29 septembre 2024, 14:50

ALICE COOPER

LES ARCHIVES HARD FORCE


En presque 40 ans d'existence, HARD FORCE a rencontré Alice Cooper à de très nombreuses reprises et à chaque fois, cela a donné lieu à des conversations privilégiées. 
Comme certains d'entre vous n'ont jamais lu ces interviews et que probablement seuls les collectionneurs ont gardé des exemplaires du magazine, nous vous proposons ici un best of d'échanges passés avec la légende !
 

En 1988, dans le sillage de son dixième album "Raise Your Fist and Yell" paru quelques mois plus tôt, Alice Cooper vient en concert à Paris et se produit pour la première fois au Zénith.
L'occasion pour Christian Lamet de le rencontrer dans la suite de son hôtel et de parler notamment d'un show jugé à l'époque particulièrement violent et provoquant, au point d'être partiellement censuré en Allemagne.


​Certains disent que ton show et toutes ses attractions sont aussi importants, si ce n'est plus, que ta musique. Qu'en penses-tu ?
Alice Cooper : On ne peut pas nier que sans le visuel, la musique n'existerait pas. Cela dit, l'ALICE COOPER BAND passe plus de temps à travailler sa musique qu'à l'élaboration de ses décors. Supposons que je réunisse mes musiciens et que je leur dise de se contenter de jouer sans aucun artifice, comme n'importe quel autre groupe, cela ne présenterait aucun intérêt et c'est ce que nous voulons justement ne pas faire. Nous ne voulons pas être un groupe de plus, mais un groupe à part. Comme notre musique paraît être largement à la hauteur, qu'est-ce qui nous empêche de mettre 300.000 $ supplémentaires dans Le visuel, sans être accusés de détourner les gens de la musique ?
Nous exploitons l'ensemble du concept sans nous limiter uniquement à la musique. Alors, quand les gens pensent que nous dévalorisons la musique au profit du show, je leur demande ce qui leur fait peur. Peur de se marrer et de faire la fête ? (rires) C'est ce qui rend un show classe. Si je reviens en arrière et stoppe les effets sur scène, je régresserais par rapport à l'image que j'incarne depuis des années.

Tu as frisé la catastrophe, il y a quelques années, durant toute une période où tu es tombé dans l'oubli le plus complet. Peut-on parler de "come-back" à ton sujet ?
Absolument, c'est le bon terme. Je ne pouvais pas "fonctionner" correctement tant j'étais alcoolique! J'étais si dépendant de la bouteille que je ne pouvais être Alice Cooper et jouer sur scène de manière présentable. I fallait absolument qu'une partie de l'individu que j'incarne aille mieux physiquement pour qu'Alice Cooper se porte bien. Cette période a duré quand même quatre ans et c'est important pour un artiste rock. Surtout quand tu vois apparaître une tripotée de gens qui s'inspirent de près ou de loin de ton concept: KISS, WASP, tous ces groupes qui te copient. Ca ne me fait rien mais le retour est d'autant plus difficile que le marché est bien couvert."


Le douzième album d'Alice, "Hey Stoopid", sort en 1991 avec un casting complètement délirant : Slash, Ozzy Osbourne, Joe Satriani, Nikki Sixx, Steve Vai, Mick Mars, Vinnie Moore répondent à l'invitation. Notre journaliste, Emmanuel Potts, s'entretient avec lui.


​Sur la chanson-titre de ton nouvel album, "Hey Stoopid", tu clames que tu ne vis pas ta vie dans une vidéo. Penses-tu que bien des gens vivent dans un univers qu'ils se créent de toutes pièces et qui ressemblerait à une luxueuse vidéo ?
Alice Cooper : Je crois que les jeunes peuvent facilement tomber dans un monde fait d'illusions car ils sont souvent confrontés à des données purement médiatiques, comme la télévision, le cinéma ou la radio. Les jeunes Américains qui écoutent du rock se prennent tous, actuellement, pour Axl Rose, mais ce n'est pas la réalité... loin de là ! La chanson "Hey Stoopid" est une attaque, tous couteaux tirés, contre le suicide d'adolescents pour qui le rêve n'effacera jamais la réalité.


