
Groupe véritablement unique en Europe, LACUNA COIL propose depuis 30 ans un metal résolument moderne et énergique, et ce n’est pas le nouvel album, « Sleepless Empire » qui changera ça. Afin de décrypter cette nouvelle production aussi puissante qu’efficace des Italiens, nous avons pu échanger avec la frontwoman du groupe, Cristina Scabbia, pour une discussion autour de l’album avant tout, mais entre "nerds" fans de musique aussi.
Au moment où nous discutons, « Sleepless Empire » sort dans quelques jours, comment te sens-tu ?
Cristina Scabbia : Je me sens excitée. C’est toujours bizarre pour les musiciens, car évidemment, on connait toutes les chansons, on sait tout ce qu’il y a dans le livret, mais on a très hâte de le révéler et de lâcher la musique sur laquelle on a travaillé depuis de nombreux mois maintenant. C’est toujours difficile de garder le secret (rire) !

Cet album est dans la continuité de « Black Anima », en gardant un son hyper moderne. Qu’avez-vous fait différemment pour continuer dans cette voie ?
Je pense que cet album apporte une combinaison sympa, et c’est quelque chose que j’ai compris plus tard, en faisant des interviews et en lisant des commentaires. J’adore lire des commentaires de fans, pour avoir un aperçu de comment ils perçoivent les chansons, et l’opinion générale semble penser qu’on a repris beaucoup de notre son du passé, ce qui semble avoir été très apprécié aussi. On a rassemblé les choses qui ont fait LACUNA COIL : beaucoup d’éléments mélodiques, beaucoup d’éléments de la première heure que les gens aimaient, surtout les fans "old school". Et je pense que c’est dû à « Comaliex XX » (sorti en 2022, ndlr), qui est la version réenregistrée de « Comalies », que nous avions sorti il y a maintenant plus de 20 ans. Je crois que de faire cela entre deux albums a ramené quelque chose du passé, parce que nous nous sommes retrouvés à écouter de vieux titres, et ça a peut-être apporté quelque chose de différents à Maki, notre bassiste, qui écrit la musique, et à Andrea et moi en termes de mélodies vocales et de paroles.
Il se dégage de cet album une atmosphère cinématique. Si c’était un film ou une série, quel en serait le synopsis ?
C’est difficile de n’en mentionner qu’un ! Maki compose avec des images avant la musique. Très souvent, il regarde des images ou un documentaire - ou même un jeu vidéo - et s’en inspire. Ça peut être n’importe quoi : un film qu’il connait parfaitement, par exemple. Donc, je ne pense pas qu’il y ait un seul scénario. Mais ce serait probablement la bande son d’un film sombre, peut-être post-apocalyptique. L’une des images qu’on a imaginées pour « Sleepless Empire » était celle d'une ville construite un peu comme dans L’Attaque Des Titans, mais pas avec des murs identiques. Ce serait comme un château gigantesque, avec des habitants au milieu. C’était une des idées, avec un grand crâne… Je me souviens de la première image qu’on avait pour la couverture de l’album, mais elle était trop compliquée à réaliser, donc on est allé vers quelque chose de plus direct. Mais ce serait un peu comme un mélange entre L’Attaque Des Titans et quelque chose d'un peu plus vieux et gothique, comme une histoire de chevalier. Un des thèmes de l’album nous est venu quand on a commencé à réfléchir à tout le chemin parcouru depuis la période de l’analogique. Tu sais, on a tout vu, des cassettes au streaming. Et on développait à une époque notre musique de manière très différente, en étant inspirés par d’autres sujets, et en recevant l’aide de différentes choses. Ce n’est pas vraiment une critique de la manière dont on utilise la technologie, car on l’utilise bien sûr à notre avantage. Je veux dire, si on a la technologie… alors, utilisons-la ! Elle nous aide à faire les choses plus facilement, mais en même temps, il faut être vigilant, car la contribution humaine est essentielle, en particulier dans la musique. Ce sont l’inattendu et les erreurs qui créent parfois les plus belles choses.
Une de mes chansons préférées de l’album est "Scarecrow", car j’ai trouvé que ta voix y apportait un côté groovy, notamment dans le premier couplet, et ta performance sur ce morceau en général est vraiment très cool. Quels défis t’es-tu imposés pour arriver à ce résultat ?
