28 octobre 2024, 20:54

MC5

"Heavy Lifting"

Album : Heavy Lifting

Une horde sauvage, voilà à quoi je songe quand on évoque devant moi ce groupe. A l’instar du film de Sam Peckinpah, ils furent dès leur première œuvre "bruit et fureur". Comme une envie de tout lâcher à chaque note produite par des instruments électrisés, comme s’il n’y avait pas de lendemain. Fils de la cité automobile et de l’esprit black de la Motown, ils furent punks avant que Dieu ne l’ait autorisé. Ils faisaient s’emballer leur rythmique à l’heure où les collègues étaient si policés. Si, il y a 40 ans on m’avait dit que j’allais chroniquer un album du MC5 ? J’aurais traité le gars de mytho. Sauf que chez HARD FORCE des mythos il n'y en a point. Chris se pointe et me file pour mission de parler du premier skeud des fous furieux de Lincoln Park, au sud de Détroit, depuis... 1971, j’obtempère direct, sans discuter.

Qui mieux que Tom Morello pour jouer les invités sur la chanson-titre "Heavy Lifting". Personne d’autre que le guitariste de RAGE AGAINST THE MACHINE qui, souvenez-vous avait remis "Kick Out The Jams" au goût du jour pour exprimer sa rébellion des nineties. Le choix est judicieux au point d’ôter l’idée reçu que MC5 est du proto-punk. Fusion, voilà ce qui caractérise la bande de dingues du Michigan. Leur rage, leur humanité, ces "Barbarians At The Gate" te la balancent en pleine tronche comme en 1969, on croirait que le temps n’a pas eu d’emprise sur eux. Et pourtant, à l’heure où sort cet album deux membres nous ont quittés, Dennis "Machine Gun" Thompson et Wayne Kramer ont rejoint Fred "Sonic" Smith au royaume du larsen définitif.

On savoure d’autant plus ce "Change, No Change", au souffle funk-metal haletant qui arpente les grands boulevards nocturnes tel un Shaft empreint de fuck attitude. Pour cette dernière offensive le MC5 invite grand nombre d’initiés. Sur "The Edge Of The Switchblade", William Duvall d'ALICE IN CHAINS et Slash viennent livrer une prestation hard rock psychédélique, au rythme de rollercoaster et aux refrains absolument fédérateurs. "Black Boots", avec Tim McIIrath de RISE AGAINST et Brad Brooks, nous offre un trait d’union magnifique entre le funk-rock de Marc Bolan et le grunge façon MOTHERLOVEBONE, avec des soli qui nous ouvrent les portes de la perception. "I Am The Fun (The Phoney)", dans la même veine, montre l’influence que le groupe a pu avoir sur les RED HOT CHILI PEPPERS. Dingue, ou comment consacrer avec (beaucoup) de retard MC5 comme pilier de la fusion, démontrant mon hypothèse avancée quelques lignes plus haut. "Twenty-Five Miles" et "Because Of Your Car" sont de la pure Motown-rock qui résonnent de mille cuivres, puis il y a ce "Boys Who Play With Matches", qui se révèle délicieusement SUPREMES, mon dieu comme ce groupe est important dans l’histoire de la musique !

Complètement inattendu, "Blind Eye" est une tuerie, rock dur et voix à la sincérité débordant d’innocence, ce rock et cette nostalgie qu’aurait adoré Joe Strummer. "Can’t Be Found" est un trafic jam fusionnesque où personne ne s’étonne d’entendre Vernon Reid de LIVING COLOUR pousser la chansonnette. "Blessed Release" quant à lui, ne peut exister dans un monde calibré. Heureusement le vrai rock est tout sauf calibré. En me laissant bercer par ce dernier morceau "Hit It Hard", avec Joe Berry, entre soul-funk aux pointes rock à la GOLDFINGER ou RED HOT CHILI PEPPERS, 60 ans d’histoire du rock irrévérencieux nous contemplent. Ca y est, la dernière chevauchée s’est achevée, les héros ont tiré leurs dernières cartouches, et sont tombés dans un ultime héroïque ballet. Je m’interroge toujours, qu’est-ce qui a poussé ces gars à s’extraire des chaînes du montage, du pop rock gentillet pour promouvoir cette musique justement... déchaînée ?

C’était l’ultime chevauchée du MC5, et jusqu’au bout ils auront botté nos petits culs pleins d’idées reçues. Rock... in peace. Une horde sauvage, je le maintiens.

Blogger : Christophe Scottez
Au sujet de l'auteur
Christophe Scottez
Chris est ethnologue à ses heures perdues, vétéran des pogo joyeux en maillots de core. Un explorateur curieux, grand amateur de riffs et de chants sauvages. Il a grandi dans les glorieuses années 80, bercé par les morceaux canoniques d’ACCEPT, SCORPIONS, MOTLEY CRUE et autres GUNS N ROSES. Traumatisé par le divorce entre Max Cavalera et son groupe, ainsi que par un album des Mets un peu «chargé» en n’importe quoi, Chris a tourné 10 ans le dos au hard rock. Puis, un jour, il a par hasard découvert qu’une multitude de nouveaux groupes avait envahi la scène … ces nouveaux sauvages offraient des sons intéressants, chargés en énergie. Désireux de partager l’émo-tion de ce style de metal sans la prétention à s’ériger en gardien d’un quelconque dogme, il aime à parler de styles de metal dit classiques, mais aussi de metalcore et de néo-metal. Des styles souvent décriés pour leurs looks de minets, alors que l’importance d’un album est d’abord le plaisir sonore que l’on peut en tirer, la différence est la richesse du goût. Mais surtout, peut-on se moquer de rebelles coquets alors que les pères fondateurs du metal enfilaient des leggins rose bonbon et pouponnaient leurs choucroutes peroxydées ?
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