12 octobre 2024, 20:34

Marina Viotti

Le côté "metal" d'une chanteuse d'opéra... Interview


Ceux qui ont écouté ou assisté à un concert de SOULMAKER savent depuis longtemps que la chanteuse lyrique qui a participé à la cérémonie d’ouverture des J.O. Paris 2024, aux côtés de GOJIRA avec la chanson "(Mea Culpa) Ah! ça Ira!", est aussi une fan de metal. Comme chacun sait, peu importe le chemin que votre vie d’adulte vous amène à suivre. Si votre rencontre avec le metal vous a fait vivre une réelle passion, elle vous accompagnera toute votre vie. Il nous était donc difficile de ne pas prendre le temps de discuter avec Marina Viotti sous prétexte que son quotidien est aujourd’hui celui des scènes d’opéra. Et c’est bien volontier qu’elle nous a accordé un peu de son temps, entre deux répétitions, pour parler de son vécu de metalleuse, mais pas que...

 

Rétrospectivement, quel regard portes-tu sur ta prestation avec GOJIRA lors de la cérémonie des J.O. de Paris 2024 ? Penses-tu que cela va changer durablement le regard du grand public sur le metal ? 
Marina Viotti : Personnellement, j’ai beaucoup de gratitude et de fierté. Cette occasion qui nous a été donnée de réunir dans un même tableau le metal, la musique classique et l’opéra est, à mes yeux, une belle reconnaissance. Elle nous a offert une visibilité pour défendre cette idée qui m’est chère : le mélange des genres et leur enrichissement mutuel. D’autant plus, que cette prestation regroupe mes styles de musiques de prédilection. Je pense qu’à travers des millions de vues et des nombreuses réactions sur les réseaux sociaux, cette scène a donné envie aux gens d’écouter du metal et d’aller à l’opéra. En cela, nous avons tout gagné car réunissant le côté épique de l’opéra et l’énergie du metal cette scène nous a permis de transcender ces deux genres et je suis extrêmement fière d’avoir participé à cela, car c’est quelque chose auquel je crois profondément.

Ta rencontre avec le metal semble être une sorte de coup de foudre. Comment l’expliques-tu sachant que tu étais complètement étrangère à cet univers ?
J’ai découvert le metal à l’âge de 17 ans. C’est grâce à un des musiciens de l’orchestre dans lequel je jouais de la flûte traversière et qui a fortement insisté pour m'emmener voir un concert d’AFTER FOREVER. Au départ, j’étais formellement contre car comme beaucoup de gens je considérais le metal comme du bruit. Mais, comme je suis quelqu’un de curieux et qui aime sortir de sa zone de confort, lorsqu’il m’a dit que la chanteuse (Floor Jansen - ndlr) venait du monde de l’opéra et qu’elle associait le chant lyrique au metal, ça a piqué ma curiosité. Je l’ai donc accompagné et j’ai littéralement pris une énorme claque. J’ai été embarquée par l’énergie, le charisme que la chanteuse dégageait et la communication entre le public et le groupe. C’était génial ! Vingt ans plus tard, le premier mot qui me vient à l’esprit quand je pense au metal, c’est "énergie". Encore aujourd’hui, j’écoute souvent du metal dans la voiture ou quand je fais du sport parce que cela me procure beaucoup de joie et d’enthousiasme. Cela me donne une force incroyable et l’envie de soulever des montagnes. C’est très personnel et je pense que cela correspond à ma personnalité qui est celle d’une personne très active. Même si l’opéra m’apporte plein d’autres choses, j’avoue que cette énergie particulière qui existe dans le metal me manque aujourd’hui.

Bien que tu sois venue au metal par son aspect symphonique, tu déclares en écouter assez peu...
En effet, le metal symphonique n’a bizarrement jamais été mon style préféré. J’ai du mal à l’expliquer. Peut-être est-ce dû au fait que je viens de l’opéra et que je l’écoute avec une oreille trop habituée. J’en écoute, mais il est vrai que je suis toujours un peu frustrée avec les orchestrations synthétiques. Je préfère quand les groupes de metal jouent avec un vrai orchestre comme SCORPIONS avec le philharmonique de Berlin, METALLICA avec celui de Los Angeles ou encore DIMMU BORGIR. Dans ce contexte, je trouve cela fabuleux. J’en écoute peu, mais je vais volontiers le voir en live comme NIGHTWISH avec Floor Jansen.

