Samedi, jour 3, ressenti jour 15. A ce stade, le réveil commence à piquer un peu, mais heureusement l’hôtel passe en mode horaires du week-end pour le petit déjeuner et on arrive donc à grappiller une précieuse heure de sommeil supplémentaire !
On essaye aussi de profiter d’un des rares jours non fériés du festival pour faire quelques emplettes en ville (notamment trouver en norvégien mon livre préféré que je collectionne en toutes les langues). Ma quête du jour se solde par un cuisant échec, les librairies norvégiennes étant visiblement remplies pour moitié par des livres en anglais et, surprise, une édition anglaise que je cherchais aussi, et on tombe au détour de nos pérégrinations sur un libraire, qui confirme l’impression qu’on avait depuis le Beyond The Gates l’été dernier : les norvégiens sont plutôt du genre sympas !
L’autre étape avant les concerts du jour, dont ROTTING CHRIST et SATYRICON, c’est une des nouveautés du festival : le premier défilé de mode metal. Présenté par la gagnante de l’édition suédoise de Ru Paul’s Drag Race, Admira Thunderpussy, ce défilé est ouvert aux créateurs mais également aux festivaliers. L’application de l'Inferno nous le présente de la manière suivante « Préparez-vous pour le truc que personne n’a demandé, mais qu’on vous donne quand même ». Tout un programme donc, et qui a le mérite de casser un peu l’image que l’on associe généralement au black metal. Je ne peux qu’approuver l’initiative et aller regarder cela tout en préparant mes meilleurs applaudissements.
Cela nous donne également l’occasion d’aller découvrir le Goldie, un des bars partenaires du festival et celui où se déroulait le warm-up de mercredi, avec la scène n°3 du festival en terme de taille. Nous n’aurons malheureusement pas l’occasion d’aller y faire un tour pour un concert selon notre planning, raison de plus pour ne pas manquer le défilé.
Là on se dit qu’on va faire les choses bien et on décide de se prendre un cocktail (comprendre : on vend la caravane et on lâche 24€ parce que c’est la Norvège) mais je suis adepte des jeux de mots et difficile de résister à des cocktails qui s’appellent Blue Satan ou Bloody Witch.
Au final le défilé attire pas mal de monde, et c’est parti pour une bonne demi-heure de présentation de tenues de festivaliers diverses et variées : du très travaillé au très réaliste, c’est-à-dire confortable pour aller tenter un mosh-pit, le tout dans la bonne humeur et les punchlines de notre hôte. Cette dernière culmine l’assemblée sur ses plateformes et nous fait la démonstration qu’une robe cote de maille ça se porte très bien par-dessus un t-shirt du festival ! C’est très bon enfant et les créatrices reconnues (du type à faire des tenues de scène pour certains des groupes présents pendant le festival) côtoient le fan de BEHEMOTH qui a reproduit une des coiffes de Nergal ! Un bon moment qui nous montre bien que l’univers drag et le black metal sont tout à fait compatibles et en même temps un corpse-paint ça peut demander autant de travail qu’un contouring bien fait !
Dans une absence de logique totale, on décide d’aller se faire une pause café/chocolat chaud avant d’enchaîner avec les concerts...

On commence donc avec l’ouverture du Rockefeller et COVEN.
Un des groupes qui étaient sur ma liste "à voir si possible au moins une fois en concert". Au-delà d’apprécier leur rock occulte (très mignon en soit par rapport au reste de la programmation du festival) COVEN demeure le premier à avoir utilisé les cornes du diable dans la musique rock/metal, et oui avant Ronnie James Dio ! Si ce n’est pas un groupe de black metal, c’est un de ceux à qui l’ont doit l’amalgame entre satanisme et rock dans les années 70... et de part ses visuels et scénographie, on a l’impression d’un voyage dans le temps, au moment de la panique satanique aux Etats-Unis. Après une période d’hibernation assez longue, la chanteuse Jinx Dawson a recruté un nouveau line-up en 2017. Le voyage dans le temps opère bien, tout comme le rituel du groupe et musicalement leur rock psychédélique & occulte est toujours aussi bon.
La présence de COVEN dans la programmation était une plutôt bonne surprise et sa performance assez conforme à l’idée que je m’en faisais. Si je vieillis comme la chanteuse de 75 ans, je m’estimerais plutôt contente de mon sort !