Je pense que la plus grande difficulté est toujours d’aller plus aigu. Il y a des passages qui sont très, très, très aigus. Je pense que la plus difficile à chanter pour moi était "Sleepless Empire". Ce n’est pas très difficile d’arriver à cette note, mais plutôt de la garder à ce niveau. C’est la difficulté pour moi en tant que chanteuse. J’aime beaucoup "Scarecrow", car on y donne un regard différent à la figure de l’épouvantail. On est habitués à voir un truc inanimé dans un champ, et c’est presque triste, quelque part. Et je pense qu’on lui a donné justice. On a imaginé l’épouvantail comme quelqu’un qui protège ce qui l’entoure, et qui en prend soin, en essayant de protéger tout ce qu’il aime. Il est aussi quelque chose qui se tient contre toutes les difficultés que la vie lui envoie. On a pensé qu’il serait quelque chose de féroce. Ça m’a juste frappée. Malgré les éclairs, la pluie ou quoi que ce soit, je vais tenir tête et protéger les miens.
J’ai aussi beaucoup aimé "Sleep Paralysis", qui est une des chansons mémorables de l’album, et je me demandais comment après 30 ans de LACUNA COIL, vous arrivez à garder votre créativité album après album ?
Nous n’écrivons pas pour surprendre les gens. Nous n’avons jamais ça en tête. On ne s’est jamais dit « tiens, nous n’avons jamais fait ça » ni « il faut que l’on fasse quelque chose de nouveau ». La musique et les paroles sont une représentation de qui nous sommes, et on ne peut pas vraiment nous forcer à faire quelque chose de différent. Nous ne voulons pas faire ça. On veut juste faire ce que l’on sent et ce que l’on aime, sans penser à ce que les gens pourraient en penser. Je sais que les gens aiment être surpris. Je le vois car tout va si vite de nos jours, et on reçoit tant d’informations, et on voit tant de choses qu’on a tendance à chercher ce qui est différent, ce qui nous choque. Mais nous ne sommes pas là pour faire plaisir aux autres. Nous sommes là pour créer notre art, et ça ne peut pas changer pour plaire aux autres, car il est impossible de contenter tout le monde. Si on pouvait faire quelque chose de complètement différent, il y aurait des gens qui râleraient en disant « oh ils ont tellement changé », et si on faisait exactement la même chose quelqu’un râlerait aussi, et même chose si on fait un entre-deux. Donc le mieux est toujours de faire ce que tu aimes vraiment, et d’être créatif à ta manière.
Comme tu le disais un peu plus tôt, tu aimes lire les commentaires des fans. Qu’as-tu pensé des retours sur les quatre singles qui sont déjà sortis à l’heure où on se parle ?
Oh, je suis très heureuse car la plupart des gens les aime ! Tout le monde adore les nouveaux clips aussi, ce qui nous rend vraiment heureux, car je pense qu’on s’est vraiment améliorés sur les clips. Ce sont des vidéos qui se tiennent, et de super qualité, donc ça me rend heureuse. Je vois aussi que des gens commentent des trucs qui n’ont pas de sens, car ils ne comprennent pas trop comment marchent les choses à l’intérieur du groupe. Mais généralement, je les lis et je reste en dehors, sauf s’ils deviennent vraiment offensants, ce qui arrive très rarement. Mais quand ça arrive, j’aime bien les étouffer par excès de gentillesse, parce que la plupart des haters, pas seulement ceux de LACUNA COIL mais en général, ont juste besoin d’attention. Et dès que tu te montres, ils se demandent ce qui se passe : « oh mon dieu », « oh merde » (rire) ! Et c’est presque à chaque fois ça, ou alors ils disent « oh non, je rigolais, je ne voulais pas vraiment dire ça ». Et j’aime intervenir parce que même si je sais que je ne devrais pas faire attention, je ne pense pas que ce soit juste que les gens puissent te harceler en ligne sans raison. Si tu dis « je n’aime pas cette chanson », ou « je préfère leurs anciens morceaux », ou même « leur musique est nulle », je m’en fous. Mais si tu parles de moi, de ma manière de m’habiller, de la manière dont je fais les choses dans ma vie, je ne vais pas te laisser me critiquer. Je vais répondre. Je suis à peu près sûre que 99,9% des haters sont nos fans les plus loyaux. Si quelqu’un prend le temps de critiquer ce que tu fais en ligne, ça veut dire qu’ils font attention à ce que tu fais. Si tu n’étais pas intéressé par quelque chose, ou si tu ne l’aimais pas, tu ne prendrais pas le temps d’aller sur une page dire « je n’aime pas ce que tu fais ». Mais si tu le fais, c’est pour échanger d’une certaine manière. Je ne vois pas d’autre raison. Je ne vais même pas sur les pages des groupes qui ne m’intéressent pas !
