4 avril 2025, 8:00

LUNA KILLS

Interview Lotta Ruutiainen


On fait parfois des découvertes inattendues en parcourant le catalogue d’un label, et LUNA KILLS est de celles-ci. Fraîchement signés chez Sharptone Records, les Finlandais nous proposent un metal alternatif, quelque part entre le néo metal et l’electro, ou encore entre la pop et le metalcore, mais 100% rempli de sincérité. Nous avons rencontré la chanteuse Lotta Ruutiainen qui nous a présenté ce nouvel album rempli de bonnes idées.
 

Avant que l’on ne parle de "Death Match" - votre nouvel album-, comme on connaît encore peu LUNA KILLS en France, peux-tu nous parler de l’histoire du groupe et de vos parcours respectifs ?
Nous nous sommes formés en 2019 autour de notre guitariste Samuli (Paasineva, ndlr) et moi. Pour tout te dire, nous sommes cousins, donc on se connaît depuis la naissance… enfin, à peu près. On avait monté un autre groupe avant LUNA KILLS, qui a évolué pour devenir finalement ce que nous sommes aujourd'hui. C’était les tout-débuts, puis notre bassiste Lassi Peltonen nous a rejoints la même année et notre batteur Jimi (Kinnunen, ndlr) n'est arrivé qu'au printemps dernier. Nous avons eu quelques changements de line-up au fil des années, mais notre but à l’époque était de créer un groupe pour jouer autant de concerts que possible. On a toujours à peu près le même état d’esprit qu'à l'origine, mais nous avons évidemment évolué en tant que musiciens et progressé dans nos performances, donc c’est un peu plus que ça aujourd’hui. Mais LUNA KILLS a vraiment démarré parce qu’on voulait jouer du bon rock en live !

« Deathmatch » est un excellent album, bourré de trouvailles, et sur le fond, j’ai l’impression qu’il représente un combat à mort entre soi et la santé mentale, qui est un thème récurrent au fil des titres. Est-ce que c’était pour extérioriser ça, ou plutôt pour éclairer les gens sur le sujet ?
La musique a toujours été une forme de thérapie pour moi, donc j’ai toujours ressenti ce besoin. À travers la musique, je peux m’exprimer les sentiments qui me traversent. Souvent, les paroles sont très personnelles, car j’écris sur des situations que j’ai moi-même vécues. Cela me permet de prendre du recul et d’y trouver un sens. Il a toujours été très important pour moi d’écrire ce que je ressentais, d’extérioriser. Il est aussi très important que les gens qui sont dans ces situations, qui ont des soucis liés à la santé mentale ou à la dépression et ce genre de choses, puissent tirer quelque chose de la musique et peut-être sentir qu’on les écoute, ou y trouver du soutien, en quelque sorte. Il est également très important, je pense, de parler des problèmes liés à la santé mentale, car il y a toujours une sorte de tabou autour de ce sujet. C'est très important d’en parler ouvertement.

Vous avez sorti "Waves" en single, accompagné d'une vidéo. J’ai l’impression que vous avez développé un aspect de votre son avec chaque single et celui-ci est plus électronique, voire hip hop par moments. De quelle manière cette chanson a-t-elle été créée ?
Nous avons travaillé sur ce morceau lors de la première session de l’album. Nous l’avons écrit en environ trois ou quatre séances de travail. On n’y avait pas à proprement parler réfléchi, car nous sommes très expérimentaux quand on écrit de la musique. Habituellement, on aime juste explorer les ambiances et les sentiments qui émanent d'un morceau, puis on réfléchit aux paroles ou aux thèmes qu’on devrait y incorporer. Je pense que nous avons voulu ce petit moment de sérénité dans l’album, parce que nous avons des morceaux très énergiques, et celui-ci, même s’il finit par arriver à un moment très fort aussi, est un peu plus doux. On voulait placer ce genre de calme avant la tempête dans l’album. C’était d’ailleurs l'un des morceaux les plus faciles à écrire. Il a été assemblé assez vite, si je me souviens bien. On travaillait sur d’autres titres qui n’étaient pas faciles quand on a eu cette idée.

