15 novembre 2024, 23:59

CELESTE + JUNON

@ Oignies (Le Métaphone)

Alors que l’affiche est alléchante, le Métaphone n’est guère rempli ce samedi 15 novembre ; les organisateurs ont même tiré le rideau pour masquer une partie de la salle et ainsi atténué l’impression de vide. Dommage que cette date n’ait pas eu plus de succès car JUNON puis CELESTE ont su plonger les spectateurs dans leur univers sombre et torturé.

Les six membres de JUNON, dans des lumières oscillant du rouge eu bleu, lancent leur set dans une lourdeur qui se transforme vite en furie. "Segue 1 - The Final Voyage", d’emblée, dessine la complexité menaçante de leur musique. Les trois guitares, riches en effets, donnent aux Nordistes une profondeur et une puissance ("Out Of Suffering") encore accrues par une basse très présente. Cette force jaillit aussi des growls d’Arnaud, qui n’hésite pas, investi et agrippé à son micro, à mimer les paroles. A l’aise dans le caverneux, le chanteur sait aussi glisser en voix claire, résumant ainsi les deux faces de JUNON, une tristesse pesante, prenante qui s’estompe souvent pour devenir haine fulgurante, comme sur le hardcore "Another Bar In Your Cage", tout en tension, porté par une batterie sèche et efficace, ou sur un "The Day You Faded Away" dont le début apaisé est un leurre...

Les gaillards, vicieux pour notre plus grand plaisir, aiment ainsi à multiplier les fausses-pistes, à allumer une lumière post-hardcore avant de faire clignoter une lueur dark-rock, à tisser un rythme lancinant qui, le traître, se mue en blasts. Fort d’un premier album réussi, le récent « Dragging Bodies To The Fall », ils n’oublient pas pour autant leur passé, jouant en intégralité leur EP de 2021, « The Shadows Lenghten ». Le colérique "Sorcerer", le nostalgique "Flood Preachers", le tantôt planant, tantôt doomy "Carcosa" aux variations envoûtantes et "The Bleeding" ne dépareillent pas avec les compositions récentes. Si le groupe est moins loquace, peut-être moins énergique, que lors d’autres concerts, Arnaud finit le set au cœur de la fosse.


CELESTE arrive sur scène sur "(A)" hypnotique instrumental, comme le pré-générique du concert, intro inquiétante, prélude à une plongée dans les tourments d’âmes torturées. Les quatre musiciens, ombres indistinctes, créatures fantastiques noyées dans la brume, évoluent dans un noir enfumé et strié d’éclairs blancs. Seule lumière, la lampe rouge qu’ils portent sur le front et qu’ils délaissent quand apparaissent sur l’écran, derrière eux, les films oppressants qui illustrent certaines de leurs chansons. Images et musiques se mêlent alors en un maelstrom d’émotions perverses, enveloppent la salle d’un malaise oppressant, comme sur le sublime "Le Cœur Noir Charbon", où la violence quasi black du morceau brûle aussi dans le clip, entre fulgurances de haine glacée et fausses accalmies.

Lourdeur et puissance s’unissent pour enfanter une fratrie sinistre, l’aîné post-hardcore se battant froidement avec le cadet sludge. De leur lutte est née le dernier album des Lyonnais « Assassine(s) » mis à l’honneur ce soir. Si un souci de câbles sur une guitare vient rompre le charme vénéneux du concert, le groupe surmonte ce problème grâce à la force de ses compositions, à l’image du lent et désespéré "Nonchalantes de Beauté". CELESTE achève sa prestation par un rappel furieux, tout en headbanging, avec "Ces Belles de Rêve aux Verres Embués" aux vocaux grognés, aux riffs acérés, asséné en guise de conclusion. Si la définition du mot "céleste" renvoie au ciel comme séjour des bienheureux, le nom du groupe est alors une magnifique antiphrase : CELESTE est le refuge des damnés, des esprits hantés de troubles visions.
 

Blogger : Christophe Grès
Au sujet de l'auteur
Christophe Grès
Christophe a plongé dans l’univers du hard rock et du metal à la fin de l’adolescence, au tout début des années 90, avec Guns N’ Roses, Iron Maiden – des heures passées à écouter "Live after Death", les yeux plongés dans la mythique illustration du disque ! – et Motörhead. Très vite, cette musique devient une passion de plus en plus envahissante… Une multitude de nouveaux groupes a envahi sa vie, d’Obituary à Dark Throne en passant par Loudblast, Immortal, Paradise Lost... Les Grands Anciens – Black Sabbath, Led Zep, Deep Purple… – sont devenus ses références, comme de sages grands-pères, quand de jeunes furieux sont devenus les rejetons turbulents de la famille. Adorant écrire, il a créé et mené le fanzine A Rebours durant quelques années. Collectionneur dans l’âme, il accumule les set-lists, les vinyles, les CDs, les flyers… au grand désarroi de sa compagne, rétive à l’art métallique.
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