Quand tu parles de tes goûts musicaux, tu sembles en effet avoir un faible pour des groupes qui proposent une musique plus brutale...
J’aime en effet les riffs qui tabassent. Tout ce qui est un peu groovy comme PANTERA ou MACHINE HEAD. Cela passe aussi par le metalcore, voir le hardcore et de manière générale tout ce qui est mid-tempo. C’est vraiment ce que j’aime dans le metal et que je ne trouve pas souvent dans le metal symphonique, et c’est peut-être aussi pour cela que je suis moins fascinée par ce style. J’aime beaucoup les femmes qui hurlent comme Angela Gossow qui fût une des premières. J’aime aussi beaucoup les voix d’hommes rauques comme celle de Phil Anselmo ou Robb Flynn. Je suis fascinée par les voix capables à la fois de chanter et de hurler comme GOJIRA ou DAGOBA, car c’est techniquement hyper difficile et intéressant tout en apportant une certaine diversité. Ensuite, j’apprécie aussi tout ce qui est atmosphérique comme OPETH, KATATONIA ou NEUROSIS. Je suis donc comme d’habitude assez versatile dans mes goûts.


Penses-tu que ton intérêt pour une certaine violence dans la musique n’a pas aussi été déterminant à un moment de ta vie où tu n’étais pas préparée à affronter le décès de ton père ?
Il est vrai que mon père est décédé peu de temps après ma découverte du metal et mon entrée dans un groupe. Le metal a donc été ma thérapie. Ça a été le moyen pour moi d’écrire mes textes, de les partager avec le public et d’hurler sur scène ma colère et ma douleur. J’y ai trouvé une famille. C’est aussi un milieu où il y a peu de jugement. On peut y venir habillé un peu comme on veut. Si on est passionné, on sera toujours, à quelques exceptions près, accepté dans la communauté. Personnellement, je me suis toujours sentie accueillie. Je me souviens être allé dans des bars metal où je ne connaissais personne et pourtant il y avait un côté famille qui m’a toujours beaucoup plus. Cela m’a apporté énormément à une période de ma vie où j’en avais vraiment besoin.

Ce que tu décris est largement partagé au sein de la communauté. Penses-tu que le metal permet également aux adolescents de se construire et donner un sens à leur vie malgré les craintes de leurs parents ?
Oui, je le pense. Quand j’aborde cet aspect je me rappelle invariablement de cette mère inquiète pour son enfant et qui était venue me demander mon âge. Lorsque je lui ai dit que j’avais 25 ans, elle était catastrophée de penser que cela pourrait durer aussi longtemps. Finalement, elle a été rassurée quand je lui ai dit que je faisais de hautes études de philosophie et de lettres et que mon guitariste était chercheur au CNRS. Cela montre que l’on peut écouter du metal et réussir dans la vie.

Tu disais avoir approfondi beaucoup de style de metal, mais en ce qui concerne le death metal au-delà de l’énergie, tu n’en retires, au final, pas grand chose. Pourquoi ? 
J’ai fait beaucoup de festivals et organisé plein de concerts pendant plusieurs années à Lyon. J’ai donc pu aborder plein de styles différents. Maintenant, il est vrai que le death-metal ne me parle pas. Bien que ce soit souvent une musique technique, c’est comme dans le classique, si la musique manque de mélodie, n’est pas un peu mesurée, je n’arrive pas à suivre rythmiquement. Je finis par m’y perdre et en définitive je ne comprends pas la musique et au final, ça ne me touche pas. C’est un peu comme les mathématiques, ça me paralyse. C’est le cas par exemple avec SLAYER que j’ai vu de nombreuses fois en concert, c’est certes une prouesse technique, c’est une boule d’énergie, mais je m’ennuie parce qu’au bout d’un moment j’ai l’impression que tout se ressemble et je n’arrive pas à rentrer dedans. C’est aussi une question de son qui donne une impression d’un rendu brouillon. Maintenant, je te parle d’une époque qui remonte à une dizaine d’années et peut-être que depuis les choses ont évoluées. Ceci dit, ce n’est pas très grave, ce n’est qu’une affaire de goût. Dans le classique, c’est pareil il y a de la musique plus ou moins simple comme Mozart, Rossini ou même la musique romantique, on sait à peu près où se trouve le début et la fin d’une phrase. A l’opposé, il y a des musiques plus élaborées comme Stravinsky qui sont chouettes, mais que je vais moins facilement écouter car cela me demande un effort particulier.