Comment expérimentez-vous ? Est-ce que vous essayez juste des trucs aux claviers que vous poussez ou non plus loin, ou est-ce plus structuré ?
On fait la plupart des choses avec un clavier, effectivement. Et on essaie des trucs avec des ordinateurs, des guitares, on jamme un peu entre nous… On veut juste suivre le feeling. Parfois, on aime essayer d’autres choses encore. Par exemple, "Sugar Rush" est un morceau sur lequel on voulait faire un truc marrant, presque comme un morceau comique au départ. Mais on a fini par réaliser que c’était un très bon morceau et il a fini sur l’album. On essaie juste des trucs et si on ne le sent pas, on ne fait pas les morceaux, ou on n’incorpore pas ces passages dans les morceaux. Il faut juste s’amuser avec la musique, car si tu ne t’amuses pas, tu ne finiras jamais rien. En tout cas, c’est notre point de vue.

"Sugar Rush" avait pas mal retenu mon attention, car elle parle de productivité constante, et je me demandais si tu voyais le groupe comme un travail ou comme une liberté ?
Eh bien, "Sugar Rush" parle de ces choses parce qu’on avait un peu de mal à écrire à ce moment-là et une impression d'angoisse de la page blanche qui nous dépassait vraiment. On avait des buts et des dates à tenir, mais on n’était pas très inspirés alors qu’il le fallait. C’était très difficile pour nous de nous concentrer et d’écrire des chansons qui nous rendraient fiers. Cette chanson est ressortie de ce blocage. Comme je te le disais, c’était un peu une blague au début : on voulait faire quelque chose pour le fun et écrire en dehors de l’album, et ce titre a fini par être bien. Évidemment, on ne veut pas se sentir piégés à ne pas pouvoir faire quoi que ce soit de créatif. Il faut faire attention à ne pas se cramer non plus. Mais parfois le monde est comme ça, tu as des deadlines courtes et difficiles à tenir et il faut trouver des moyens de le faire. Dans un monde idéal, il faut essayer de se concentrer sur la créativité et ne pas tenir compte des échéances, de l’objectif de productivité et de l’obligation de toujours devoir sortir quelque chose. C’est dur de ressentir que tu ne peux jamais être la version parfaite de toi-même à cause d'un manque d'inspiration, si tu vois ce que je veux dire.

Je vous ai découverts avec le premier single de l’album, "Slay Your Enemies", et ai directement aimé. Est-ce la chanson par laquelle vous voulez que les gens vous découvrent, ou sinon, laquelle ce serait ?
Oh, bonne question ! Évidemment, "Slay Your Enemies" est un début agressif pour entrer dans notre musique. Si tu l'écoutes en premier, puis "Waves" juste après, ça pourrait être un petit choc. Je dirais que sur l’album, la meilleure chanson pour commencer, c'est sans doute "Sadist", car elle a tous les éléments de ce que nous sommes. C’est probablement avec celle-là que je présenterais l’album.

Ce morceau possède pas mal d’éléments metal, mais avec un côté pop groovy. Est-ce que c’était la définition que vous aviez de votre son en débutant, ou est-ce que ça a évolué durant la conception de cet album ?
Nous avons évolué au fil du temps. Nous avons bien sûr toujours eu cet amour du groove metal et du neo metal, mais nous n’écrivions pas ce style de musique avant. On faisait cependant de grands refrains et des accroches, parce que c’est une grande composante du son de LUNA KILLS. On aime faire des refrains pop et mélodiques, mais ça a évolué. On voulait que notre musique aille dans une direction un peu plus agressive, un peu plus brute. Donc on voulait un peu plus explorer cette voie du metal. Mais de manière générale on a juste cet amour de la musique. Même si on veut faire quelque chose avec notre musique, on ne changera jamais ce qu’on est. Donc c’est une évolution naturelle vers ce qu’on voulait faire. Ça pouvait marcher ou non, mais je dirais que la musique est toujours tournée vers l’authenticité.

