A peine quatre ans après avoir sorti un album aux allures de mètre-étalon, « Abscess Time » qui portait PYRRHON au pinacle de ces groupes inclassables, quelque part entre THE DILLINGER ESCAPE PLAN, GORGUTS et DODECAHEDRON, le quartette de Brooklyn se fend d’un cinquième méfait encore plus barré. Plus court que son prédécesseur, trente-huit minutes montre en main, d’un metal/hardcore schizophrénique, « Exhaust » est de ces disques qui ne laisse aucune seconde de répit.
Méthode, rigueur et structure, nous y voilà donc dès l’orgasmique doublette de départ "Not Going To Mars" / "First As Tragedy, Then As Farce" qui distille sans ménagement une volée de riffs dissonants et d’ambiances hostiles du meilleur effet. La générosité (et complexité) rythmique présente tout du long s'accompagne ici de nombreux breaks qui ne relâchent jamais vraiment la pression sur l'auditeur. Les potards sont dans le rouge, les hurlements viciés de Doug Moore sont à ce titre impressionnants de rage et de fureur. PYRRHON excelle ici dans l’abattage de riffs tranchants, techniques qui ne tombent jamais dans la branlette de manche stérile ("Stress Fractures", une petite merveille de folie en est la plus belle illustration). A n'en point douter cet album est un véritable puzzle aux structures tortueuses dont le but avoué est de faire régner la confusion. Une confusion savamment entretenue par l'imposante production, réalisée de main de maître par Colin Marston (KRALLICE, ARTIFICIAL BRAIN, GORGUTS...), qui sculpte ici un son dense et brut pour le groupe. Où chaque coup de baguette infligée sur les peaux résonne comme une claque, sourde et punitive. Où les guitares acérées renvoient en permanence d'inquiétants échos à une basse sournoise.
« Exhaust » plonge sans ménagement l’auditeur au cœur d’un fatras poisseux, lourdement lesté de dissonances, qui ne peut que conforter cette impression d’avoir posé les rangers en terrain hostile. Un bon gros coup de pied là où ça fait mal qui garantira rubis sur l’ongle son lot de sueurs froides aux amateurs. Distillant avec justesse cette sensation de désespoir et d’inconfort, bien réelle, qui happe et prend à la gorge de la première à la dernière seconde. A ce titre, un simple coup d’œil sur cette couverture signée Caroline Harrison, artiste attitrée du groupe depuis ses tout débuts, confirme que certains oiseaux ne sont pas tous dotés d’un sens de l’orientation judicieux. « Exhaust » est donc une œuvre dérangeante à tout point de vue, sur le fond comme la forme, qui ne s’adresse qu’aux têtes brulées en quête de sensations fortes. J’en suis.