Chaud et froid. Comme un vague à l’âme. Parce que la vie n’est pas linéaire et qu’elle offre autant de moments de bonheur que de doutes, autant de rêves que de cauchemars. Illusions et désillusions, le cheminement d’un être en quête de lui-même. Le premier album de SEPTARIA, jeune groupe originaire de Pertuis dans le Vaucluse, est chargé de toutes ces émotions, contradictoires et complémentaires. « A* » (prononcez « Astar ») est un album prenant, de bout en bout, qui navigue aussi bien en eaux troubles que dans des cieux éclairés de millions d’étoiles. Une quête dans la profondeur de l’âme humaine.
Avant d’aller plus avant, si l’on fait une recherche quant au nom du groupe, on trouve ceci : « la Septaria est une pierre, également appelée Pierre du Dragon. Elle aide à canaliser les émotions et à extérioriser les énergies négatives. Elle dénoue les blocages physiques et émotionnels et stimule nos capacités d'auto-guérison. Elle symbolise la transformation et la libération et est associée aux signes astrologiques du Taureau et du Sagittaire. » Et au vu des titres des morceaux, on se dit que ça tombe juste ("Centaure", "Sagittarius", "Psyché", "Skys Words"…). Le titre de l’album est inspiré du trou noir super massif du centre galactique de la Voie Lactée, Sagittarius A*. D’où ce parallèle constant entre la complexité de l’âme humaine et celle du cosmos. Le style dans lequel évolue le groupe est un post-metal aux influences progressives marquées. On pourrait évoquer CULT OF LUNA et GOJIRA pour les passages les plus brutaux et sombres et syncopés, et PINK FLOYD ou DEAD CAN DANCE pour les moments acoustiques ultra planants. Le tout jeune quatuor (à peine la vingtaine, les petiots !) est composé de Hugo Thevenot (guitare, chant), Baptiste Trébuchon (basse, saxophone), Maxime Ayasse (guitare, chant) et Hugo Leydet (batterie, harpe). Ce premier essai est extrêmement travaillé, peaufiné dans ses moindres détails. Ces quatre-là ont su créer une alchimie entre eux et une musique aux aspérités constantes, où l’on se perd un peu au début. A l’image de la vie, de la quête du soi et d’une meilleure compréhension du moi-intime, on a la sensation d’entrer dans un labyrinthe musical, et il faut une écoute assidue pour s’immerger dans les créations de SEPTARIA. Mais l’effort consenti est largement récompensé par la richesse émotionnelle qu’elles dégagent.
Entre les riffs qui transpercent les chairs ("Centaure"), ceux qui se répètent en crescendo jusqu’à l’implosion, comme une pensée qui tourne en boucle à nous rendre fou (le final de "Psyché"), les cavalcades incessantes ("Nocturne", le pont de "Sagittarius"), les voix ultra graves et profondes qui évoquent le bourdon des moines tibétains ("Being") et les moments calmes et aériens au sein même des chansons (le pont de "Being", "Astar", les intros de "Moment Présent" et de "Sagittarius", "Skys Words"), ou comme interludes instrumentaux ("Abyss", "Persephone", "Psithurism"), on ne sait jamais à quoi s’attendre. Ni sur quel pied danser. Danse-t-on d’ailleurs ? Pas forcément, mais on vibre, à coup sûr. Musique surgie comme un cri viscéral, une force de vie, une vague qui emporte tout, source de tumultes, mais également qui nettoie et balaie d’un revers les tourments pour nous abandonner, échoué sur le sable, prêt à renaitre. La passion et la violence le disputent à l’apaisement et la clarté. On retrouve cette dichotomie tant dans la musique que dans les vocaux qui alternent hurlements rageurs et voix claires posées, douces et caressantes. Les rythmiques sont plombées et les cymbales cristallines, la basse est ronde et claquante, les guitares cisaillent. Les liens entre les chansons sont faits d’ambiances prenantes captées au sein de ce que la nature a à nous offrir (vagues, vent, crépitement des flammes, chants d’oiseaux, rires sardoniques). Le tout est discret mais intrinsèquement lié aux compositions. La production moderne met particulièrement bien en avant les différents instruments. Et s’il faut de multiples écoutes pour appréhender correctement cet univers riche, on découvre petit à petit mille subtilités. D’autant plus que l’album est assez long, avec deux morceaux qui frôlent les dix minutes ("Being" et "Skys Words"), mais pour suivre le cheminement, on se doit de l’écouter de A à Z, car il y a là une vraie logique dans l’agencement des titres. Dans le déroulé de la vie. Des sombres profondeurs jusqu’à la lumière. Jusqu’à l’espoir, la joie et la sérénité. Ce que nous apporte le dernier morceau instrumental, "Psithurism", qui reprend sur son final, les premières notes de "Moment Présent".
La boucle est bouclée. La vie est faite de cycles qui s’enchainent, qui s’entrelacent, intimement liés les uns aux autres. Le hasard n’existe pas. Tout fait sens et les réponses aux interrogations sont à chercher dans les racines de ces spirales infinies. Du trou noir nait la lumière. SEPTARIA est un groupe étonnement mature au vu de son jeune âge. Un groupe qui a des choses à dire, qui sait les exprimer et qui étaye son propos avec une musique qui prend aux tripes. « A* » est un album fort, très fort, qui atteint sa cible en plein cœur comme le Sagittaire atteint toujours la sienne avec son arc et ses flèches, et l’on ne peut que vous inviter à plonger dedans avec délices, plusieurs fois de suite, telle la spirale de la vie.