J'aimerais que l'on parle à présent de ton projet « Melankholia: In Darkness Through The Light », qui est sorti ce 11 octobre...
Je suis heureuse que ce projet voit le jour car il me tient vraiment à cœur. C’est un premier pas vers mes origines de metalleuse. J'essaye d’y relier toutes ces différentes vies que j’ai eu. C’est un disque très important pour moi parce qu’il est très gothique. C’est l’album que j’appelle mon alien. Il est classique, mais pas que, il est un peu trip-hop, dark-wave, pop. Il est certes inclassable, mais il me représente. Rien que la pochette, c’est très personnelle. C’est une période mystérieuse et très sombre de ma vie qui finit bien. On y trouve les ténèbres et la lumière, d’où son titre. C’est mon propre voyage à travers cette période sombre : la peur de la mort, la peur du temps qui passe, les espoirs, les désespoirs, l’apaisement, l’acceptation... Ça me permet de raconter ma victoire contre le cancer. En même temps, je pense que ça parle de la condition humaine. Je pense que tout le monde peut y trouver une source d’apaisement. Pour moi, ce disque est une sorte de méditation. Il est tellement inclassable que je pense qu’avec, je peux me produire dans tous les styles de festivals et bien évidemment faire quelques festivals metal dans le côté plus acoustique, ambiant, parce que ça reste très gothique. Ça peut très bien s’écouter par la communauté metal pour le côté mélancolique et sombre, même si ce n’est pas que sombre.

Ce projet semble avoir commencé peu de temps avant que tu apprennes ta maladie...
Oui. A la base c’est un projet qui a existé sous forme de spectacle formé uniquement de compositions de John Dowland. Il s’agît donc uniquement de musique de la Renaissance retravaillée avec des sons électroniques. C’était un projet un peu expérimental, dans le cadre de l’Opéra de Lucerne, qui aborde les cinq étapes du deuil. Il y avait des textes allemands pour illustrer tout cela puisque Lucerne est en Suisse Alémanique. J’y jouais un personnage un peu apocalyptique qui arrivait sur Terre avec dans les bras un signe mort qui symbolise la mélancolie et qui passait par toutes ses phases. C’était très poétique, expérimental et beau. Une fois le projet terminé, je me suis dit c’est fou à quel point Downland sonne de façon très moderne. Cela a fait écho en moi par rapport à plein de choses que j'écoute dans ma vie comme Björk, KATATONIA, Johnny Cash... De ce fait, je trouvais qu’on était très proche au niveau esthétique. Je me suis dit qu’un jour j'aimerais bien me mettre en miroir avec des musiques plus modernes. En miroir, car cela symbolise le fait que dans mes disques, j’essaie presque toujours de faire découvrir la musique classique à un plus grand nombre. Je pense que cet album va permettre de faire découvrir à beaucoup de gens la musique de la renaissance comme il ne l’avait jamais imaginée. Le but, c’est de pouvoir toucher des publics très différents et de les toucher avec ma musique quelle qu’elle soit. Peu de temps avant notre premier concert, j’ai appris que j’avais un cancer, il a donc fallu faire évoluer le projet. J’ai dû tout arrêter et c’est le seul projet sur lequel j’ai pu continuer à réfléchir sur les arrangements. On a fait des répétitions, c’était la seule chose que je pouvais chanter car cela ne me demande vocalement pas d'effort. Ce n’est pas du lyrique ou de la pop, c’est juste ma voix au naturel et avec le micro et l'amplification, ça ne me demandait pas d’effort. Cette musique m’a fait beaucoup de bien pendant cette période. C’était une sorte de méditation sur la vie, la mort et toutes les choses qui gravitent autour. Après le cancer, on a pu faire ce concert qui a été très bien reçu par le public qui était très enthousiaste. Je me suis donc dit qu’il fallait en faire un disque.

