle un autre album est encore en route au moment où je te parle. J’avais à peu près 50 nouvelles chansons écrites juste après « Dypet ». J’ai beaucoup d’idées et comme je te le disais, ces deux dernières années ont été mes meilleures concernant la musique mais aussi en tant qu’artiste en pleine évolution. As-tu écouté le dernier album ?
Oui, bien sûr. Il est génial et une des chansons ressemble à ce que tu as écrit pour UDÅD : "Heksebål", mais le reste de l’album est très MORK, mais en plus intimiste, avec plus d’émotions peut-être...
Oui, je suis tout à fait d’accord. Comme tu dis, il est brutal et aussi très calme à certains moments. C’était important pour moi de visiter tout le spectre de la musique pour montrer mon évolution. Pour moi, le metal extrême et les sentiments extrêmes, n’ont pas besoin d’être agressifs tout le temps. Comme tu peux l’entendre sur la dernière chanson de l’album, elle est toute en descente, éthérée. Ce sont des sentiments louables aussi. Je n’ai pas envie de me cantonner à faire du black metal à la DARKTHRONE, je ne veux pas me répéter. Je sais que je t’ai déjà dit ça pour les précédents albums, mais c’est vrai.
Tu m’avais dit pour UDÅD que ta voix avait beaucoup souffert lors de son enregistrement et que tu avais eu un travail spécifique à faire. Est-ce que ça a été le cas pour « Syv » aussi ou est-ce que tu es revenu à quelque chose de plus "facile", de plus habituel ?
Je dirais que MORK est plus confortable pour moi car les vocaux ne diffèrent pas vraiment d’un album à l’autre. Sur « Syv » et sur le précédent, je fais mes parties vocales traditionnelles à la "Thomas Eriksen" mais aussi des cris et des parties claires. Je suis de plus en plus à l’aise avec ces derniers. Je suis maintenant capable de m’exprimer de façon plus claire, cristalline même. Alors que le but d’UDÅD était de faire sortir des émotions crues et du désespoir. Il m’a semblé naturel que l’enregistrement d’UDÅD me fasse mal car ça correspond au projet. Mais je ne ferai sûrement plus jamais ça, ni même en live.
Le titre de l’album, « Syv », signifie "sept", c’est ça ? Pourquoi ce titre en particulier ? Parce que bien sûr c’est le septième album, mais la symbolique doit aller au-delà de ça non ?
Oui, en effet, c’est le septième album donc c’était facile mais en dehors de ça, j’ai toujours été attiré par le chiffre 7. C’est comme un nombre mystique ou magique. Ca fait un peu cliché mais ça me renvoie à mon enfance, à mon entrée dans le heavy metal et un de mes vieux albums préférés est « Seventh Son Of A Seventh Son » d'IRON MAIDEN. Je sais aussi que le chiffre 7 peut avoir un sens chrétien et quand je l’utilise, ça tourne en blasphème, parce que pour moi, il a un sens complètement différent !
C’est difficile de trouver le bon titre pour un album ? Il doit englober toutes les chansons, être précis, vouloir dire quelque chose...
Je pense que c’est aux auditeurs de donner du sens au titre de l’album, avec l’aide de la musique, des paroles, des titres de chansons... Je fais ce que je sens être bien pour moi mais les gens doivent faire leur propre interprétation. Je ne dirai pas aux gens comment interpréter ce que je dis. L’artwork de la pochette donne du sens aussi à l’album parce que le logo "7" est vraiment bien réalisé par notre ami français David Thiérrée et ce fond avec la forêt qui est en fait la première peinture que j’utilise pour un album de MORK. C’est un pas en avant également mais il est important de trouver de nouvelles idées car la musique est nouvelle aussi.
Ce qui est très intéressant aussi c’est la façon dont tu as lancé le teasing de l’album sur les réseaux sociaux avec cette espèce de compte à rebours et les logos associés. Prends-tu la communication, notamment par le biais des réseaux, comme une opportunité ?
MORK est un projet solo et je fais tout moi-même et utiliser les réseaux sociaux est un jeu d’enfants. Tu as juste à aller sur ton téléphone. C’est une façon de garder le contact avec les fans et le monde, et de montrer que le groupe est toujours vivant. Mais le décompte croissant vers l’annonce de la sortie était une idée du label. David Thiérrée a donc dessiné chacun des nombres et il a fait du très bon travail. Je crois que les gens ont été curieux de savoir ce qu’étaient ces chiffres qui s’affichaient tous les jours sur la page de MORK. Nos amis polonais ont apparemment beaucoup aimé le nombre 6 car il semble que chez eux, le mot ait une signification plus sulfureuse ! J’essaye de poster quelque chose chaque semaine, même si ce n’est qu’une photo, juste pour dire qu’on est là.
Vous avez sorti un premier single "Utbrent" qui à mon sens n’est pas le plus représentatif de l’album...