​Alors, face à cette situation épouvantable, contre qui dresses-tu un index vengeur ?
Disons que je ne pense pas qu'il faudrait effectuer des recherches sur quelle musique écoutait un suicidé : c'est la première "enquête" que font les parents de ces pauvres jeunes - quelle connerie absolue ! Comme beaucoup de parents n'ont pas su convenablement élever leur enfant, ils se dressent contre les groupes de rock...

On en arriverait donc à un sérieux problème dans le système éducatif américain ?...
Il est certain que ce dernier a perdu beaucoup de crédibilité par rapport au passé... Mais c'est un peu le même cas dans tous les autres pays. Le paradoxe est que nous vivons dans une société en proie au laisser-aller mais également très créative. Les Américains ne sont certes plus très portés sur les livres, mais toute une génération abat ses cartes pour réussir... et c'est la preuve d'un courage certain.

Le manque de culture littéraire de tes compatriotes est-il dû l'engouement pour la télévision ?
Bien que je sois un drogué de la télé, je dois concéder que je suis d'accord avec toi. Dans mon nouveau spectacle, je parais comme une victime du petit écran, mais en même temps, je me paie sa tête !

Sur "Hey Stoopid", on remarque la présence de musiciens prestigieux comme Steve Vai, Joe Satriani ou Nikki Sixx. Comment es-tu entré en contact avec eux ?
A Los Angeles, il existe une fraternité de musiciens qui se retrouvent fréquemment dans les mêmes bars et restaurants, ce qui fait que le contact s'établit aisément. M'investir, même pour un seul album, avec d'autres vedettes a été assez étrange pour moi, dans la mesure où j'ai toujours gardé tout ce que j'exigeais de ALICE COOPER comme un tresor extremement intouchable ! Mais je pense avoir été leurré par tout ce que représentait ALICE... Et je suis heureux de m'être fait violence, car participer à "Hey Stoopid" fut un réel plaisir pour tous !


​Cela pourrait-il laisser entendre que tu pensais que ta musique ne plaisait pas plus que cela ?
C'est vrai. J'ai toujours été dans l'insécurité en ce qui concerne le crédit accordé à ALICE, même s'il a réalisé autant d'albums ! Je pensais que la médaille devait essentiellement revenir au spectacle scénique... C'est maintenant que je me rends compte que mon alter ego a réellement créé des classiques du rock. Il m'a fallu du temps pour m'en convaincre mais désormais, je me sens assez fier pour appeler n'importe qui, dans le but qu'il ou elle participe à mes messages musicaux... Même Paul McCartney ! (Rires...)

As-tu eu de mauvaises réactions de gens avec qui tu as collaboré, des individus qui te prenaient pour un vrai dingue ?
Pas du tout ! Mais il faut dire que j'ai collaboré avec des personnalités susceptibles de s'adapter à mon propre genre musical. Ce sont des artistes dont j'écoute les disques : j'apprécie énormément GUNS N ROSES, MOTLEY CRÚE et AEROSMITH... et tous ceux avec lesquels j'ai dernièrement travaillé parlent la même langue. Pour "Hey Stoopid" on a parlé vrai rock'n'roll !

Revenons à l'image de ALICE, composée de névrose, sang, boucherie, bref... de violence. Certains jeunes ne vont-ils pas être tentés de se prendre, au quotidien, pour des meurtriers psychopathes ?
Je ne vais pas chercher à me défendre car je ne pense pas en avoir besoin, mais je dirais que ALICE COOPER a toujours traité tout ce qu'il assumait avec un réel sens de l'humour... Je fais dans la violence à base de chorégraphie, autant que celle présente dans des films comme "Robocop" ou "Terminator" et ceux qui me suivent savent pertinemment que ALICE n'est qu'un personnage comme ceux précités ou encore le Joker de "Batman" ! ALICE COOPER ne se livre à ses multiples exactions sanguinolentes que sur scène ! En concert, ALICE est bien moins violent que ce que l'on peut voir dans beaucoup de films américains... parce qu'il ne bénéficie pas des mêmes moyens technologiques... Hé ! Hé ! Hé ! Mais, scoop, il y a des personnes qui ont travaillé sur les décors de "Terminator II" qui oeuvrent en faveur de notre nouveau spectacle scénique !...