Il y a deux invités spéciaux sur cet album : Randy Blythe de LAMB OF GOD et Ash Costello de NEW YEARS DAY. Comment c’était, de travailler avec eux ?
C’était génial. On avait réfléchi à inviter des chanteurs sur cet album, et avec Randy, c’était facile car il est un de nos amis depuis des années maintenant. On part en tournée ensemble, et on s’adore. La seule chose un peu risquée était de demander au chanteur d’un énorme groupe de metal d’en faire partie, parce qu’on connait toutes les dynamiques qui sont derrière le "oui" ou le "non" d’un artiste : le label, le groupe, et tout ça. Donc on lui a demandé, et il était super enthousiaste et a immédiatement dit oui, et par chance, ça a eu lieu. Je pense qu’il a effectué un travail phénoménal, et je suis mesmérisée par le rendu de la chanson, et par la manière dont sa voix se mêle à celle d’Andrea (Ferro, chanteur du groupe, ndlr), sur les couplets. Et c’est toujours cool de travailler avec un ami, ça ajoute tellement ! Avec Ash, c’était différent car on ne s’était jamais rencontrées. Je savais ce qu’elle faisait, je la suivais sur les réseaux sociaux et elle aussi me suivait, donc on échangeait des commentaires et des messages, mais on avait hâte de nous rencontrer. Cependant, ça n’arrivait jamais, et on ne se croisait pas. Donc quand on a écrit cette partie, on s’est dit que ce serait un bon choix. On a réfléchi à différentes chanteuses, mais je me suis dit qu’elle était proche de mon style vocal, et elle a pu faire cette partie de chant qui n’était pas faite pour tout le monde ! C’est un passage qui n’est pas typiquement metal, car j’ai des racines musicales différentes, et elle a fait un super boulot. Elle a aussi ajouté quelques harmonisations, qui étaient super cool, et finalement le résultat est génial. On a tourné ensemble, on a chanté ensemble et c’était super pour tout le monde ! Tout le monde a aimé.

Quand tu écris une chanson avec une idée de featuring, l’écris-tu en fonction de la personne invitée ou est-ce que elle qui s’adapte à ce que tu écris ?
Ces deux chansons étaient écrites avant, puis on a pensé à avoir des invités dessus. Mais qui ? On a pensé à nos amis de l’industrie musicale, mais nous sommes tous très occupés, donc c’est toujours très difficile. On me demande aussi souvent de faire des collaborations, mais souvent je suis en train d’enregistrer, ou je suis en tournée et je ne peux pas le faire. Mais j’adore collaborer avec des amis, et quand des amis se joignent à nous.
J’ai lu que l’édition deluxe de l’album avait un petit jeu de divination à l’intérieur, tu peux nous en parler ?
Eh bien, c’est un jeu assez simple, c’est un peu comme un "oracle". Il y a un papier imprimé avec différentes phrases et différents symboles, et le jeu est proposé avec deux dés spéciaux : deux dés 20 mais avec des symboles. Donc ça va être fun, un peu comme une "boule de billard magique" (un jouet mythique que vous avez peut-être connu, ndlr). Tu peux poser des questions, et assembler deux phrases qui peuvent t’aider à y répondre. Tu peux demander, par exemple, comment sera ta journée, lancer les dés, et interpréter la réponse. Mais les dés sont vraiment super cool, avec des symboles exclusifs créés par Roberto Toderico, qui est aussi à l’origine de la couverture de l’album, et de toutes les illustrations à l’intérieur qui ont été faites avec de l’encre sur du papier. Cette boîte est géniale. C’est une boîte noire que tu ouvres, puis il y a l’album et les dés, et pour un « nerd » en particulier, si tu joues à des jeux de plateau, tu vas adorer ! On en a pris vraiment soin, car on est tous des "nerds" dans le groupe.
Quelle chanson de l’album correspondrait le mieux à ton humeur aujourd’hui ?