Ce qui surprend aussi c’est que Vincent Flückiger et Fred Chappuis qui t'accompagnent dans ce projet viennent aussi de l’univers du metal...
Oui, ils viennent tous les deux du rock et du metal ou du punk. J’étais vraiment chanceuse de tomber sur eux. Ce sont d’abord des personnes que j’adore et qui sont aussi de supers musiciens qui peuvent faire des choses très différentes. Nous sommes un peu pareils, on a tous les trois cet aspect pluridisciplinaire et versatile. Ça nous permet en plein concert de changer d’instrument et c’est formidable.

On peut dire qu’entre ta victoire sur le cancer, la cérémonie des J.O., ce disque, sans parler de ta carrière de chanteuse lyrique que tu as reprise, 2024 est une forme de renaissance pour toi...
Oui c'est exactement ça !

Dans la perspective de « Melankholia... », comment te vois-tu évoluer ?
Mon projet idéal serait de réunir un groupe de metal et un orchestre symphonique, mais pas pour en faire un projet de metal symphonique, plutôt pour quelque chose réunissant la musique baroque et le rock. De mon point de vue, des auteurs comme Vivaldi ou Haendel sont ceux qui se rapprochent le plus du metal, car leur musique comporte des riffs et s’ils avaient eu des guitares électriques à leur disposition, ils les auraient utilisées. J’aimerai amener un groupe de metal avec une chanteuse à retravailler des morceaux du baroque. Ce serait intéressant de voir des chanteurs rock interpréter des rôles baroques sur des compositions jouées avec des guitares et des instruments classiques. De cette manière, il y aurait un vrai dialogue et ce serait super intéressant. Cela fait déjà bien trop longtemps que j’ai envie de réaliser ce projet. Il faut donc qu’il voit enfin le jour et que je réunisse mes deux mondes de manière très concrète.

Nous sommes curieux aussi de voir ce que cela pourrait donner car tu n'es pas la première personne connaissant l’univers de la musique baroque qui dit qu’il existe de forte similitude avec le heavy metal. A travers ses différents sous-genres, les frontières du metal sont difficilement identifiables, voire impossibles à définir de manière définitive, et elles se mélangent aisément dans le monde du rock, voire de la pop. De leur côté, certains artistes vont plus loin en intégrant des classiques du heavy metal dans leur récitals ou en les interprétant avec un quatuor à cordes et un piano. On peut citer les concerts de Floor Jansen en solo ou encore la tournée "Heavy Strings" d’Anneke van Giersbergen. Penses-tu que ces démarches contribuent à dédiaboliser le metal aux yeux du grand public ?
Oui je le pense. C’est vraiment un sujet, car suite à la cérémonie d’ouverture des J.O., il y a eu un énorme enthousiasme de la communauté metal, qui a presque unanimement remercié GOJIRA et les organisateurs de Patis 2024 d’avoir permis d’ouvrir le metal au grand public. Il y a certes les puristes qui défendent le metal comme quelque chose qui n’est pas fait pour être mainstream. C’est peut-être vrai, mais peu importe. Ce qui me dérange depuis toujours ce sont les préjugés et j’ai le même combat que ce soit dans l’opéra ou dans le metal. D’un côté, les gens trouvent l’opéra trop vieux, poussiéreux, trop cher et de l’autre, les gens trouvent le metal sataniste, dangereux et violent. J’aime faire exploser ces préjugés et faire sortir les gens de leur zone de confort, sous réserve qu’ils en aient la volonté et que quelqu’un d’averti puisse les accompagner. Dans mon entourage, plein de gens ne sont jamais allés à l’opéra. Quand ils sont prêts à faire la démarche, je choisis toujours un opéra facile à écouter avec une bonne mise en scène et surtout, avant de les emmener, je leur explique. Bien préparé, les gens ne peuvent être que touchés. Après, ils peuvent aimer ou ne pas aimer, mais au moins ils auront franchi le pas. Il en va de même pour le metal, pour en comprendre l’énergie et l’ambiance, il faut le vivre de l’intérieur et surtout être accompagné par des passionnés. Je suis convaincu que dans la vie tout peut être passionnant lorsque l’on est entouré des bonnes personnes. Par exemple, je me suis récemment retrouvée à un mariage avec des personnes passionnées de tuning, ce qui n’est pas du tout mon cas. Je me suis en définitive rendue compte que j’avais plein de préjugés et au final, comme ils ont su me faire partager leur passion, j’avais presque envie d’aller tuner ma voiture. Voilà ce qui m’anime. Faire partager ma passion pour l’opéra et le metal et faire tomber les préjugés.