Quelle est ta réaction face à cette armée de groupes de death metal qui véhiculent tout ce qui est malsain ?
Autant je peux apprécier la musique d'un groupe de speed comme MEGADETH, pour la dose d'énergie qu'elle m'apporte, autant je n'ai strictement aucun respect pour les adeptes du death metal. Si tu veux tout savoir, la pire insulte que tu pourrais proférer contre ALICE COOPER serait de le traiter de sataniste ! Si quelqu'un me traitait de suppôt de Satan, je prendrais grand plaisir à le corriger... aux deux sens du terme ! Il y a assez de démons sur terre pour ne pas avoir a les conjurer, comme le fait un King Diamond… 

Si tu devais choisir tes trois chansons préférées de ALICE COOPER, à quoi aurions-nous droit ?
"Only Women Bleed", "Generation Landslide" et "Poison". La première me semble être un classique, la seconde contient les meilleures paroles d’ALICE et "Polson" est la chanson la plus sexy de mon répertoire.

Sens-tu le poids des années dans un métier aussi éreintant que le rock 'n' roll ?
Maintenant, non ! Tu sais, quand je regarde des films de moi lorsque j'avais 25 ans, je me rends compte à quel point ALICE faisait vieux : c'était, il faut le dire, la grande période d'alcoolisme invétéré ! Maintenant, ALICE n'est plus un légume et est en très grande forme physique... Un vrai bandit qui contrôle tout ce qu'il fait ! Sortir de l'alcoolisme m'a réellement fait un bien fou... et si mon grand plongeon dans l'alcool était à refaire, je traverserais à nouveau cet enfer, pour ressortir en nouvel homme!

La pochette de "Hey Stoopid" laisse transpirer une ambiance de vaudou. Pourquoi ne pas aller enregistrer un album dans les Caraïbes, là où fourmillent les sorciers ?
Cela me ne dirait rien. Comme je suis un bon chrétien, je serais sans doute foudroyé par l'éclair... Ha ! На ! Ha ! Non, c'est un artiste qui m'a envoyé l'inquiétante sculpture qui orne la pochette... et cela m'empêche de faire des voyages périlleux pour mon bien-être... Tu sais, si je veux voyager dans des contrées où tout arrive à cent à l'heure, il me suffit de rêver. Je fais régulièrement des rêves à côté desquels les films mettant en vedette Indiana Jones sont des siestes dans un salon de thé !


En 1994, trois ans après "Hey Stoopid", Henry Dumatray rencontre Alice Cooper pour la sortie de "The Last Temptation", un album conceptuel accompagné d'un comic book qui essaye de faire une percée, à une époque où le grunge et le rock alternatif règnent dans les médias.


​Cela faisait un bail que l'on n'avait plus entendu parler de toi. Pourquoi ?
Alice Cooper : C'est vrai... mais désormais, je vais modifier un peu ma devise. Je ne sortirai de disque que lorsque j'aurai véritablement des choses à dire et la certitude que ce qui sortira sera de la bonne musique. Je préfère définitivement la qualité à la quantité. Cette fois, "The Last Temptation" est accompagné d'une bande dessinée illustrant le concept, ce qui devrait rendre l'album un peu plus événementiel.

Es-tu à la recherche de l'ultime album d'Alice Cooper ?
Je ne crois pas qu'il soit possible de sortir un jour un album parfait. Ni moi, ni quelqu'un d'autre d'ailleurs. On pense toujours que le prochain sera la référence et c'est ce qui nous fait continuer. On a le sentiment que le disque du moment est bon mais que le suivant devra être encore meilleur. Je crois qu'en ce qui me concerne, certains albums sont meilleurs que d'autres et je cite volontiers "School's Out", "Love It To Death", "Billion Dollar Babies", "Welcome To My Nightmare" et... pourquoi pas "The Last Temptation" ? Je suis en tout cas convaincu qu'il s'agit d'un des plus beaux. Je l'aime assurément beaucoup. En fait, ce nouveau disque a pour moi des relents plus anciens et il n'est pas sans me rappeler certains enregistrements antérieurs que j'ai beaucoup aimés. C'est un album concept comme "Welcome To My Nightmare", mais il est pourtant très différent.

