11 avril 2025, 17:56

MESSA

Interview Alberto Piccolo et Mark Sade


Plus de 10 ans d'existence, les Italiens MESSA font un pas de plus vers la légende du doom avec leur majestueux quatrième album « The Spin », invitant l'auditeur à un voyage époustouflant à travers les cieux ouverts de leur imagination créative, sur un magnifique paysage d'humeurs, de rebondissements et de styles. Pour comprendre ce voyage, mais aussi leur musique, leur technique de la guitare et la basse, de l’identité visuelle de l’album et d’autres sujets, nous nous sommes entretenus avec Alberto Piccolo et Mark Sade...
 

Dans votre premier album « Belfry » en 2016, vous jouez une musique principalement qualifiée de doom, mais dans les deux albums qui ont suivi, on peut entendre des éléments de jazz comme un saxophone. Même si vous semblez prendre de la distance avec le doom de vos débuts, on peut encore entendre une trompette sur "The Dress" et un piano jouer du jazz sur "Immolation", ainsi qu’une influence de la musique des années 80. Comment définiriez-vous l’identité musicale de l’album « The Spin » ?
Alberto : Comme tu l’as dit, on essaie de changer d’un album à l’autre. Il y a une base commune à chaque album, mais je pense que la véritable identité du groupe peut vraiment être perçue quand on joue en live. C’est là qu’il n’y a pas de filtre et qu’on peut vraiment être nous-mêmes. Pour cet album, comme tu l’as dit, on a vraiment cherché à avoir une vibe des années 80. On ne l’avait pas encore fait jusqu’à présent et c’était vraiment notre objectif, on veut se renouveler et ne pas s’ennuyer avec nos propres musiques. Nous voulons changer et ne pas jouer les mêmes morceaux encore et encore. Je pense aussi que, d’une certaine façon, on a repris là où on s’était arrêté avec « Close » et la dernière chanson qu’on avait écrite pour l’album. "Dark Horse" comportait déjà des éléments de l’ambiance des années 80, comme une vibe à la KILLING JOKE. Nous avons avancé avec ça et certains éléments sont toujours présents, comme le jazz par exemple. Nous essayons d’inclure des éléments jazz dans chaque album. Dans le premier, il y avait un solo de clarinette dans la chanson "Blood". Je crois que le jazz fait autant partie de l’identité du groupe que le black metal, le blues, le rock et aussi le doom. Dans cet album, le doom n’est pas aussi présent que par le passé. Il y a deux ou trois moments dans l’album qui peuvent être qualifiés de doom. L’identité de cet album est vraiment le résultat de ce qu’on a fait jusqu’à aujourd’hui et de la vibe des années 80 qu’on a cherché à reproduire.

Au sujet de l’influence des années 80, je me demandais comment vous aviez fait pour recréer le son de cette époque ? Comment en êtes-vous venu à penser aux deux claviers que vous avez utilisés sur l’album, le CP80 et le Juno 106 ?
Alberto : On a essayé de faire un son authentique en utilisant des instruments de cette époque, que ça soit les claviers, les amplis pour les guitares ou les effets de la table de mixage étaient tous utilisés dans les années 80. Donc on a demandé à nos amis et nos connaissances s’il leur restait des instruments de cette époque et on les a emmenés pour utiliser les instruments pendant l’enregistrement de l’album. Ça, c’est pour la partie fabrication. Du point de vue de la composition, on s’est très vite rendu compte que tout le monde autour de nous avait une vision différente du son des années 80. Chaque membre du groupe en avait une appréciation différente, une opinion différente. Par exemple, Sara s’est inspirée de Siouxsie and the Banshees, un groupe qu’on aime tous comme KILLING JOKE. J’aime aussi beaucoup l’album « Frontiers » du groupe JOURNEY, c’était une inspiration pour l’enregistrement et ils utilisent le piano CP80 qui est aussi sur l’album. On s’est aussi inspiré de bandes son de films des années 80. Par exemple, je me suis inspiré du film Top Gun et de Twin Peaks.

Twin Peaks était aussi une inspiration pour les clips ?
Mark : Plus ou moins… Tous les clips qu’on a sortis sont très lugubres, très sombres et atmosphériques, donc oui, ils sont liés à l’esthétique de David Lynch. C’est l’une des premières références quand on voit nos clips et on l’approuve complètement. Je crois que le film Eraser Head est mon film préféré et aussi l’un des fims les plus terrifiants que j’ai vus de ma vie, et il est en noir et blanc. Mais cette fois, ça n’était pas la référence principale. En fait, cette fois, on n’en avait pas vraiment.