Récemment PANTERA s’est reformé. Sachant que c’est un de tes groupes préférés, quel regard portes-tu sur cette reformation sans Dimebag Darrell et Vinnie Paul, et quel est ton album favoris ?
Mon album préféré est « Vulgar Display Of Power ». Concernant la réformation, il m’est difficile de me prononcer puisque je ne l’ai pas vue. Toutefois, si j’avais l’occasion d’aller voir le groupe, j’irai immédiatement sans l’ombre d’un doute. Cela reste de la très bonne musique et cela fait du bien de l’écouter. C’est un peu comme une Madeleine de Proust. Bien plus qu’un guitariste ou un batteur, le chanteur est une identité forte dans un groupe, car immédiatement reconnaissable. En particulier dans PANTERA, sans Phil Anselmo, je ne suis pas sûr que PANTERA serait encore PANTERA... A moins, peut-être, de trouver quelqu’un avec une tessiture similaire. De manière totalement différente, LINKIN PARK se reforme avec une chanteuse. Ce n'est donc pas du tout comparable, mais il faut voir ce que cela va donner. Quand des groupes se reforment après plusieurs années, l’important c’est de réussir à continuer de transmettre la même énergie. S’ils réussissent à le faire, c'est génial. A l’opéra, on rencontre des cas similaires avec des chanteurs qui veulent à tout prix continuer à chanter alors qui ne le peuvent plus. C’est dommage car plutôt que d'arrêter au sommet de leur gloire, ils terminent leur carrière sur quelque chose en demi-teinte et c’est donc dommage. Maintenant, je ne juge pas, car quand on a passé toute sa vie sur scène, je peux comprendre qu’on ait envie d’aller jusqu’au bout. 

Evoquons rapidement ton passé de chanteuse metal. Ce qui interpelle quand on écoute SOULMAKER, c'est que les paroles sont en français sur certains titres et en anglais sur d’autres... Pourquoi ce non-choix ?
Tout simplement parce que je n’arrivait pas à choisir. A l’époque, j’étais en classe de littérature avec un amour pour la langue française et mon anglais était beaucoup moins bon qu’aujourd’hui. D’ailleurs, ça s’entends quand je chante. J’avais envie que des personnes non francophones puissent aussi comprendre ce que je dis. De plus, il faut sincèrement dire, qu’il y a des chansons qui ne sont pas faites pour le français. Certains riffs et mélodies ne fonctionnent tout simplement pas en français. De ce fait, selon le titre à l’écoute des démos instrumentales, quand je travaillais la prosodie cela dépendait si c’était le français où l’anglais qui me venait à l’esprit. Finalement, la répartition s’est faite équitablement entre les deux langues.