Penses-tu qu'il soit représentatif de la génération actuelle ?
Cette génération a vraiment une attitude défaitiste. C'est un peu à l'image des scènes de Seattle et du death metal... on a l'impression qu'il n'y a pas d'issue, d'après elles. Je ne pense pas que cela soit exact. C'est juste une attitude qu'elles ont.

Tu peux d'ailleurs en témoigner, car tu as surmonté bien des épreuves, n'est-ce pas ?
Oui, je dis toujours que j'ai survécu à toutes les guerres du rock ! Des gens comme moi, Steven Tyler ou encore Ozzy Osbourne, avons affronté bien des obstacles et nous sommes encore là ! Je demeure Alice après toutes ces années. Si j'avais quelque chose à dire à ces jeunes ce serait... vous n'êtes pas vaincus, il vous faut combattre. Vous devez continuer à vivre, ce n'est pas possible de se shooter quand on a douze ans, ce n'est pas possible de se procurer des flingues pour s'entretuer, ce n'est pas possible de choper le sida en pleine jeunesse... Il faut utiliser son cerveau. Si vous ne réfléchissez pas, alors, "ils" gagneront.

Qui sont ces possibles vainqueurs ?
C'est n'importe qui : les autorités, le pouvoir. Je crois qu'il est possible d'éviter de tomber dans les pièges que la société nous tend. La plupart des groupes de metal actuels - et il en existe de très bons - sont concentrés exclusivement sur la colère. Ils ne proposent aucune solution. C'est toujours "voici le problème, le problème, le problème". O.K., ça va, on connait tous le problème. Et alors, qu'est-ce qu'on fait ? Quelles sont les solutions ?

Es-tu plein d'espoir pour l'avenir ?
Je regarde le monde actuel un peu comme un épisode de Beavis et Butt-head, c'est-à-dire comme une vaste comédie. Il y a des moments dans la vie où l'on pense qu'il n'y a pas d’avenir. Mais en réfléchissant un peu, on se rend compte qu'en faisant beaucoup d'efforts, on peut arriver à s'en sortir. Il y en a qui passent toute leur vie à dire qu'il n'y a pas d'avenir : c'est eux que tu retrouves des années plus tard en train de faire la manche dans la rue. Je ne crois pas en la résignation. J'ai perdu bien des batailles, l'alcool a failli me tuer, j'ai eu des moments dans ma carrière où mes albums se vendaient très mal, mais j'ai continué et cela a fini par marcher.


"Constrictor", que tu n'as pas signalé comme étant l'un de tes albums favoris, semble avoir constitué un tournant important dans ta carrière. Est-ce exact ?
Tout à fait, car il m'a permis de rebondir. C’était un bon paquet d'énergie. C'est en réalité le premier disque que j'ai entièrement réalisé sans avoir recours à l'alcool. Ce fut une bonne période pour moi, elle m'a aidé à revenir, physiquement. Ensuite, il y a eu "Raise Your Fist And Yell" qui possédait encore davantage d'énergie, puis on est arrivé à "Trash" qui m'a complètement relancé vis à vis du public et qui fut un énorme succès commercial. A de nombreuses reprises, j'ai songé mettre un terme à ma carrière, pensant que j’avais fait mon temps dans les années 70. Mais en fait, je me suis dit que je pouvais tout à fait continuer à faire des albums, et finalement je ne le regrette pas !

Ton approche paraît très mystique. En es-tu conscient ?
Oui, et j'ai d'ailleurs écrit ce morceau dans ce sens, car je crois en la rédemption. Je crois en Dieu, c'est un fait, et je n'aurais jamais été capable d'écrire cette chanson si cela n'avait pas été le cas. Pour moi, c'est un point important de savoir qu'après la mort, il y a autre chose. Je suis persuadé que lorsque tu décèdes, on te présente la note... et tu serais bien inspiré d'avoir sur toi ce qu'il faut pour la payer. Le fait de savoir que la vie ne s'arrête pas à la mort donne en fait plus d'intérêt à l'existence. 

En 1996, deux ans après la sortie de "The Last Temptation", notre correspondant américain Daniel Oliveira retrouve Alice Cooper qui s'apprête à sortir son premier enregistrement live en 19 ans, "A Fistful of Alice".


