2 mars 2025, 18:45

L.S. DUNES

Rencontre avec Frank Iero & Tim Payne


L.S. DUNES ne perd pas de temps. Alors que le deuxième album du supergroupe venait de sortir moins de 48h auparavant, nous avons pu rencontrer son guitariste Frank Iero (par ailleurs membre de MY CHEMICAL ROMANCE) et le bassiste Tim Payne (également bassiste de THURSDAY) dans les coulisses de l’Olympia à Paris, juste avant leur passage en première partie de RISE AGAINST. Une situation surréaliste qui ne pouvait avoir lieu qu’avec eux !
 

« Violet » vient à peine de paraître, comment vous sentez-vous, deux jours après sa sortie ? Frank : Je suis plutôt excité. Il nous a pris du temps ! On l’enregistrait à peu près à cette période l’année dernière, et on a gardé ce petit secret pendant un moment. Le premier single est sorti en août, je crois ?
Tim Payne : Oui, je crois !
Frank Iero : Donc on a pu jouer "Fatal Deluxe", puis petit à petit, on a sorti "Machines", et on a incorporé les singles au fur à mesure de nos concerts, mais désormais, on peut jouer tous les morceaux, donc c’est formidable ! C’est un de mes albums préférés sur lesquels j’ai travaillé, et ces chansons sont parmi celles que je préfère jouer… C’est génial, vraiment !

Quand vous avez commencé L.S. DUNES, j’avais eu un échange téléphonique avec toi, Frank, dans lequel tu me disais que l’album « Past Lives » était en quelque sorte une réflexion sur l’époque, et vous ne saviez pas trop ce qui arriverait ensuite, au vu de vos agendas. Vous voilà maintenant avec un deuxième album et une tournée. Quand avez-vous décidé de continuer ce projet ?
Frank
: Je pense qu’on n’a jamais cessé d’écrire, donc honnêtement dans mon esprit, quand on avait des chansons qui restaient… On a fini par écrire "Forgiveness" à la fin de « Past Lives », et on savait que cette chanson était en suspend en quelque sorte, ni finie, ni sortie, donc on s’est dit qu’il fallait continuer.
Tim : Je ne pense pas qu’il y ait eu un moment précis où nous avons décidé de continuer, c’était plutôt une évolution naturelle vers une continuation. Nous n’avons jamais cessé d’écrire. On a fait l’EP dans le désert, et c’était une super expérience, mais on n’a jamais trouvé de raison de ne pas le faire. Il y a des obstacles et des problèmes d’agenda, l’aspect logistique qui peut être frustrant parfois, mais sur le côté créatif et l’écriture, je ne pense pas qu’il y aura un jour de raison de ne pas écrire de musique ensemble.
Frank : Oui, ce groupe est vraiment un cadre sympa dans lequel on peut être créatif. C’est très édifiant aussi. Les défis ne résident pas dans cet aspect du groupe. C'est le meilleur aspect : on veut cette présence de gens au service de la mélodie, ou de la chanson, et qui se donnent à fond en restant ouverts et accomodants. Ce processus créatif est phénoménal. Cela m’a pris 40 ans pour y parvenir. Je ne me débarrasserai jamais de ça. Non, la partie compliquée, c’est l’agenda : essayer de trouver le temps de tourner ou de rentrer chez soi. Donc c’est ça l’aspect que je verrais bien causer du stress, mais on ne s’est jamais arrêté. On est rentré en décembre, et on a fini deux chansons à distance pendant cette période. C’est vraiment ce qu’on fait ! Donc oui, comme Tim l’a dit il n’y a pas de moment où l’on s’est dit consciemment « oui, continuons ! », il n’y a pas d’histoire du genre « le 15 avril nous avons décidé de travailler sur cet album ». Le processus créatif ne s’est jamais interrompu.
Tim : Mais du coup on a tout un tas de nouvelles pu***n de chansons (rire) ! On devrait trouver le temps de les enregistrer !

