Imaginez un endroit si reculé que même les deux régions frontalières, la Moselle et l’Alsace, ont oublié laquelle avait l’ascendant sur ce petit coin montagneux et pittoresque. C’est ici, à Meisenthal, que se tient l’édition 2025 du PAGANFEST, la Halle Verrière s’associant avec la Laiterie de Strasbourg. De la musique païenne en plein milieu des forêts dans lesquelles butèrent les sandales des légions de Rome ? Un choix judicieux. Direction un festival de musique venu... de temps immémoriaux.
ELVENKING ouvre ce PAGANFEST avec "Throes Of Atonement". Il s’agit d’un heavy mélodique bien speed aux éclats très metal. C’est une soirée pagan, nous ne sommes pas en reste avec ce groupe transalpin, les airs sont teintés de folk avec de belles envolées symphoniques. La salle, une ancienne usine reconvertie en salle de spectacles et ayant gardé son cachet avec vitrage et briques rouges, accueille plusieurs milliers de fans, arborant les déguisements de leurs groupes préférés, vikings, faunes et pirates se tirant la bourre. Un "Bride Of Night" repris par l’assemblée, et les riffs se teintent d’éclats de cornemuse, on sautille, on s’amuse en découvrant des extraits de l’album à paraître en avril, tel ce "Luna" qui précède les salutations. Les partisans acclament cette fin de partie de 40 minutes sur "Elvenlegions". Entraînant, toutefois on regrettera le charisme scénique parfois fluctuant de la formation.

HEIDEVOLK surgit. 40 minutes également, pour un folk metal excellemment affirmé, "Hagalaz" se révèle bien bourrin, avec des chœurs puissants qui, avec le guttural rendu de leur langue néerlandaise, résonne de sauvagerie brute. Double chant, parfois quadruple, basse-batterie qui retentissent comme une cavalerie saxonne. "A Wolf In My Heart" rencontre un franc succès, tant son refrain est fédérateur et aisément repris en chœur, l’ambiance pagan est bien installée dans la Halle Verrière, où résonnent les cris du plaisir joyeux que chacun prend. Groupe d’une stature internationale, HEIDEVOLK poursuit, pour notre plus grand bonheur, avec des pauses magistrales de ses gaillards. "Saksenland", on sent la force des temps anciens et païens, ceux qui virent des rebelles vêtus de peaux de bêtes affronter l’ordre romain. Les cris d’encouragements sont l’écho des ancêtres des jeunes (et des moins jeunes) présents ce soir. Oui, le PAGANFEST se tient là où nos ancêtres saxons s’illustrèrent. La salle est en fête, joyeuse et paillarde, nous partons au Valhalla pour "Drinking With The Gods". Nous commençons à avoir terriblement chaud...

Après l’Italie, puis une remontée par les Pays-Bas, nous mettons le cap sur les îles Féroé. C’est au tour de TÝR de nous faire danser en exécutant un "By The Sword In My Hand" à la puissance solennelle. Je ne me ferai pas l’écho des polémiques entourant Herí, le chanteur, ne me concentrant que sur les talents sonores et scéniques du groupe, m’enivrant de "Axes", l’un des 3 extraits de « Battle Ballads », et c’est un réel plaisir de suivre cette charge viking qui tonne fort comme les vagues contre les rocs des rivages des Féroé. Les 50 minutes allouées à TÝR lui permettent de placer des hits de toujours, tels "Blood Of Heroes" et "Hail To The Hammer". Nous ne boudons pas notre plaisir devant le rythme rapide et les riffs païens, chacun y va de sa petite danse personnelle. Le final, "Hold The Heathen Hammer High" est magistral, sous nos acclamations.

Place à une généreuse heure avec, pour maître-d’œuvre, ENSIFERUM. "Fatherland" en introduction, martial, paillard et chœurs puissamment mélodieux, l’ambiance est posée directement, pour poursuivre sans reprendre son souffle avec l’iconique "Twilight Tavern" qui entraîne la foule sauvagement avec ses moulinets de riffs furieux. Qui dit PAGANFEST dit bleus et bosses dans le pit, n’est-ce pas les copains Damien et Kerstin ? Votre serviteur n'ayant plus rien à prouver (un peu peureux également et marre d’avoir mal le lendemain), il reste avec les plus sages, tels Jean-Luc et Cristina. Quant à notre photographe, elle est moins privilégiée, elle endurera durant tout le concert les vagues de slammers qui déferleront sans discontinuer sur elle. Une vraie reporter de guerre, je vous jure. Niveau albums, « Winter Storm » et « Iron » sont les plus mis à l’honneur.

Moment fort sur moment plus fort encore, vient la gigue pagan typique et entraînante "Lai Lai Hei", l’ambiance est excellente, on remue, on vide les chopes et les cornes, une soirée de rêve pour les metalleux goguenards. Bon, on est aussi là pour se lâcher. Meisenthal, ancien haut lieu de résidence des tribus sauvages qui aimaient bien faire chier l’empire romain, devient avec "Victorious" un réel champ de bataille, c’est comme si on rejouait Teutonburg. Malheureusement dans le rôle des légions submergées, ce sont les quatre agents de sécurité et les deux photographes, autant dire que c’est sans réelle surprise que les centaines de pirates et barbares en peaux de bêtes synthétiques sont déclarés vainqueurs. Pour conclure et célébrer la victoire des hordes, ENSIFERUM lâche à toutes bordées l’ultra speed "Two Of Spades" et le très beau et fort "Iron". Mes amis, c’était magique.

Dernier groupe de la soirée, stars de la dérision ou adeptes de la beaufitude, ALESTORM jaillit joyeusement sur le méga déchaîné "Keelhauled". Les spectateurs ne sont pas calmés, on repart pogoter dans la bonne humeur en scandant des « ho ho ho ». Durant une heure 15, les forbans écossais vont lâcher des bordées de tous leurs albums. Avec des moments très attendus, comme l’inénarrable "Mexico", "Alestorm" et ses joyeux bignous, ou encore le fédérateur "Hangover" qui ravit l’assemblée, vous vous en doutez. Bon, ces hymnes successifs vantant les mérites de l’alcool ne sont pas bons pour notre image de marque, mais au point où nous en sommes... Outre le look déglingué de nos joyeux lurons, saluons comme à l’habitude la présence du canard géant, symbole établi d'ALESTORM.

Toujours dans la cosmogonie piratesque, nous pataugeons dans les running gags les plus convenus, dans la bière aussi j’avoue avec les gobelets qui volent, "Zombie Ate My Pirate Ship" pour exemple. Entre deux gigues grivoises, "Nancy The Tavern Wench", hors de question de se prendre au sérieux. On voyage en "Uzbekistan", on déconne grave car il est question de "P.A.R T.Y.", alors oui, l’atmosphère est bien à la franche rigolade... Vient le rappel. Plus un seul t-shirt de sec. On a chaud et soif ? Ça tombe bien, ALESTORM vient nous servir un "Drink" forcément acclamé. La taverne exulte. Après avoir été empapaouté par une ancre, "Fucked With A Fucking Anchor", j’en suis navré, le final est "Rumpelkombo", vif et bref. Sous vos applaudissements, je dis « Meisenthal, compte tes morts ».
Vous l’avez compris, nous avons pris notre pied au royaume des sauvages. Cinq groupes très différents pour une succession de tableaux musicaux très vivants. Ce fut intense, demandez aux photographes et agents de sécurité, je salue leur bravoure et leur engagement pour la cause. PAGANFEST, reviens quand tu veux !