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Pour continuer avec les clips, je me demandais pourquoi vous aviez choisi de tourner le clip du single "At races" autour des monuments Spomenik et quel message vous aviez voulu transmettre en montrant ces monuments anti-fascistes ?
Mark : La signification du clip est vraiment simple : c’est un road-trip que Sara fait en moto, pendant lequel elle découvre des choses. Avant de choisir cette imagerie et ce scénario avec les motards, on pensait que le clip devait raconter un voyage et on a réfléchi à plusieurs lieux. Ensuite, on a commencé à se concentrer sur le road trip avec des motards. Ça n’est pas un road trip normal, c’est un voyage pendant lequel elle va visiter des endroits qui ont une signification particulière et surtout une esthétique particulière. À la fin, il y a cette famille qui fait le mur de la mort, c’est la dernière famille des Balkans à le faire. Il y a beaucoup de monde qui le fait en Europe, aux États-Unis, en France, au Royaume-Uni, mais dans la région des Balkans, ce sont les seuls à le faire. C’est une sorte de voyage d’exploration : elle recherche des éléments qui nous inspirent et ensuite elle assiste au spectacle.

J’ai une question au sujet de l’identité visuelle de l’album : vous avez choisi de représenter un ouroboros sur la couverture, c’est-à-dire un serpent qui se mord la queue. D’où vient la fascination pour ce mouvement infini ?
Mark : Tout le but et la signification de l’album sont inspirés par le mouvement circulaire. Des paroles à l’identité visuelle, tout est basé sur l’idée du cercle infini. Quand on faisait des recherches pour la couverture de l’album, on est entré en contact avec cet artiste qui est un de nos amis qui fait des sculptures en marbre, Nico Vascellari. Dès qu’on a vu son art, on a décidé que ça serait la couverture qui représenterait notre album. C’est une représentation de ce qu’on a vécu ces trois dernières années : tous les kilomètres qu’on a parcourus, tous les sentiments qu’on a ressentis. Il y a beaucoup de sentiments personnels, ce qui rend cet album vraiment très personnel. Ce symbole en particulier est tellement universel et démocratique qu’il peut représenter quelque chose pour moi en tant qu’artiste, mais aussi quelque chose pour toi en tant qu’auditrice.

Au sujet de l’enregistrement, j’ai vu que Maurizio Biaggio avait en partie enregistré, produit, mixé et masterisé l’album. Pouvez-vous me parler de votre collaboration avec lui ?
Alberto : On a travaillé avec Maurizio sur tous les albums sauf le premier. C’est lui qui a enregistré « Feast For Water » et « Close » et mixé le live au Roadburn. Il a toujours été avec nous et on aime vraiment travailler avec lui parce qu’il est très professionnel, c’est un très bon ingénieur son et il a une très bonne oreille. Il joue aussi, donc il nous donne des conseils pour arranger certaines parties et c’est aussi un de nos amis. Il a beaucoup travaillé avec le son des années 80 récemment, il a produit beaucoup d’albums qui ont ce son donc c’était normal de collaborer avec lui à cette occasion. C’est vraiment utile de travailler avec lui parce qu’il savait exactement quel son on avait en tête, on lui a donné très peu d’explications et il savait exactement ce qu’on recherchait.
Mark : Au début de l’album, on pensait à travailler avec un ingénieur son différent, mais quand on a su qu’on voulait avoir le son des années 80, on a de nouveau choisi Maurizio. D’abord parce que c’est un très bon ami et qu’il est très bon dans ce qu’il fait, mais aussi parce qu’il a produit et travaillé avec beaucoup de groupes qui ont vraiment une inspiration très prononcée pour le son des années 80. Il a produit THE SOFT MOON, il a fait beaucoup de tournées avec eux et ensuite il a aussi été ingénieur son et producteur pour BOY HARSHER, donc on s’est dit qu’il était probablement le meilleur avec qui faire un album inspiré des années 80.