Un tour au merchandising plus tard (...oopsie un vinyle de SATYRICON), nous voici de retour sur la scène John Dee et le blackened death metal d'ANGIST, groupe islandais fondée par Edda et Gyda. Les deux femmes et leurs acolytes nous envoient un son brut, violent et sans concession dans les oreilles. C’est lourd, c’est bien fait mais un peu répétitif à mon goût.
A ce moment là, il est l’heure de grignoter et chose promise, chose due, me voici donc au stand de gaufres hot dogs. Je ne prétends pas tout comprendre mais je me retrouve avec une saucisse sur une gaufre, un peu de confiture de fraises entre les deux et de la moutarde et oignons frits sur le dessus. Bon en soit, ça se mange, mais je ne vois pas trop l’intérêt à la chose et je n’ai donc toujours pas compris le principe outre le "on va essayer de ne pas mourir idiote".
On ne fait pas le détour par AURA NOIR qu’on a déjà beaucoup vu, et on décide d'aller rejoindre la John Dee pour ABYSSIC. Le groupe est complètement inconnu au bataillon pour ma part, mais la description qui en est faite nous parle d’une forme unique de funeral/doom death metal, avec des influences black metal, ainsi que d’orchestrations... en termes d'influences on retrouve là pas mal de choses susceptibles de nous plaire.
Le but était de regarder le concert durant un quart d’heure pour aller trouver ensuite une place pas trop mal pour ROTTING CHRIST.
Autant le dire, on était moins bien placés que prévu pour ces derniers. ABYSSIC a tout simplement été ma plus grosse découverte du festival et une énorme claque. Du type, qui fait râler de ne pas pouvoir enchaîner les deux prestations dans leur intégralité tout en étant bien placé. Au bout de 3 jours on le sait, il faut prendre de l’avance pour bien voir les têtes d’affiche. Sauf que là on a tout simplement pas envie de partir. Les orchestrations sont magnifiques, immersives, la scénographie toute en fumée avec les chandeliers achève de nous plonger dans l’univers sombre du groupe, et que dire du chanteur également contrebassiste en tenue de moine à capuche conique ? (un côté célébrations de Pâques en Espagne, au moins on est raccord avec le thème du week-end !). Je ne suis pas non plus étonnée de réaliser que le batteur Tjodalv a fait un passage chez DIMMU BORGIR. On assiste à un show qui nous fait penser à un rejeton de ce dernier et AHAB en version plus doom et minimaliste en apparence.
Vraiment c’est compliqué de quitter la salle, mais ROTTING CHRIST quand même, et en remontant on prend encore quelques petites minutes pour faire un détour par le merchandising pour trouver un t-shirt et les deux vinyles disponibles, à un prix pour lequel on aurait pu se payer un t-shirt de BEHEMOTH à l’Olympia soit dit en passant... ABYSSIC est clairement de ces groupes que je réécouterai dès mon retour !

Il ne nous reste donc ROTTING CHRIST et SATYRICON pour finir la soirée. Si vous avez lu le report du passage de la tournée "The Unholy Trinity" à Paris, vous savez tout le mal que je pense de ces deux groupes et est-il besoin que je fasse une nouvelle déclaration d’amour ici ? Eh bien oui ! Déjà parce que j’avais essayé de contenir mes élans amoureux dans le live-report en question, mais aussi parce que dans les deux cas le temps de jeu était plus important à l’Inferno, les set-lists différentes, et finalement, on ne crie jamais assez fort son amour pour ROTTING CHRIST et SATYRICON, surtout quand on peut les voir le même soir.
Ceci étant dit, on est un peu plus loin que prévu de la scène, il a aussi fallu passer au vestiaire déposer les emplettes du merchandising, mais contrairement à l’Olympia, pas de problème d’horaires et on est déjà au taquet dans la fosse pour les premières notes.
Ici pas de honteuses 45 minutes de set, mais bel et bien un set de 1h15 (le même temps de jeu que BEHEMOTH le lendemain d’ailleurs), la salle était bondée et très vite le groupe met la fosse en furie, au point de sentir un peu le sol bouger. Certains oseront dire que je ne suis pas objective (à raison d’ailleurs), mais si le concert de la semaine dernière était déjà très bon, là nous avons clairement droit à une prestation un cran au-dessus. Je ne sais pas si c’est le temps de jeu plus long, l’accueil avec la salle pleine (et non pas une partie du public manquante, et les lumières partiellement allumées), mais ça prend sacrément bien, on a droit à la totalité de la set-list de la semaine dernière avec quelques ajouts appréciables comme "The Raven" qui clôt le set.