C’est un peu bizarre, car le titre l'est lui-même, mais je dirais "I Wish You Were Dead", car on approche de la Saint Valentin et j’adore le contraste entre la musique qui est plutôt positive et les paroles qui sont perçantes. Tu dis « je voudrais que tu sois mort », même si c’est juste que tu ne veux pas penser cette personne littéralement "morte". Je dirais aussi que c’est celle-là parce qu’on a tourné un nouveau clip qui sortira bientôt. Le week-end dernier, on est allés le filmer, et ce sera une magnifique vidéo. Ça nous a pris du temps de le faire. Plusieurs journées complètes avec la pré-production, mais il y aura des éléments surprenants qu’on ne voit pas souvent avec des groupes de metal. Il y aura biensûr un côté metal sombre, mais aussi un côté très fun aussi, tu verras. J’ai hâte que ça sorte !
J’imagine que vous avez de nombreuses dates en approche (l’interview date d’avant l’annonce de leur tournée avec NONPOINT, ndlr). Que peut-on attendre de votre nouveau show ?
Eh bien nous allons tourner bientôt en Amérique du Sud et du Nord, avec des concerts en tête d’affiche mais aussi avec MACHINE HEAD, IN FLAMES et UNEARTH, et ce sera fun parce qu’on connaît tous ces groupes. On a aussi fait une chanson ensemble par rapport à cette tournée, sur laquelle on a tous travaillé. C’était très cool, car je ne pense pas que tous les groupes fassent ça, et j’ai trouvé que c’était un projet très intéressant. On va emmener beaucoup des nouvelles chansons, bien sûr, parce qu’on veut promouvoir « Sleepless Empire », mais aussi des chansons plus vieilles. C’est de plus en plus dur de choisir quelles chansons emmener, parce que maintenant on a 10 albums, et les gens nous demandent « pourquoi vous ne jouez pas celle-ci ? » Et si tu joues une chanson qui a été demandée, ils te demandent une autre. Donc c’est de plus en plus dur, car il faut emmener les singles, mais aussi de nouveaux trucs… Ce n’est pas facile ! Et il y a un temps limité sur scène ! Et si quelqu’un demande un vraiment vieux morceau, tu ne le connaîtrais peut-être pas, et toi tu en demanderas une autre. C’est toujours dur, et on a un peu changé de style même si c’est toujours les mêmes personnes qui écrivent la musique. On a des styles différents. Et je connais beaucoup de monde qui ont écouté nos derniers singles qui disent « Oh, je n’ai pas écouté LACUNA COIL depuis un moment, mais je ne savais pas qu’ils sonnaient comme ça aujourd’hui » ! C’est cool de voir des gens revenir vers nous aujourd’hui, et de voir de nouvelles personnes aussi. C’est toujours un bon signe. Mais tu sais, pour le style, c’est peut-être parce qu’on est très investis dans le monde des geeks, qui nous a ouvert beaucoup de portes. Le fait que j’aie chanté pour des jeux vidéo peut créer un intérêt chez des fans différents, qui ne sont pas strictement des fans de metal.
Peut-être que la couverture de Batman que vous avez faite vous en a amenés aussi !
Oui, c’est sûr que ça nous en a amené ! C’était un des trucs. On a la chance de faire partie de beaucoup de projets cool, de la bande son de Call Of Duty à être même dans un jeu vidéo, avec Iron Maiden: Legacy Of The Beast !
J’ai aussi vu que tu étais devenue ambassadrice de Playstation. En quoi ça consiste ?
Eh bien, le boulot d’un "playmaker" est de répandre l’amour de la Playstation à ceux qui te regardent et te suivent. Et ce n’est même pas difficile pour moi, pas le moins du monde. Car j’ai toujours été une énorme fan de Playstation, au point d’en faire un tatouage (elle montre son tatouage de manette de Playstation, ndlr) ! Je suis une joueuse, pas une très bonne joueuse, mais une joueuse normale qui apprécie de passer du temps dans un autre monde de temps en temps. Donc quand ils m’ont demandé de devenir une "playmaker", je me suis juste dit « wow » ! Parce qu’il n’y en a pas beaucoup dans le monde. Lebron James en fait partie, donc c’était un honneur qu’ils me le demandent ! Je participe aussi à des événements spéciaux, par exemple ils m’ont invité au stade de foot une fois, car je suis une supportrice de l’AC Milan, et parce qu’ils sont sponsors de la Ligue des Champions. Donc je vais à ces événements et je passe un bon moment. Je suis si fière d’être une "playmaker" !

