La vile équipe de "Labels et les Bêtes" a encore frappé ! Et vous a une fois encore troussé une sélection de ce qui se fait de mieux en matière de metal velu qui sort des sentiers battus. Un menu alléchant concocté comme toujours avec amour : du barré de chez barré, du black metal protéiforme, du bon gros brutal death sans oublier un soupçon de sludge et de doom, avec la mélancolie en open bar. Et comme toujours en ayant un seul mot d’ordre à l’esprit à l’arrivée des premiers frimas automnaux : se caler sous un plaid moche avec le casque bien vissé sur les esgourdes. Car il est bel et bien temps de se réchauffer les tympans !
KILLING SPREE : « Camouflage » (Klonosphere)
Duo formé autour de deux acteurs reconnus sur la scène française, Mathieu Metzger (KLONE, ANTHURUS D’ARCHER...) et Grégoire Galichet (DEATHCODE SOCIETY, GLACIATION...), KILLING SPREE a choisi l’originalité comme vecteur de son message musical. Prônant l’éclectisme sur chacune des neuf compositions de « Camouflage! », KILLING SPREE invite à la table dissonances tordues, envolées progressives, rythmiques bien musclées, saxophone, bruitages et même du trombone, joué par Christiane Bopp, sur le morceau "The Psychopomp". Et ce qui aurait pu tourner au joyeux foutoir n’en est rien car le tout est ici bluffant de maîtrise. Une maîtrise qui confère au disque un côté "chaos organisé" du meilleur effet.
Un disque qui envoie aussi son lot de sensations fortes en balançant de vraies montagnes russes dans lesquelles les hauts-le-coeur rythmiques titillent les esgourdes en permanence. Un maelstrom furax d'où surnage en permanence une sorte de féerie schizophrène. Mais finalement... à quoi bon tenter d'expliquer ce qui va suivre pendant cette quarantaine de minutes où la surprise règne ici en maîtresse de cérémonie ? Et le plus fort dans cette histoire est que le duo de cerveaux à la manœuvre a le chic pour rendre tout cela digeste.
Plus efficace qu'une dizaine d'Oxyboldine en intraveineuse, les structures de chaque morceau, une fois appréhendées en solitaire, révèlent leurs liens improbables au fil des écoutes. Une expérience... renversante !
(Clément)
NORNA : « Norna » (Pelagic Records)
Forcément, un groupe composé autour du suédois Tomas Liljedahl (BREACH, OLD WIND) et des piliers suisses Christophe Macquat et Marc Theurillat (ØLTEN) ne peut laisser insensible. Parce qu’entre nous, en termes de noirceur et de lourdeur, NORNA se pose ici en sérieux concurrent. Son hardcore/sludge goudronneux et boursouflé d’écrasants mid-tempos crasseux assurera de nombreuses heures sombres à ceux et celles qui s'y fourvoieront.
Un son étouffant, convulsif qui pique autant à CULT OF LUNA qu’à BURST et qui forme l’incarnation parfaite du dégoût et de la colère. Une colère que Tomas, dont la prestation vocale évoque un combat meurtrier de chaque instant, retranscrit à merveille derrière son crachoir. "Samsara", "Ghost" et le grand final "The Sleep" illustrent d’ailleurs à merveille ce combat. Où le duo suisse Macquat/Theurillat évoqué en début de chronique excelle dans le matraquage sournois et contrôlé.
Maintenant que vous avez une vague idée de ce que ce bestiau hirsute vous réserve, il ne vous reste qu’à humer à pleins naseaux ces relents de noirceur et de vous enivrer des quarante minutes de « Norna ». Et si vous n’en avez pas encore assez avec ces sept morceaux, profitez-en pour vous procurer « Star Is Way Way Is Eye », premier album du trio paru en 2022, tout aussi terrifiant...
(Clément)
INFERN : « Turn Of The Tide » (Dolorem Records)
Il y avait belle lurette qu'une formation française ne nous avait pas remué la couenne à ce point-là ! Après un cinglant single en 2021 ("Ecocide" suivi de sa version 8-bits en 2023 pour les nostalgiques de jeux vidéo comme Doom sur PC) qui augurait déjà d'un avenir prometteur, INFERN confirme en déboulant trois ans plus tard avec un album prompt à ravir les fans de death metal en général, d'OBITUARY (« Archetype Of Brutal Aggressor ») ou BOLT THROWER en particulier (l'intro de « Undertow »).
