
Premier album du jeune groupe originaire de Valence, « Soma » est avant tout une histoire de mélodies sombres, ponctuées de riffs de plomb et d'une production d'acier. Pendant plus de cinquante-trois minutes les cordes et les peaux frémissent avec délice, créant des atmosphères prenantes avec en toile de fond... le froid, les ténèbres et la nuit.
C'est dans ce décor glacial que l'introductif "Opposite 1" convie à la même table puissance et lourdeur. Formant une fresque aux multiples tonalités, la force de ce morceau réside dans les contrastes avec lesquels il jongle sans fausse note. La performance du batteur, qui cogne comme un damné ou les hurlements du chanteur, empreints d'un profond désespoir, sont à ce titre notables. Tout comme "Opposite 2" qui suinte la rage par tous les pores, sourde et cruelle, tout du long. Une rage que le vocaliste Daniel hurle sans la moindre précaution. Aidé dans sa quête par une section rythmique remontée comme jamais qui modèle riffs dissonants sur embardées post-hardcore de premier ordre, ce dernier assure le job avec classe.
L'ambiance de désolation qui s'empare du reste de l’album confirme la tendance : les ténèbres sont dans la place, pas de doute. Le tout nage dans des ambiances crépusculaires doublées d’une mélancolie guerrière qui se fait la malle quand cela lui chante. Le côté dissonant, déjà présent sur le premier EP, est ici démultiplié et les conséquences ne se font pas attendre : « Soma » est une véritable déclaration de guerre. Mais gare à ne pas résumer sa démarche à une agression sonore de bout en bout puisque BÅKÜ sait aussi faire preuve de discernement. Sur "Opposite 3" par exemple, il révèle une mélancolie certaine doublée d’une nervosité post-rock toute en nuances. Pas de doute, ce pavé a des allures de sans-faute tant les structures de chacun de ces cinq morceaux sont suffisamment aérées et truffées de breaks audacieux pour faire passer la douloureuse comme une lettre à la poste.
Mixé avec doigté par Romain Dasilva et masterisé par François Fanelli, ce premier disque s’affiche d’ores et déjà comme l’une des sorties essentielles de cette année en matière de post-metal. La frappe y est méthodique. Chirurgicale. Et laissera l'auditeur sonné. « Soma » confirme tout le bien que l’on pensait à son sujet, il est impossible de rester impassible à l’écoute de ces cinq titres qui ne prennent pas de pincettes pour en mettre plein les mirettes. L’urgence et la hargne pointent le bout du pif sur chaque break et un véritable déluge de riffs d'une délicieuse sauvagerie laisse exploser des mélodies jouissives en arrière-plan. Voilà ce que l’on appelle un album... "coup de poing" !