​Comment as-tu eu l'idée de cet album live ?
Alice Cooper : J'ai pensé enregistrer un disque live, car mon dernier remonte à 1977, alors que des groupes comme KISS en ont sorti à peu près dix de leur côté ! (rires) Nous sommes allés jouer à Cabo San Lucas, au Mexique [au célèbre Cabo Wabo précisément, propriété de Sammy Hagar et des frères Van Halen), et avons décidé d'enregistrer le show. Nous avons mis en boîte 20 morceaux, parmi lesquels "Teenage Lament '74" et "Clones (We're All)" qui ont rarement été interprétés en concert.

Pourquoi avoir choisi ce concert au Mexique alors que toute une tournée américaine suivait ?
J'ai débuté ma carrière en jouant dans des bars. On imagine toujours Alice Cooper dans des grandes salles ou des stades, mais dans le passé, mes concerts n'avaient rien d'extraordinaire. J'étais juste là à jouer sur une petite scène avec un bon groupe de rock 'n' roll. Nous voulions renouer avec nos origines, nous concentrer davantage sur la musique et délaisser un peu l'aspect théâtral. Voilà pourquoi tout s'est si bien passé.


Il y avait des invités prestigieux à ce concert [Slash, Sammy Hagar et Rob Zombie]. Comment as-tu réussi à obtenir leur participation ?
Il existe dans le milieu du rock une certaine fraternité entre musiciens. Si Slash me demandait de chanter sur l'un de ses morceaux, j'accepterais sans me faire prier. Quand j'ai organisé ce concert, je lui ai demandé sur quel morceau il souhaiterait intervenir. Il a répondu "Only Women Bleed", car c'est le titre de mon répertoire qu'il préfère. Cependant, je voulais aussi qu'il joue au moins un titre plus rock, afin qu'il puisse donner libre cours à sa folie. Alors il apparaît sur "Lost In America", "Elected" et "Hey Stoopid". Si GUNS 'N' ROSES n'existait pas, je te garantis que Slash serait mon guitariste ! Il colle parfaitement au style Alice Cooper, tout comme Joe Perry d'AEROSMITH. Rob Zombie et moi sommes comme des frères. Il a chanté sur "Feed My Frankenstein" et "Elected". Il me rappelle ce que j'étais il y a 20 ans. Quand Rob est sur scène, c'est une autre personne. Le reste du temps, il est complètement normal. C'est pour cela que nous nous entendons si bien. Je suis aussi pote depuis longtemps avec Sammy (Hagar). Quand je lui ai demandé quel titre il voudrait chanter, il m'a répondu qu'il préférerait assurer la guitare sur "School's Out". J'avais oublié que c'était un grand guitariste. Lorsqu'il était dans le même groupe qu'Eddie Van Halen, il ne pouvait pas beaucoup jouer.

Et lorsqu'il aborde la question de production de son album suivant (qui sortira bien plus tard, en 2000, sous le titre "Brutal Planet")…

Cet album possèdera-t-il un son 70s comme son prédécesseur, "The Last Temptation" ?
La production est la seule chose qui différencie les années 90 des années 70. Sinon, l'écriture demeure la même. Pour ses sonorités, "Hey Stoopid" était un album typique de son époque. En revanche, "The Last Temptation" sonnait 70s et c'était totalement intentionnel. La plupart des groupes alternatifs veulent approcher le son des années 70 parce qu'il apporte quelque chose de plus personnel, moins de haute technologie. Je préfère qu'un album touche le coeur plutôt que l'esprit. C'est la raison pour laquelle PEARL JAM a du succès. Ses albums ont plus d'âme que de technologie. SOUNDGARDEN a trouvé une bonne combinaison entre les BEATLES, Seattle et les 90s, mais n'est pas trop "poli". Je suivrai le style de "The Last Temptation" parce que je préfère le son 70s. (…) 
ALICE COOPER incarne le cirque hard rock où tout peut arriver. C'est à la base un groupe de rock. mais avec une ambiance de cirque. Il y a toujours quelque chose d'imprévisible. Tu es toujours assis au bord de ton siège."


​A la bascule dans les années 2000, HARD FORCE retrouve Alice Cooper et décide de balayer avec lui les cinq décennies de rock qui viennent de s'écouler...
 