J’aime beaucoup l’album car au début, il semble plus triste que le précédent, mais donne un peu plus d’espoir à travers les paroles. Est-ce que c’était intentionnel de jouer sur ces deux tableaux ?
Frank : Je crois qu’Anthony (Green, chanteur du groupe), a dit que les paroles sombres de « Past Lives » appuyaient vraiment ses pensées sombres, et que c’était difficile pour lui de les chanter chaque soir en tournée. Et il voulait être plus conscient de ce qu’il chantait. Donc je pense qu’il y a de l’espoir là-dedans, mais il y a aussi de l’ironie. Une chanson comme "Forgiveness", par exemple, est un peu une manière potache de demander pardon comme sur le refrain : “est-ce qu’il faudrait être pardonné d’être qui tu es ?” Donc je pense qu’il y a une juxtaposition de choses qui sonnent pleines d’espoir, mais au cœur de tout cela, il y a aussi un peu de cynisme. 
Tim : Je pense que musicalement, là aussi, cela n’a pas été une décision consciente, mais si tu as vécu une expérience cathartique et que tu as exorcisé tes démons comme on l’a fait sur « Past Lives », que ce soit en termes de paroles, de musique ou de thème, tout cela a déjà été exprimé. Souvent c’est suffisant ; sinon, on reviendrait toujours sur ces thèmes et ce sentiment de désespoir, ou quelque chose comme ça. Mais à un certain point ça peut être une prophétie auto-réalisatrice, et on pourrait se dire : c’est ce qu’on est maintenant. C’est ce que je ressens, c’est le message qui résonne à travers nous maintenant, et j’espère qu’il résonne chez d’autres gens.

Un peu comme un mantra, en fait : plus tu répètes un truc, plus il sera vrai.
Frank : Ouais, on ne veut pas continuellement remuer le couteau dans la plaie. 

Bien souvent, les groupes mettent environ trois albums à définir un son, et après « Past Lives » et « Violet », je me demandais si vous voudriez essayer de nouvelles voies pour la suite…
Frank
: Hé, mec, l’album est sorti genre… hier (rire) ! Et toi et tous les mecs sur Internet, vous êtes déjà en train de nous demander : « OK, vous avez quoi d’autre ? » (rire) !
Tim : Je veux continuer à écrire des chansons qui nous surprennent, nous. Pour toi ou quelqu’un d’autre, peut-être peuvent-elles sonner comme quelque chose qu’on a déjà fait… ou pas. Mais pour nous, il faut qu’on garde les choses en mouvement. On ne veut pas vraiment se dire :  « oh, c’est bon, on a trouvé notre son ». Tu vois ? Je ne pense pas qu’on arrivera à un moment où on se dira : « OK, voici le groupe qu’on est, nous allons faire des chansons qui rentrent dans ce moule ». Ça veut dire que si on trouve une chanson qui nous enthousiasme d’un sentiment de nouveauté, c’est quelque chose qu’on peut pousser, qui peut nous inspirer à attraper une guitare et en écrire une partie, ou à écrire des paroles. Si ce n’est pas le cas, tant pis pour cette chanson. On fait tout ce qu’il faut pour rester motivés dans l’écriture.


J’ai adoré la chanson "Like Magick". On sent que chacun ajoute quelque chose au son, avec cette arrivée progressive…
Frank : Oui, on cherchait un morceau pour ouvrir l’album depuis très longtemps. Pour assembler un album, c’est toujours bien de savoir comment tu le commences et comment il se finit. Ensuite, tu peux t’arranger sur le chemin à suivre entre les deux. Mais nous n’avions pas de premier morceau. Et aucune chanson qu’on proposait pour ouvrir l’album ne convenait. Et puis, Anthony est arrivé avec cette chanson et a dit : « j’y travaille depuis quelque temps », et dès qu’il nous l’a faite écouter, nous étions tous d’accord que l’album devrait commencer comme ça. Et tu as raison, j’aime beaucoup comment le morceau introduit les choses, puis les retire, pour arriver à ce pont qui défonce la porte… L’idée était d’éradiquer toutes les idées reçues sur ce qu’est ce groupe, et sur comment ce deuxième album devrait sonner, sur le son du groupe, et de ce que nous sommes capables de faire. On voulait se débarrasser de tout ça pour être libres de faire ce qu’on voulait. Et je pense qu’on a essayé et qu’on a fini par réussir : arriver à ce passage un peu bizarre à la KING CRIMSON (rire) au milieu ! A cet instant, on t’emporte dans ce monde et tout peut arriver, il n’y a plus de règles. J’aime beaucoup aussi quand un album commence et que tu te dis « attends, c’est quoi ça ? Je dois monter un peu le son… » Puis tout arrive d’un coup et tu te dis « OH BORDEL » (rire) ! C’est la chose que j’adore le plus faire !