Quelques morceaux s'affirment déjà comme de futurs classiques ("Phineas Case" et son refrain imparable, "March Of The Grotesque") aidés par une production massive dans laquelle les instruments sont parfaitement définis et n'empiètent jamais sur leur voisin.
Une prouesse signée Charles Elliott des studios Takesmaker de Los Angeles (ABYSMAL DAWN...) qui suit INFERN depuis ses débuts et par conséquent semble les connaître par cœur. 40 minutes de brutalité contrôlée, de soli parfaitement exécutés et un groupe classé dans la catégorie « à voir en live en priorité » : rien de tel pour démarrer cette rentrée !
(Crapulax)
...IN VISCERO : « Italia Violenta » (Pest Records)
Les noms de groupe nous en apprennent généralement déjà beaucoup quant au pays d'origine des musiciens et parfois également le style dans lequel ils évoluent.
Par exemple ROTTING CHRIST ne renvoie pas forcément à des chants corses rien qu'à l'évocation de son nom pas plus que CANNIBAL CORPSE à de la musique celtique.
Pour ...IN VISCERO et le nom de ce premier album, « Italia Violenta », ça sent quand même un peu beaucoup la pizza marguerita avec du parmesan dessus ! Hé bien pas du tout : ce trio est hongrois et composé de fans absolus de films italiens cultes d'horreur qu'ils incorporent dans leur death metal qui, lui, est inspiré par celui qu'on trouvait en Suède à l'époque d'ENTOMBED ("Incubo sulla cittá contaminata").
Tout ça n'a beaucoup de rapport, certes, mais il faut reconnaître que le tout est plutôt bien joué, que le son des guitares est graveleux à souhait bien comme il faut et que c'est plus pratique de cliquer sur l'écran du PC pour écouter ...IN VISCERO que de se lever et passer 5 minutes à chercher « Left Hand Path » ou « Clandestine » dans sa collection de disques.
(Crapulax)
LE COVEN DU CARROIR : « Tenebrae Fabulae » (France Black Death Grind)
Ce trio français fraîchement arrivé de son terroir de Bourges pour nous asséner un black metal furieux et mystique ne devrait pas tarder à se faire un nom dans le paysage hexagonal. « Tenebrae Fabulae », premier album du groupe permet la découverte d’un monde païen, énigmatique, où se mêlent traditions, légendes et sorcellerie, tout cela au gré d’une musique brutale et rythmée.
Les blasts rivalisent avec les riffs tonitruants, la voix hurlée est habitée et de nombreuses atmosphères ésotériques sont mises en place notamment grâce à des chœurs pour garder un côté sombre tout au long de l’album.
Des titres comme le très black "The Devil’s Bridge" sont haletants, complètement prenants avec un rythme lourd et marqué et des samples atmosphériques qui permettent une immersion diabolique. D’autres comme le plus agressif "Gods Of Old" combinent mélodies, ambiances et riffs black old-school.
Le surprenant "Bean Nigghe", ses dissonances et son influence noise, est un morceau presque chamanique. L’ensemble nous plonge dans plus de 45 minutes d’une musique soufflée par les mythes et une vérité volontairement oubliée.
LE COVEN DU CARROIR frappe fort pour ce premier jet. Hâte de découvrir la suite.
(Aude Paquot)
GROZA : « Nadir » (AOP Records)
Troisième album pour les Bavarois GROZA qui franchissent aujourd’hui un palier avec un album de black atmosphérique de grande qualité. « Nadir » comprend une introduction instrumentale à la guitare mélancolique, suivie de six titres non moins emprunts d’émotions intenses.
Les riffs répétitifs de "Asbest" sont hypnotiques et son ambiance est lourde et ritualiste mais aussi terriblement incarnée par moment. Le très bourrin "Dysthymian Dream" fait la part belle à une voix hurlée sur des rythmes blastés mais le break à la guitare arpégée et voix récitée donne une allure bien plus sereine, donnant tout son sens au titre du morceau. Le rapide et mélodique "Equal.Silent.Cold" est saisissant mais le joyau de « Nadir » revêt le nom de "Deluge". Son black atmosphérique, sa voix possédée, ses riffs addictifs et sa mélodie omniprésente tout comme à nouveau son break acoustique, en font un morceau incontournable.
Enfin, l’ultime et magnifique "Daffodils" avec la présence de J.J et M.S d’HARAKIRI FOR THE SKY referme l’album avec beaucoup de nostalgie et dans une ambiance très éthérée.
GROZA parvient ici à se hisser à un niveau supérieur et nous le suivons bien volontiers dans son ascension.
(Aude Paquot)