2 décembre 2024, 18:19

Devin Townsend

Interview "PowerNerd"

Blogger : Clément
par Clément


28. C’est le nombre d’albums qui composent la longue carrière de Devin Townsend. Que ce soit avec le mythique STRAPPING YOUND LAD, le DEVIN TOWNSEND PROJECT ou encore le DEVIN TOWNSEND BAND, l’envolée country de CASUALTIES OF COOL et son propre projet solo, Devin est un véritable caméléon. Capable de composer et produire une musique aux multiples couleurs et surtout, d’être souvent là où l’on ne l’attend pas forcément. C’est une nouvelle fois le cas avec « PowerNerd » qui, tout au long de ses 11 morceaux, présente un visage tour à tour mélodique, heavy, puissant et pour finir... accessible, sans connotation péjorative. Le Canadien a pris le temps pour HARD FORCE, quelques jours avant la sortie de ce nouvel album, de répondre à nos questions...
 

Devin, dans quel état d’esprit abordes-tu la sortie de « PowerNerd » ?
Je suis confiant puisque j’ai utilisé un "procédé de fabrication" qui m’est familier et qui fonctionne plutôt bien. J’écris énormément, sans trop me poser de questions, je peux tomber ainsi sur une bonne intro, puis sur un riff qui collerait finalement pour un autre morceau et je mets tout cela dans un grand récipient ! Et après, je me mets à la recherche d’un thème, d’un fil conducteur qui va pouvoir relier chacun de ces ingrédients. Je ne me pose jamais la question en amont de savoir si tout cela sonnera heavy, commercial, new age... Et pour être honnête avec toi, initialement « PowerNerd » devait être un disque fun, idéal pour faire la fête et il s’est transformé en quelque chose de plus instinctif, parfois sombre, avec des influences très variées...

Tu as écrit l’intégralité de cet album en onze jours, cela a de quoi surprendre...
En fait, j’ai pris tous ces ingrédients dont je te parlais, j’ai trouvé les différents liens entre chacun d’entre eux et c’est en onze jours que j’ai construit cet album. Un délai bien plus court que d’habitude !

Peux-tu nous présenter les musiciens qui jouent sur ce nouvel album ?
Je m’occupe du chant, des guitares, des synthés, de la basse et des différents effets. De presque tout en fait ! J’ai aussi eu la chance d’avoir été accompagné par Darby Todd à la batterie et Diego Tejeida qui a pris en charge les parties de claviers, aidé par Mike Keneally. Il y a également quelques invités qui ont répondu présents à mon invitation, comme Tanya Ghosh et Jamie Jasta (HATEBREED) et eux aussi ont également apporté leur patte à l’ensemble. Une fois de plus, c’est un beau collectif qui s’est joint à moi pour faire de « PowerNerd » ce qu’il est.

Ce qui nous marque le plus sur « PowerNerd », c’est ta capacité à évoquer toutes les périodes musicales du groupe et à en produire une synthèse judicieuse...
En fait, cet album, à l’instar des précédents, est le reflet d’une période de ma vie à un certain moment. Et comme je vieillis, j’accumule les expériences bonnes et moins bonnes, ce qui fait qu’à chaque fois, j’emmagasine de nouvelles choses qui me permettent de me remettre en question. De donner le meilleur de ce que je peux à ce fameux moment. Pendant la pandémie, j’ai composé « Lightwork » qui, d’un point de vue musical, est très différent de « PowerNerd ». Il est plus léger, presque pop parfois, et rassurant comme un phare durant la tempête.

Technique, mélodique, accrocheur, cet album affiche une homogénéité qui fait que toutes les chansons s'imbriquent parfaitement les unes dans les autres, comme si tu racontais une histoire...
Initialement non, chaque morceau était indépendant, comme sur un album "classique". Avec ce côté fun très prononcé. Mais, avec mon entourage, nous avons traversé des moments douloureux à cette période qui ont remis en perspective la finalisation de la construction de l’album. Et ce qui était au départ quelque chose de fun est devenu une matérialisation du processus de deuil. Le morceau "Goodbye" en est la plus belle illustration...

Le clip de "PowerNerd" est hilarant avec un véritable sens de l'humour et d’autodérision. Es-tu le même dans ce clip que dans la vie quotidienne ?
Je dois reconnaître que c’est un peu exagéré parce que je ne porte pas une cape tous les jours ! Plus sérieusement, nous avons déménagé à cinq reprises ces deux dernières années et à chaque fois, il a fallu rénover, racheter des meubles, bricoler avant de finalement déménager dans un délai très court. Et ce ne sont pas des choses qui m’étaient familières... mais il fallait que je les fasse. Pour être honnête, j’estime être un musicien compétent, mais pas vraiment un bricoleur aguerri ! Et c’est exactement ce que représente cette vidéo, un super-héros qui veut bien faire les choses mais qui ne fait que les rendre pires à chaque fois !


​Tu évoquais "Goodbye" tout à l’heure, "Ruby Quaker" est également une chanson représentative de « PowerNerd »...
En effet. J’avais vraiment envie de renouer avec ce côté très créatif, presque extrême et déroutant qui embarque l’auditeur pour un dernier tour de manège sur les montagnes russes. J’aurais bien aimé te dire qu’une démarche intellectuelle et artistique poussée se trame derrière cette chanson mais ce n’est malheureusement pas le cas. C’est juste une explosion d’émotions qu’il m'était difficile de contrôler car j’arrivais à la fin de la structuration de l’album et qu’il me fallait libérer ce trop-plein. Je crois bien que le défi a été relevé...

J'aimerais maintenant te faire embarquer à bord d’une machine à voyager dans le temps et revenir sur quelques dates importantes dans ta carrière...
Une machine à remonter le temps ? Cool ! Allons-y...