C’est exactement ce qui est arrivé pour moi (rire général) ! A chacune de mes interviews, j’ai pour rituel de poser cette question aux musiciens : quelle chanson de l’album correspond le plus à votre humeur de l’instant ?
Frank : Je ne sais pas, bonne question !
Tim : Je pourrais dire "Holograms", car elle est très hypnotique. Et souvent, quand je suis ici (en Europe, ndlr) je ne sais pas quelle heure il est, quel jour, ni même où on se trouve (rire) ! Cette chanson est très hypnotique, et tu t’y perds, par moments.
Frank : J’adore ça, c’est bien trouvé !
Tim : J’ai géré (rire) !
Frank : Je vais dire "Things I Thought Would Last Forever", car ça sonne comme Castlevania ! J’ai trouvé ce riff et c'était génial : ça ressemblait à la bande son d’un jeu de plateforme comme Castlevania et je me souviens avoir adoré ça quand je l’ai écrit. Et c’est un peu comme ça que je me sens quand je suis ici aussi.
Tim : Tu joues la quête (rire) !
Frank : Ouais, je fais défiler l’écran. Il fait froid (rire) !
Tim : Je suis sur une barque… Attends, euh… quoi (rire) ?!


Est-ce que vous avez trouvé que l’alchimie au sein du groupe avait changé d’une certaine manière entre les deux albums ?
Frank : Ouais, on se connait beaucoup mieux, je pense. On a commencé ce groupe, et on avait tourné ensemble sous différentes formules. J’avais rencontré Travis (Stever, batteur du groupe, ndlr) à l’anniversaire de l’enfant d’un ami en commun, donc on se connaissait, on avait une conversation de groupe et on passait du temps ensemble, mais on n’avait pas encore tourné tous les deux. Quand tu pars sur la route avec quelqu’un, c’est différent. C’est un peu comme être frères. Tu fais le tour du monde avec des gars et tu traverses des choses que personne d’autre n’a traversées, et ça devient beaucoup plus fraternel. Et sur cet aspect, quand on a tourné ensemble et vécu ces choses, on est arrivé à cette relation un peu plus intime où tu partages des choses, tu apprends à connaître les gens beaucoup mieux et les dynamiques changent. Quand j’amène une chanson ou une suite d’accords, je sais ce que Travis va apporter de son côté. Je sais ce que Tucker va changer, et il y a des choses que je n’aurais jamais amenées, moi ! Je sais qu’ils vont améliorer bien plus que si je l’avais fait moi-même, tout seul. C’est le genre de choses que je savais qui arriveraient dans ce groupe. Et on écrit désormais avec cette notion en tête.
Tim : Parfois, c’est encore surprenant quand certains ajoutent des choses à une chanson que je n’avais pas imaginées, tout en sachant que chacun a sa propre personnalité musicale maintenant. Et c’est cool qu’on soit plus en accord là-dessus, plutôt que de se dire « oh putain, c’est surprenant » à chaque fois. Quand on fait une chanson, on sait qu’on peut en faire moins à un moment, parce que Frank va se pencher dessus et insuffler un type d’énergie, ou Travis va arriver et y ajouter un "lead"… Donc je pense qu’il y a beaucoup de réflexion dans le fait de ne pas faire déborder un morceau de mélodies : on garde une partie un peu implicite et on laisse le morceau respirer.

Vous avez joué plus de 100 concerts maintenant, et vous faites une tournée avec RISE AGAINST à l’heure où l’on se parle, mais je me souviens du concert d’il y a deux ans au Trabendo (exactement deux ans, d’ailleurs, ndlr). Est-ce que vous comptez refaire une tournée un peu intimiste comme celle-là ?
Tim : C’était un concert dingue ! Cette salle était folle.
Frank : Ouais, j’avais adoré ce concert !
Tim : On fait une tournée en tête d’affiche aux Etats-Unis quand on sera rentré, en avril-mai. Je ne sais pas ce qui est prévu maintenant, mais je sais qu’on aimerait revenir et faire des concerts en tête d’affiche ici à nouveau pour cet album ! 
Frank : C’est l’idée. Mais encore une fois, le truc le plus dur avec ce groupe, c’est l’agenda. Travis est en tournée avec COHEED & CAMBRIA, je le suis de mon côté avec MY CHEMICAL ROMANCE… C’est sans fin. Je sais que c’est dur parfois, en tant que fan, de voir des dates et de se dire « ils ne viennent jamais ». Mais à un moment, même les plus gros groupes ont des familles (rire) ! On doit tous trouver un moment pour aller voir son médecin… ou son dentiste (rire) ! Donc il faut qu’on puisse tenir compte de tout ça pour pouvoir revenir et faire notre tournée en tête d’affiche. Mais bien sûr que ce serait génial ! • 

 

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