J’ai toujours du mal à choisir les titres à extraire d’un album. Pour ce morceau, j’ai demandé aux autres membres du groupe, à ma famille, mes amis, ma petite amie... Et la plupart ont dit que "Utbrent" était représentatif de l’album ! Car il contient des rythmes blastés, du groove, des parties de chant clair, un peu de tout en fait. Mais c’est vraiment difficile de combler toutes les envies. En tous cas "Utbrent" est pour moi comme un voyage, une pièce musicale. C’est un titre qui a pour thème le fait d’être épuisé, complètement vidé par la vie en tant que personne. Quand tu n’as plus d’énergie, plus d’essence pour te faire avancer. C’est le principe du burn-out (traduction de "Utbrent").
Est-ce que pour cet album aussi tu t’es inspiré de la vie quotidienne pour l’écriture des morceaux ?
Oui, je m’assois et j’écris mes notes, mes poèmes en réfléchissant à la vie. La psyché humaine et l’être humain en général sont très intéressants. On a des sentiments si profonds. Je ne parle jamais de Satan ou de thèmes comme ça, c’est trop superficiel. L’âme humaine est plus appropriée à mon black metal. C’est quelque chose de vrai, au contraire de Satan qui ne l’est pas, je suis désolé !
Il semble que tu voyages beaucoup aussi. Est-ce que les gens que tu rencontres, les pays que tu visites peuvent être une source d’inspiration aussi ?
Oui, parfois. Il y a parfois des vibrations particulières dans les endroits que je visite et je peux en tirer quelque chose. Mais c’est le principe de l’inspiration : tu ne sais jamais quand elle va te tomber dessus. Je la prends comme un cadeau. Tu ne sais jamais quand tu vas être inspiré. Voir la nature, différentes natures, des gens différents... tout peut être source d’inspiration.
Est-ce que les musiciens qui forment MORK avec toi pour les concerts sont toujours les mêmes ?
Notre bassiste a quitté le groupe après la tournée en Asie et au Brésil. On a un nouveau bassiste donc, un gars génial, qui s’appelle Øyvind Kaslegard, il joue aussi dans SVART LOTUS.
Vous allez présenter l’album à Oslo, devant vos fans avec un autre groupe, TULUS. Est-ce que l’atmosphère est particulière quand tu joues dans ta propre ville ?
Oui, TULUS est un groupe génial dont les membres sont à peu près les mêmes que dans KHOLD. Ce sont de vieux amis alors on va passer une bonne soirée. Mais globalement, nos fans sont les mêmes partout dans le monde. Ils aiment le black metal, il y a quelque chose dans la musique qui nous rassemble tous. A Oslo, on retrouve forcément des gens devant lesquels on a déjà joué mais j’aime bien me produire devant des inconnus. Comme au Hellfest où on a joué devant des milliers d’inconnus ! C’est très excitant de savoir que tu peux toucher d’autres fans.
Tu disais tout à l’heure que tu avais déjà de nouvelles compositions pour un prochain album à venir. Est-ce que tu sens qu’il y a à nouveau une évolution entre la suite et « Syv » qui est tout juste sorti ?
Absolument. Je suis très confiant quant à la suite. Je ne vais pas parler du prochain album mais je suis sûr que tu l’aimeras si tu aimes celui-ci. J’arrive à un point où je suis satisfait de ce que je fais. Je n’écris pas que des chansons, je crée mon propre black metal et c’est important pour moi. Beaucoup de gens disent que MORK est un groupe qui ressemble à DARKTHRONE ou BURZUM mais ce n’est plus le cas. J’ai le sentiment d’avoir trouvé ma propre voie, mon propre son.
En plus de faire évoluer ta musique, tu as fait évoluer le statut de MORK, qui est passé de l’outsider black metal à une sorte de leader. Est-ce que ça te met la pression, de satisfaire les fans ?
Oui, c’est beaucoup de pression et j’ai perdu des fans en route. Mais ce n’est pas grave car je ne peux pas satisfaire tout le monde. Si les gens veulent que je ne sois qu’un musicien nécro-underground-blackmetal, ce ne sera pas le cas car j’ai besoin d’évoluer. Mais j’ai gagné aussi d’autres fans. J’ai juste besoin d’être moi-même, la musique fait partie de moi donc j’en fais ce que bon me semble.
Mais c’est aussi ce que les fans aiment : ton authenticité, ta sincérité, ta façon d’être...
Ca fait partie de MORK, je ne me considérerai jamais comme un leader. Je fais partie de la nouvelle génération mais je ne me considère par comme un exemple ou un modèle. J’écris mes chansons et ça me rend heureux.
Tu restes fidèle au label Peaceville Records au fur et à mesure des années. Est-ce que tu as d’autres propositions ?
Oui, d’autres labels s’intéressent à MORK mais j’ai eu un conseil de Nocturno Culto de DARKTHRONE un jour qui m’a dit : « Tu es chez Peaceville, reste chez Peaceville ». Je pense qu’il a raison. D’autres contrats semblent différents mais j’aime le lien que nous avons avec Peaceville qui soutient vraiment notre musique. Tant que la collaboration est si fluide, je n’ai pas de raison de changer. On travaille ensemble depuis 2017 et je n’ai rien à redire.