Comme tu le disais, sur vos premiers morceaux c’était un peu plus pop, et tu screamais beaucoup moins que sur cet album. Cependant, j’ai l’impression que tu maîtrises parfaitement bien la technique, qui nécessite parfois des années de travail. Quelle a été ton entraînement pour arriver à ce niveau ?
Merci beaucoup ! Ça fait très plaisir à entendre ! Eh bien j’ai commencé à apprendre le scream il y a deux ans environ. On travaillait sur un single et on sentait qu’il y avait besoin de quelque chose pour élever la chanson et la rendre un peu plus agressive. Donc j’ai ouvert YouTube et j’ai commencé à apprendre à partir de là. J’ai appris la technique de base en une semaine, puis on a enregistré "Deep Cuts", qui est la première de nos chansons avec mon scream. Je pense que j’ai un peu plongé dans le grand bain directement, parce qu’on tourne tout le temps et on joue très souvent des concerts, donc j’ai dû le faire en live immédiatement ! M’entraîner pour le live était peut-être la meilleure chose qui pouvait arriver pour améliorer ma technique de scream, parce que je ne veux pas être constamment en difficulté. C’est super pour moi parce que je n’avais pas vraiment appris quelque chose de nouveau depuis des années avant de commencer à explorer ces techniques extrêmes ! Je pense que j’apprends constamment de nouvelles choses maintenant. Et ma voix évolue un peu plus, ce que j’adore. Je ne suis pas dans une période où je reste juste immobile en me disant que j’ai tout appris. C’est sympa d’apprendre et d’utiliser ma voix différemment. Je crois que je suis vraiment tombée amoureuse du scream et que ça s’entend sur l’album. La quantité de scream dans nos morceaux a augmenté exponentiellement depuis le premier single où je l’ai fait.

Je pense que mon morceau préféré est "Get Mad" car on y sent tes influences jazz. Est-ce que tu penses que ça t’aide à écrire des lignes de chant efficaces ?
Oui, je pense. Et je pense surtout que c’est parce qu’on écoute de tous les types de musique, tout le temps. Je pense que c’est quelque chose qui contribue à la création et qui fait qu’on ne se contente pas d’un seul style. Mais je pense que mon historique dans le jazz et la pop contribue vraiment au son et à la manière qu’on a d’arranger et d’écrire les morceaux. Et bien sûr, notre guitariste, qui co-écrit les morceaux avec moi, est fan de Max Martin qui a co-écrit les plus grands morceaux du monde (entre autres, "It’s My Life" de BON JOVI, "I Kissed A Girl" de Katy Perry ou "Shake It Off" de Taylor Swift, ndlr), donc ça aide !

L’album se termine avec "Fever Dream" qui prend une toute autre direction, plus rêveuse et mélodique, après la tempête qu’est le reste de l’album. Peux-tu me parler un peu de cette chanson et de ce qu’elle représente pour toi ?
"Fever Dream" est une chanson très importante pour moi, je l’aime beaucoup. J’adore le rendu qu’elle a, car c’est probablement la chanson la plus ancienne de l’album. On l’avait entamée il y a peut-être trois ans, ou quelque chose comme ça ! Quand on a commencé à travailler sur cette chanson, c’était très différent. Il y avait des riffs plus heavy et elle était très différente, mais je ne la sentais pas. Je sentais que le message des paroles, qui parlent de ce qu’on ressent quand on traverse la dépression, ne pouvait pas être vraiment agressif. Elle ne pouvait pas être excentrique ou quoi que ce soit. Il fallait qu’elle soit douce et triste, donc on a retiré tous les artifices et pris la décision de ne faire presque que de la basse et du chant. On a d’ailleurs ce type de chant doux et cette basse très simple. On a ajouté quelques cordes et ça donne un final vraiment grandiose au morceau, qui représente le réveil à la fin d’un cauchemar, pour ainsi dire. Je pense que la chanson représente parfaitement les paroles et c’est ce que je voulais pour cette chanson.

Quel morceau de l’album correspondrait le mieux à ton humeur aujourd’hui ?
Probablement "Get Mad". J’ai eu un week-end très énergique et c’est une grosse journée donc je suis peut-être encore un peu stressée.

Vous jouez dans de grands festivals ces temps-ci, avec le Tuska en 2024 et le Great Escape cet été au Royaume-Uni, ainsi que d’autres dates qui s’annoncent au fur à mesure. Peut-on s’attendre à vous voir en France bientôt ?
Bien sûr ! Si l’opportunité nous est proposée, on adorerait venir en France. Essayons de faire en sorte que ça arrive !

Je sais que c’est difficile de traverser les frontières musicalement. Y a-t-il un projet ou un groupe que tu aimerais mettre en avant pour que les gens aillent l’écouter ?
Il y a ce compositeur qui s’appelle "Freak", je crois qu’il vient des États-Unis, probablement de Californie. Il y a beaucoup d’artistes de ce nom, donc il sera peut-être difficile à trouver, mais il fait de la musique un peu cyberpunk, avec plein d’ambiances et des éléments punk et hardcore. Mais il fait des morceaux qui sont aussi très mélodiques avec des refrains qui me font vraiment adhérer.
 

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