• LES FIFTIES •

Alice Cooper : J'étais un grand fan des coiffures rock 'n' roll de cette époque. Elvis Presley possédait une image de hors-la-loi. J'aimais aussi énormément les FOUR SEASONS et plus généralement toute la musique “do-wap". Il y avait vraiment de bons disques au cours de cette décennie et même si j'étais encore jeune, ils m'ont certainement influencé. D'abord au niveau de la coupe de cheveux, car j'adorais ces looks de délinquants juvéniles et je m'en suis donc faite une, avec la banane et la gomina, dès que ce fut possible.

Et intellectuellement, comment qualifierais-tu ces années ?
Romantiques. Les durs chantaient leurs peines de coeur. Même le plus endurci des rockers nous dévoilait ses états d'âme et ses sentiments amoureux en chansons.

La musique était donc pure et simple ?
C'est le moins qu'on puisse dire. Il est intéressant de voir que leurs joyeux morceaux de trois minutes peuvent encore séduire des adolescents. Ce n'est pas heavy, ni violent, ni politique, mais juste entraînant et facile à chanter. C'est sans doute l'aspect pur de cette période qui nous transporte, encore aujourd’hui.

Quels disques des années 50 recommanderais-tu ?
"Since I Don't Have You" des SKYLINERS, un album des DRIFTERS... J'adore cette musique qui me rappelle l'époque où j'ai commencé à aimer les filles et certains morceaux sont d'ailleurs gravés dans ma mémoire avec les images de mes premières histoires sentimentales !


 

• LES SIXTIES •

Lors des 60s, tu es donc allé un peu plus loin avec tes petites amies ?
Eh oui, bien évidemment. Mais c'est aussi à ce moment-là que j'ai découvert les BEACH BOYS d'abord, les BEATLES ensuite. J'en suis tombé sur le cul. J'ai d'abord entendu "She Loves You" , puis "I Wanna Hold Your Hand", et bien d'autres ensuite...
Leurs morceaux étaient tellement variés ! Une fois, je me souviens que dix titres des BEATLES occupaient les dix premières places du hit-parade. C'était mérité. Je suis devenu fan absolu du groupe ; j'ai abandonné ma coupe de cheveux façon rockabilly pour des cheveux tombants, plus hippie. Pourtant, à cette époque, je ne pensais pas encore devenir musicien. En fait, cela a commencé avec quelques potes, comme une vaste plaisanterie. Nous avons formé un petit groupe, en 1965, avec lequel nous faisions des reprises et surtout des parodies. Nous étions membres du "Lettermen's Club" ! En fait nous faisions aussi partie d'un club d'athlétisme et nous montions sur scène en tenue de sport pour faire des parodies. Je me souviens que "She Loves You" était devenu "I'll Beat You".. C'était très amusant. Et puis, nous avons commencé à jouer plus sérieusement, à composer, et nous avons touché un premier cachet pour jouer dans une fête. Vingt dollars par personne, ça nous paraissait cool. On préférait ça plutôt que d'aller bosser dans une épicerie pour se faire de l'argent de poche. Et c'est ainsi que nous avons progressé.

Selon toi, quel mot colle le mieux aux 60s ?
La joie. La musique était très joyeuse et lorsque je reprenais des morceaux des KINKS, des STONES ou des BEATLES, j'avais un vrai plaisir à les inter-préter.

Quels albums issus de cette période retiens-tu ?
"Runaround Sue" de DION & THE BELMONTS, "Meet The Beatles", bien évidemment, mais aussi "England's Newest Hitmakers" des ROLLING STONES, le premier KINKS... Un peu plus tard dans les 60s, il y a eu THE DOORS dont j'ai particulièrement aimé l'album "Strange Days" ainsi qu'un autre groupe, LOVE, et bien entendu THE YARDBIRDS qui jouaient comme des dieux et dont les musiciens représentaient "la crème de la crème" [en français dans le texte]. Cette décennie, c'est un peu la bible du rock : on y trouve un maximum de trucs excellents.