J’ai vu que vous aviez écrit l’album en six semaines de travail intensif dans une vieille villa italienne de 500 ans. Pourriez-vous me parler un peu du processus d’écriture ?
Alberto : D’une certaine façon, le processus d’écriture n’a jamais changé. On va dans la chambre d’écoute avec une idée de la chanson. Mark et moi arrivons généralement avec une idée de la chanson et on écrit la musique avec le reste du groupe. Sara écrit toujours les paroles, c’est vraiment son truc à elle. Mais cette fois, c’était un peu différent parce qu’on a fait un peu comme dans le documentaire The Beatles: Get Back. On s’enferme dans cet endroit et, quand on en sort, on doit avoir écrit l’album. C’était une session intense d’écriture et de composition, on se disputait un peu de temps en temps...
Mark : Un peu ?? (rires)

Comment ça ?
Mark : En réalité, on se dispute beaucoup. (rires) C’est pour ça que ça a pris si longtemps.
Alberto : Oui, en réalité, ça a pris longtemps pour convaincre les autres que mes idées étaient les bonnes. (rires) Le groupe est la base commune entre nous quatre, mais parfois, trouver cette base commune est plus difficile à certains moments qu’à d’autres. Comme c’est quelque chose que nous n’avions pas encore fait et que ça nous faisait sortir de notre zone de confort, ça nous a demandé davantage de travail et de compromis pour ne pas jouer ce qu’on voulait mais plutôt ce dont la chanson avait besoin, ce qui est finalement ce qu’un musicien doit faire, du moins je pense : servir l’objectif de la chanson et l’idée qu’on en a. Finalement, on se parle toujours les uns aux autres, on se dit toujours bonjour. (rires)

Je trouve ça amusant que vous vous disputiez beaucoup...
Alberto : Oui, c’est habituel, on se dispute toujours parce qu’on est quatre personnes très différentes et on a aussi des goûts musicaux différents. Mais cette fois, c’était un peu plus difficile parce que cette situation a duré longtemps et c’était très différent de ce qu’on fait habituellement.
Mark : Oui, mais pas de panique, on se dispute vraiment pour tout. Demain matin, il faut qu’on aille à un enregistrement à sept heures et on se dispute encore sur l’heure à laquelle on doit partir. (rires)


Mark, est-ce que tu joues encore de la basse Kramer ? Je me demandais si tu pouvais parler des effets de cette basse sur ta technique.
Mark : Non, maintenant je joue d’une basse à huit cordes parce que la Kramer était plutôt liée à l’album précédent. Je change d’instruments pour chaque album. Sur « Feast For Water », je jouais de la basse et de la guitare et sur « Close », je jouais la huit cordes qui était liée au son de l’album. Pour « The Spin », je joue d’une des premières basses que j’ai achetées dans ma vie, ça fait plus de quinze ans qu’elle est avec moi. C’est une Gibson 77RD. Je joue aussi du synthé pendant que je joue de la basse et aussi du clavier. Cette fois, je devrai jouer de plusieurs instruments quand je serai sur scène, je ne pourrai pas juste me promener partout. (rires)

Alberto, je me demandais si c’était bien toi qui jouais de l’instrument au début de "Reveal". J’ai lu que tu savais jouer de plusieurs instruments comme de la mandoline, et je me demandais si tu avais appris à jouer d’autres instruments pour cet album.
Alberto : Oui c’est moi, c’est juste une guitare acoustique avec un effet « bottleneck » qui vient de la tradition blues. Pour cet album, je n’ai pas appris de nouvelle technique. Il n’y a pas de nouvel élément ou de nouvel instrument. Bien sûr, la vibe des années 80 m’oblige à jouer un autre ensemble d’harmonies à la guitare. Presque tout l’album est enregistré avec une guitare Fender Telecaster, ce qui est quelque chose que je n’ai pas fait sur les autres albums. Il y a un effet de chorus sur presque tout : les voix, le piano, la guitare, la basse. Donc oui, je joue de tout sauf des instruments à vent, je ne peux rien jouer qui n’ait pas de cordes. (rires)

J’ai une dernière question : je me demandais quelle relation vous aviez avec votre public français et comment vous vous sentiez au sujet de votre retour au Hellfest cet été ?
Mark : On a vraiment hâte, on est impatients de revenir. On va jouer au Hellfest, ensuite on fait quelques concerts dans le sud de la France, puis on va au Resurrection Fest en Espagne et faire d’autres concerts en Espagne, ça va être bien.
Alberto : C’est toujours chouette de jouer en France, on voit tous les efforts des gens qui organisent les concerts et les infrastructures sont toujours super. On a toujours eu un super accueil en France donc oui, ça va être génial de rejouer là-bas !

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