1993 : Steve Vai, alors signé chez Relativity, est impressionné par tes capacités vocales et décide de te faire participer en tant que chanteur principal à son album « Sex & Religion »...
Quand j’ai déménagé pour Los Angeles, je devais avoir 19 ou 20 ans si je ne m’abuse, et quand je suis arrivé là-bas, j’avais des étoiles dans les yeux : Hollywood, c’est tout un symbole ! Mais j’ai rapidement déchanté les premiers mois quand je me suis frotté à la réalité de ce que j’en avais fantasmé. Quand j’ai eu l’occasion de travailler avec Steve, avec son management, je peux te dire que je n’étais pas très facile à vivre au quotidien. J’étais remonté contre ce milieu et avec le peu de maturité que j’avais à l’époque, je me disais pourtant que j’allais bosser avec des musiciens que je considérais comme des dieux quand j’étais gamin. Mais qu’ils n’étaient finalement que de simples humains ! Je dois une fière chandelle à Steve qui m’a donné une opportunité en or pour me faire un nom. A la fin de l’enregistrement de « Sex & Religion », Steve est venu chez moi, nous avons discuté très simplement de choses et d’autres, puis une véritable relation s’est créée entre nous. C’est devenu comme un frère pour moi au fil des années qui se sont écoulées depuis...

1995 : JUDAS PRIEST te propose d'occuper le poste laissé vacant après le départ de Rob Halford, l'une de tes idoles, mais tu déclines cette offre...
Plusieurs raisons sont à invoquer sur cette prise de décision. Déjà, ce n’était pas pour occuper le rôle de chanteur principal mais pour seconder Tim "Ripper" Owens sur quelques backing vocals. Ensuite, cela ne m’intéressait pas d’être au second plan, juste pour faire la marionnette au bon moment, je voulais être à la manœuvre afin d’imprimer ma patte au sein du groupe. Enfin, j’avais besoin de participer à l’écriture des textes et ce scénario n’était pas envisageable. Comme souvent, j’ai suivi mon instinct et je suis certain d’avoir pris la bonne décision à ce moment-là.

1997 marque la sortie de « City » avec STRAPPING YOUNG LAD, te souviens-tu du contexte de l’époque ?
Oui et à cette époque, j’étais énervé, très énervé ! Tu sais, quand j’étais plus jeune et que je vivais avec mes parents et grands-parents sous le même toit, nous étions parfois en colère les uns contre les autres et ce n’est que bien plus tard que j’ai compris qu’il s’agissait juste d’un mécanisme de défense contre quelque chose qui n’allait pas dans mon sens. Quand j’ai déménagé à Los Angeles, j’ai découvert FEAR FACTORY, CARCASS, MORBID ANGEL alors que plus jeune, c’était plutôt IRON MAIDEN ou JUDAS PRIEST qui squattaient mon walkman. Et avec ces apports de musique plus brutale, spontanée au même titre que les expériences que je vivais alors avec la drogue ou la boisson, STRAPPING YOUNG LAD est devenu le remède idéal pour affronter mon environnement. Et cet album représente le côté le plus cynique de ma personnalité. Comme un majeur levé bien haut, si tu vois ce que je veux dire !

2007 : « Ziltoid The Omniscient » sort, un album concept humoristique racontant l'histoire d'un extraterrestre, Ziltoid, qui décide d'attaquer la planète Terre afin d'obtenir une substance dont il a besoin : le café noir...
Oui, car il n’y a rien de meilleur qu’un bon café bien serré ! En effet, Ziltoid marque un changement de cap pour moi après la sortie de « The New Black » de STRAPPING YOUNG LAD. J’avais besoin d’air frais, de quelque chose de différent et surtout... de plus délirant ! Il y a également un parallèle plus personnel car Ziltoid n’aime pas les enfants... et j’en ai eu un pile-poil à ce moment, cela constituait l’exact opposé de ce que je vivais ! C’était un peu comme regarder son double dans un miroir, un miroir déformant !

2019 : « Empath », que tu considères comme un album structurant dans ta discographie, propose une synthèse de tout ce que tu as pu expérimenter dans ta carrière de musicien...
Cet album constituait en effet une synthèse de tout ce que j’avais pu proposer au cours des dernières années, une sorte de coup d’œil dans le rétroviseur. Mais il était aussi le réceptacle d’idées que je n’avais jamais pu expérimenter jusqu’alors. J’ai invité plusieurs musiciens et musiciennes qui me sont chers et qui ont fait un travail formidable : Chad Kroeger, Anneke van Giesbergen, Samus Paulicelli, Morgan Ågren et d’autres qui ont apporté leur propre univers et ont fait de cet album ce que je considère comme l’une des pierres angulaires de ma discographie...
 


Blogger : Clément
Au sujet de l'auteur
Clément
Clément a connu sa révélation métallique lors d'un voyage de classe en Allemagne, quelque part en 1992, avec un magazine HARD FORCE dans une main et son walkman hurlant "Fear of the Dark" dans l'autre. Depuis, pas une journée ne se passe sans qu'une guitare plus ou moins saturée ne vienne réjouir ses esgourdes ! Etant par ailleurs peu doué pour la maîtrise d'un instrument, c'est vers l'écriture qu'il s'est tourné un peu plus tard en créant avec deux compères un premier fanzine, "Depths of Decadence" et ensuite en collaborant pendant une dizaine d'années à Decibels Storm, puis VS-Webzine. Depuis 2016, c'est sur HARD FORCE qu'il "sévit" où il brise les oreilles de la rédaction avec la rubrique "Labels et les Bêtes"... entre autres !
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