Ayant vécu l’essort des femmes dans le metal, penses-tu que le genre musical est un vecteur de la libération de la femme ?
C’est une bonne question. Tout d’abord, il faut dire que je me suis personnellement toujours sentie confortable dans les milieux masculins. Je me suis toujours sentie plus à l’aise avec les mecs qu’avec les filles. Je suis très sportive et j’ai toujours eu un côté garçon manqué. Cela ne m’a donc jamais dérangée à l’époque d’être une des rares filles dans ce milieu. De nos jours, nous approchons la moitié, c’est donc chouette. Je devais toutefois faire face à une bonne dose de machisme qui ne passerait pas du tout aujourd’hui. Sur scène, j’entendais régulièrement « A poil ! », mais je ne le prenais pas mal car c’était dit avec humour et j’avais aussi de la répartie. Rien que le fait d’arriver au soundcheck, le regard des mecs en disait long : « Ah non encore une meuf qui va nous faire du EVANESCENCE » ! J’envoyais donc un bon growl et ça calmait tout le monde. Cela me permettait de gagner le respect de tous. Ensuite, il faut dire que j’étais vraiment impliquée. J’organisais des concerts, j’écrivais pour des magazines, j’ai aussi travaillé un temps pour le label Season Of Mist. J’étais ultra-présente. Tout cela m’a certainement valu, je pense, le respect de mes pairs masculins. Par la suite, il y a eu de plus en plus de femme qui on pris le micro pour chanter et aussi growler. Honnêtement, je n’ai jamais ressenti dans le public une forme d’hostilité. De mon point de vue, j’ai toujours ressenti de la bienveillance. Dans les pogos, il y avait toujours des mecs pour nous protéger lorsque cela devenait un peu trop violent. On sentait qu’ils appréciaient aussi de pouvoir partager cela avec des filles. J’ai toujours trouvé cela agréable et charmant. Pour ma part, je ne me suis jamais sentie en danger. Il fallait certes faire deux fois plus ses preuves pour être acceptée, mais une fois que c’était fait, nous l’étions comme n’importe qui. L’absence de jugement est aussi remarquable. On pouvait être moche, grosse, maigre, peu importe comment on était habillée, à quoi on ressemblait. Du moment qu’on était passionnée et qu’on faisait notre job, on était toujours acceptée. C’est cela que j’ai toujours aimé dans le metal, l’apparence n’à guère d’importance. En tout cas, c’est ce que j’ai vécu à l'époque. Je peux difficilement me prononcer pour l’époque actuelle, mais quand je vois des metalleux et metalleuses emmener leurs enfants, j’imagine que cela ne peut que bien se passer.

Bien que ce que tu racontes est toujours vrai de nos jours, il existe encore des groupes qui cultivent le slogans "Sex, Drugs and Rock’N’Roll", même s’ils prétendent que c’est du second degré, l’attitude n’en demeure pas moins là...
Je pense avant tout que c’est notre société toute entière qui sexualise la femme. Sans entrer dans des débats trop rapides, dans n’importe quel clip, les femmes sont souvent très peu habillées. Dans les paroles de certains types de musique, je t’en parle même pas. Ça fait partie de notre société. Maintenant, par rapport à mon vécu, je trouve cela tellement pas dans l’esprit du metal. Si certains en font leur sujet, je trouve cela dommage et j’espère aussi que c’est du second degré. D’ailleurs, je le déplore quelque soit le style de musique. Dans le metal, je n’ai pour ma part, jamais eu cette impression. Dans les paroles et textes, la femme est plutôt abordée au travers d’histoires d’amour, héroïques ou mythologiques. Quand je pense au metal ce n’est donc pas la sexualisation de la femme qui me vient à l’esprit. Maintenant, si cela est une réalité, ça veut dire que notre société contamine tout. Néanmoins, je pense qu’aujourd’hui il y a des femmes suffisamment fortes pour lutter contre ça et qu’il y a aussi des mecs pour prendre leur défense.

www.marinaviotti.com
 

Blogger : Bruno Cuvelier
Au sujet de l'auteur
Bruno Cuvelier
Son intérêt pour le hard rock est né en 1980 avec "Back In Black". Rapidement, il explore le heavy metal et ses ramifications qui l’amèneront à devenir fan de METALLICA jusqu'au "Black Album". Anti-conformiste et novateur, le groupe représente à ses yeux une excellente synthèse de tous les styles de metal qui foisonnent à cette époque. En parallèle, c'est aussi la découverte des salles de concert et des festivals qui le passionnent. L'arrivée d'Anneke van Giersbergen au sein de THE GATHERING en 1995 marquera une étape importante dans son parcours, puisqu'il suit leurs carrières respectives depuis lors. En 2014, il crée une communauté internationale de fans avant que leur retour sur scène en juin 2018 ne l'amène à rejoindre HARD FORCE. Occasionnellement animateur radio, il aime voyager et faire partager sa passion pour la musique.
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