 

• LES SEVENTIES •

Les années sexe et popularité. Il faudrait un mot qui associe ces deux notions pour résumer les 70's. Pourquoi pas, "sexyfame" ? C'est à cette époque qu'Alice Cooper est arrivé, et nous étions en fait le premier groupe à dire au revoir à la devise "Peace & Love". A la place, nous avons dit "excès". Excès en tous genres. Au lieu de l'amour, des fleurs et des petits oiseaux, nous croyions aux blondes, aux Ferrari, à la violence sous forme de chorégraphie, aux films de James Dean, à "Orange Mécanique", des montagnes de pognon. Mais malgré tout, nous restions très positifs dans notre attitude et lors de nos concerts. Les gens qui y avaient assisté repartaient le sourire aux lèvres après s'être copieusement amusés. Nous ne laissions jamais notre public sur un sentiment négatif.

Est-ce pour cela qu'Alice ressuscite à chacun de ses concerts?
C'est vrai qu'il est souvent maltraité et tué, mais il revient toujours avec son costume et son chapeau haut de forme blancs ! En fait, tout cela correspond à une connotation religieuse dans mon esprit. Quant au costume, j'en ai eu l'idée lors d'une visite au "Paradis Latin", à Paris. Le meneur de revue possédait un accoutrement similaire et il m'avait fait énormément rire. Je voulais donc incorporer cela à mes concerts, d'autant que la France a toujours été une grande influence pour moi, vu que mon nom est Furnier et que j'ai des origines françaises.

Quel impact penses-tu avoir eu sur la musique ?
Un impact positif pour le rock en général. Notre plus gros problème fut d'être essentiellement considérés pour nos spectacles alors que nous étions surtout un bon groupe. La presse se focalisait principalement sur nos shows et disait que nous n'étions pas des musiciens extraordinaires, mais nous avons prouvé que nous pouvions aussi enregistrer de bons albums. "Killers" , "Love It To Death”,"School's Out" en sont le témoignage, car tous sont montes très haut dans les charts. Et c'est seulement à ce moment-là que nous avons connu une reconnaissance de la part des médias, car ils se sont rendu compte que c'est cela que le public voulait entendre. A ce moment aussi, d'autres groupes qui aimaient le théâtre et avaient peur d'en faire, s'y sont mis. Avant nous, Elton John n'était qu'un pianiste solo, puis il s'est mis à porter toutes ses tenues extravagantes. Même chose pour David Bowie qui était à ses débuts un chanteur de folk, David Jones, et qui d'un coup est devenu "Ziggy Stardust" et a aussi enregistré cette grande pièce théâtrale qu'est "Space Oddity". Ce que nous avons fait l'a inspiré, mais en fait, personne ne nous a réellement copiés, ce qui est une bonne chose. Même KISS a pris une autre direction, et Alice est resté une sorte de fantôme de l'Opéra. Chacun a pu librement développer sa propre identité.

Pourtant Alice avait une image plus méchante que les autres.
On poussait les choses encore un peu plus loin, mais notre côté sanguinolent possédait aussi un sens de l'humour très présent. Même si c'était de l'humour noir, les gens appréciaient parce que c'était effrayant et, en même temps, excitant et plaisant à regarder.

Les 70s ont aussi vu le développement du rock progressif dans leur première partie et du punk rock à la fin. Qu'en as-tu pensé ?
Pour moi, le punk rock fut le réponse naturelle à ce que nous avions fait. Une nouvelle génération arrivait et elle ne voulait pas copier ses aînés. Il fallait tout changer et se rebeller contre ce que nous avions proposé. Mais c'est vrai que dans la première partie des 70s, nous avions surtout assisté à l'avènement de musiciens très doués comme ceux de PINK FLOYD, YES ou KING CRIMSON. Ensuite, la mode est passée au minimalisme avec le punk. J'ai apprécié ce mouvement, parce qu'il a rappelé à tout le monde ce que le rock devait être : une musique rebelle pour teen-agers.