ROTTING CHRIST c’est un grand moment de black metal à l’ancienne, sans fioriture si ce n’est la générosité criante des membres du groupe, heureux de continuer à partager leur musique après si longtemps (même si le bassiste Kostas Heliotis est le plus jeune du groupe). On se demande même si le chanteur Sakis Tolis n’a pas les larmes aux yeux à la fin du concert. Je ne le dirai jamais assez (je me répète d’un report à l’autre, mais c’est pour la bonne cause), allez voir un concert de ROTTING CHRIST si vous en avez l’occasion, même si vous n’êtes pas un fan inconditionnel du groupe, ils ont ce don de vous donner un coup de boost malgré l’énergie qu’on laisse sur place !
En tant normal, je serais allée faire un passage sur la John Dee pour voir le set de SETH, un des quelques groupes français à l’affiche, dont j’aime beaucoup les albums mais aussi les performances scéniques, sauf que j’ai eu la chance de le voir l'automne dernier lors de la tournée avec BORKNAGAR et ROTTING CHRIST et que je veux être bien placée pour SATYRICON, ce n’est tout simplement pas négociable.
Il se trouve que suite à un concert de BEHEMOTH à Gdańsk il y a bientôt 2 ans au Mystic Festival, j’ai décidé de me lancer dans le trip de voir mes groupes préférés à domicile, ce qui cette année me fournissait le prétexte parfait pour aller à l’Inferno ; je pouvais cocher la case "SATYRION à Oslo", après tout, tous les prétextes et excuses sont bons à prendre ! Le passage de la tournée "The Unholy Trinity" au festival était donc l’occasion parfaite, et corrigeait fort à propos la disproportion des temps de jeux de la tournée. Parce que oui, à l’Inferno, bien que les deux groupes soient les têtes d’affiche de deux journées différentes et jouent à la même heure (23h30), SATYRICON nous gratifiera d’une bonne heure et demie de concert contre 1h15 pour les Polonais. Ça ne vaut certes pas les deux prestations du Beyond The Gates 2024, mais ça commence à ressembler à un temps de jeu appréciable.
Bien que la barre ait été placée très haut par ROTTING CHRIST juste avant, on tient à mon sens le meilleur concert du festival, ou le meilleur ex-æquo avec ROTTING CHRIST. Je vous promets qu’il me reste pourtant une petite once d’objectivité et je m’en explique. S’il y a des choses qui sont purement personnelles, comme entendre Satyr hurler « Osloooooo » en direct ce qui faisait partie de mes buts personnels après 10 ans à voir et revoir le « Live at the Opera », il y a les choses qui sont partagées partout, comme avoir "Phoenix" chanté en live avec nul autre que Sivert Høyem l'interprète original du titre sur album. Un grand moment de la soirée et une présence assez rare sur scène ce qui explique que cette chanson soit absente des set-lists de SATYRICON bien qu’elle ait rencontré un franc succès.
La chanson "To The Mountains" est quant à elle dédiée à Jan-Martin Jensen, fondateur du festival et la personne la plus facile à vivre, exempte de drama que Satyr ait visiblement rencontrée dans le milieu musical. On a droit à un peu plus d’anglais que lors du Beyond The Gates, ce qui n’est pas négligeable pour ceux qui ne comprennent pas le norvégien – dont le guitariste Attila Vörös – et il finit par comparer le fait de jouer au Rockefeller Center, centre névralgique du rock et metal à Oslo, à celui de chanter dans sa salle de bain. Certes je voulais les voir jouer à domicile, mais je n’en demandais pas tant !
Là encore, si on a bien évidemment les incontournables on a aussi quelques nouveautés par rapport à la tournée, le groupe ayant l’excellente idée de modifier un peu sa set-list d’une date à l’autre. Son black metal décrit par le festival comme un trésor national pour la Norvège – et qui suis-je pour les contredire – n’a rien perdu de sa superbe suite aux quelques années d’absence scénique et c’est un vrai retour en force que SATYRICON réalise depuis maintenant bientôt un an.
C’est donc avec une excellente prestation, que je ne suis pas prête d’oublier, que je peux cocher le "SATYRICON à Oslo" de ma liste (je n’ai pas encore fait ROTTING CHRIST à Athènes mais comptez sur moi pour trouver l’occasion !). C’est à regret que l’on quitte la salle et je me dis que le jour où j’arrêterai de passer pour une fan illuminée dans mes reports n’est pas prêt d’arriver !
