La sortie du dernier album de DØDHEIMSGARD en 2023 fut une révélation. Ce « Black Medium Current », magnifique, digne, touchant, marquait au fer rouge la carrière jusque-là irrégulière d’un groupe à la créativité débordante. Le black metal avant-gardiste avait trouvé ses maîtres. Lorsque l’annonce d’un nouveau projet du leader Yusaf "Vicotnik" Parvez intitulé DOEDSMAGHIRD est parue, la curiosité fut grande. Les attentes aussi. Comment était-il possible, un an après le chef d’œuvre, de proposer neuf nouveaux titres, forcément attendus au tournant ? Eh bien c’est avec le multi-instrumentiste français Camille Giradeau que le défi a été lancé, sinon relevé.
A première écoute, on reconnaît bien le côté chaotique stipulé dans le nom même du duo, anagramme de DØDHEIMSGARD et donc attendu comme ayant les mêmes bases, avec une structure plus aléatoire. Si le nom est imprononçable, ne vous inquiétez pas, la musique est tout autant indescriptible. On ressent la spontanéité de l’écriture, on ressent l’urgence de l’enregistrement, on ressent le besoin de créer, on ressent l’envie d’explorer au-delà des limites. Dès le premier titre "Heart Of Hell" on est confronté à un black metal plus qu’avant-gardiste, mêlant synthés psychés, rythmes électro, chœurs éthérés, voix reconnaissable entre mille de Vicotnik, riffs saturés et belles mélodies. On sait d’ores et déjà qu’il va falloir s’accrocher, mais tout de même, l’intrigue est savamment posée.
Le complètement hermétique et dissonant "Sparker Inn Apne Dorer" fige l’auditeur sur place, malgré quelques passages plus atmosphériques. Heureusement, le plus "facile" si l’on peut dire "Then To Darkness Return" et son black metal tonitruant, brut, sans fioritures nous rassure quant à notre capacité d’adaptation à une modernité parfois obscure. De la même façon, "Endless Distance" nous ramène vers des horizons moins impalpables même avec son côté chaotico-cosmique omniprésent. On est plus proche de ce que DØDHEIMSGARD a pu proposer dans le passé, et on reconnaît clairement le clin d’œil à la mélodie de "Et Smelter" de « Black Medium Current ». Le très minimaliste et atmosphérique "Endeavour" au piano fait office de moment suspendu avant un "Death Of Time" true-black au possible, cru mais largement alimenté de beaux feelings. Et là on se dit que, quand même, ils sont forts ces DOEDSMAGHIRD. Ils nous ont gardé jusque là et nous offrent alors le réconfort d’une piste totalement addictif, chamanique, intense. Dérangeante aussi, mais ça c’est à la fin donc il faut profiter de chaque moment présent. "Min Tid Er Omme" est juste complètement surréaliste alors que "Adrift Into Collapse" prend des accents électro-celtiques improbables. Enfin, le très subtil "Requiem Transiens" termine ce « Omniverse Consciousness » tout en douceur avec une voix claire chantée habitée, théâtrale. Un final grandiose, mêlant folie et sérénité retrouvée.
Le moins que l’on puisse dire c’est que ce DOEDSMAGHIRD est compliqué. En même temps, il est fascinant. Si plusieurs écoutes sont nécessaires pour en découvrir toutes les facettes, « Omniverse Consciousness » a le mérite de nous faire prendre conscience de la complexité du monde en nous confrontant à un black metal avant-gardiste sans complexes. Et finalement, c’est pas mal de sortir de sa zone de confort, même musicale. A essayer pour l’adopter.