Et le heavy metal ?
C'était en quelque sorte une extension du hard rock. Si tu regardes les groupes qui ont survécu depuis les années 60, ce sont tous des groupes durs: AEROSMITH, THE ROLLING STONES, Alice Cooper. Tous ont d'ailleurs fait quelques petites choses assez metal, mais ils étaient avant tout hard rock. Le metal, c'était plutôt dans un premier temps BLACK SABBATH puis JUDAS PRIEST et IRON MAIDEN. Mais leurs racines étaient hard et d'ailleurs si tu prends les groupes de metal d'aujourd'hui, je suis certain qu'ils ont tous dans leur collection des albums de BLACK SABBATH, LED ZEPPELIN, KISS, AEROSMITH ou Alice Cooper.

Quels albums des 70s conseillerais-tu ?
"School's Out" d'Alice Cooper, "Ziggy Stardust" de Bowie, "A Night At The Opera" de QUEEN, "Sticky Fingers" des STONES, un album de T-REX… Il y en a eu beaucoup de très bons.


 

• LES EIGHTIES •

L'entrée dans cette décennie fut très difficile pour toutes les formations de hard rock, car le disco avait complètement envahi les radios. Les seuls hits que nous avons eus à cette époque étaient tous des ballades: le rock était banni des ondes. La place était à "Saturday Night Fever" et à VILLAGE PEOPLE. Même si nous avons fait de bons albums à cette époque, nous avons dû rester un peu en retrait. Puis, les groupes de punk metal sont arrivés au milieu des 80s avec des coupes de cheveux complètement folles, une attitude très glam rock... Il s'agissait bien sûr de MÖTLEY CRÜE, POISON, BON JOVI, qui a pondu quelques-uns des meilleurs albums de l'histoire du rock, et WHITESNAKE en 1987, puis GUNS N' ROSES. Tous remplissaient des stades et leurs concerts véhiculaient des infrastructures colossales. A cette période, je me suis de nouveau senti à l'aise. C'est alors que nous avons fait "Trash" qui était très influencé par tout ce qui se faisait à l'époque, mais qui possédait aussi la petite dose de venin caractéristique d'Alice Cooper. Et tous ces groupes qui marchaient bien étaient en réalité nos disciples.

​Quel adjectif emploierais-tu pour qualifier cette décennie?
Cher. Tout était cher : les albums, les shows, la vie…

Quels albums recommandes-tu sur cette décennie ?
Le premier BON JOVI et "Slippery When Wet”, "Too Fast For Love" de MÖTLEY CRÜE, “Appetite For Destruction" de GUNS N' ROSES, "Permanent Vacation" d'AEROSMITH, et quelques disques de EURYTHMICS dont la chanteuse, Annie Lennox, était une vraie diva.


 

• LES NINETIES •

Quel sentiment général a présidé aux années 90 ?
La colère et la révolte. Les gens se déclaraient la guerre comme ces groupes de rap qui s'entretuaient et devenaient ensuite numéro un au top.

Le black metal aussi a connu ses dérives. Ton maquillage a certainement influencé des formations de cette tendance.
Et j'espère bien que cela n'a pas dépassé le stade du maquillage, car sur un plan théologique, je suis complètement opposé à l'adoration de Satan, puisque je viens d'une famille très chrétienne et que je suis très croyant depuis toujours. En fait, je crois que la plupart de ces groupes jouent la comédie et n'adorent pas réellement Satan, mais leur attitude ne m'enchante pas plus que ça.

Les 90s furent-elles difficiles pour Alice Cooper ?
Non, car j'ai bien bossé durant toute cette décennie. J'ai enregistré l'album "The Last Temptation" dont je suis très fier, mais j'ai bien compris que je ne pourrais pas rester au sommet en permanence. Une carrière passe nécessairement par des phases ascendantes et descendantes, c'est inévitable. Ce n'est pas grave, j'ai passé beaucoup de temps en tournées, celles-ci ont d'ailleurs très bien marché, et je suis toujours présent sur la scène musicale, quoi qu'on dise.

Quels albums as-tu particulièrement aimés durant cette décennie ?
"Pump" d'AEROSMITH, "Use Your Illusion I & II" de GUNS N' ROSES, "Nevermind" de NIRVANA, ce qu'a fait Rob Zombie me botte aussi pas mal." (propos recueillis par Henry Dumatray)

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1 commentaire

User
omega_21
le 05 oct. 2024 à 12:29
Cette couverture de 89... Ca doit être le 3ème ou 4ème Hard-Force que j'ai acheté !
Merci de vous identifier pour commenter
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