4 mai 2025, 14:39

FACE YOURSELF

Interview Yasmine Liverneaux


Les six membres de FACE YOURSELF se sont attelés dès 2022 à débouler sur la scène deathcore américaine avec la force de frappe d’un rouleau compresseur. Après trois EPs assénés dès 2023, ils étaient de retour le 18 avril avec l’EP « Martyr » qui marque leur signature sur le label Sumerian Records. Yasmine Liverneaux Tucker, fière représentante de notre drapeau tricolore et chanteuse sans limite du projet, évoque ce parcours prometteur.
 

On te suis sur les réseaux sociaux, et nous avions déjà échangé aux tous débuts du groupe, on est super contents de voir votre progression. Votre arrivée chez Sumerian Records a influencé quelque chose pour le nouvel EP ?
Yasmine : Oui, tout se passe très vite donc c’est assez fou en fait de vivre tout ça ! Sumerian nous laissent écrire ce qu’on veut, donc ils ne sont pas du tout impliqués dans la façon dont on fait les choses. La différence se situe plus dans le fait qu’ils ont des contacts et une équipe, et s’il y a des choses qu’on a envie de faire, ils peuvent nous mettre directement en relation avec les bonnes personnes pour que ça puisse se faire. Par exemple, ce sont eux qui nous ont mis en contact avec Joey (Sturgis, producteur ayant notamment collaboré avec ASKING ALEXANDRIA, MISS MAY I, THE ACACIA STRAIN... NDLR). C’est lui qui a produit notre EP et il est également en train de produire les nouveaux morceaux que nous sommes déjà en train d’écrire. Quand tu passes du fait d’être indépendant où tu fais tout tout seul en cherchant toi-même tes contacts, ta propre équipe etc, à cet accompagnement, c’est super pratique pour faire les choses de façon un peu plus professionnelle. Pour autant, il y a quand même toujours un contact direct avec les personnes avec qui on travaille. Par exemple, avec Joey on s’est mis en contact, il est actif tous les jours sur nos discussions, parce qu’au final on est tous devenus potes, on s’envoie des memes tous les jours (rires).

Votre groupe avance vite, est-ce que tu penses que le fait que vous soyez tous des musiciens aguerris ou avec des compétences supplémentaires a joué un rôle dans cette efficacité ? Je pense à Eric Di Carlo, votre batteur, qui fait aussi des vidéos...
Je pense que c’est quelque chose qui est commun avec tous les groupes qui fonctionnent. Pour arriver à un niveau où tu peux bosser avec les équipes d’un label par exemple, il faut déjà avoir des “bases” en musique, tout comme pour que tu aies des gens qui suivent ton contenu il faut déjà que tu aies des bases musicales. J’ai commencé la musique quand j’avais 6 ans, j’étais au conservatoire, et tout le monde dans le groupe fait de la musique depuis très jeune. Je pense à Dave notamment, je crois qu’il a un master en musicologie ou un truc comme ça. Notre passion est existante depuis si longtemps que même sans maîtriser le solfège par exemple, tu te renseignes et tu as des connaissances qui vont servir pour le groupe, qu’il soit local ou pour le plaisir ou pour faire carrière. Comme tous les arts, la musique est accessible à tout le monde, débutant ou pas. Je pense aussi qu’Eric travaille dans cette industrie depuis longtemps avec son entreprise et ça a aidé à avoir des contacts au départ. Il y a plein de musiciens très talentueux qui font de la musique depuis très longtemps et qui n’ont pas pour autant les opportunités qu’on a, ce qui est injuste, on est conscients qu’on a eu beaucoup de chance, même si on travaille beaucoup.


Souvent le processus d’écriture commence par l'instrumental et ensuite arrive les paroles, mais pour « Martyr », tu as amené les textes avant que les morceaux ne soient composés, c’est bien ça ?
Oui, ça a été une approche différente pour moi. D’habitude j’aime bien écrire en fonction de ce qu’une instru m’inspire. Mais là, comme j’ai déménagé aux Etats-Unis, (d’ailleurs dans deux jours, ça fera un an que j’habite ici), je pense que les gens ne se rendent pas compte que l’immigration c’est un processus très long et du coup j’ai passé presqu’un an à attendre d’avoir les papiers adéquats pour pouvoir travailler ici légalement. Du coup, mes journées étaient très longues, je m’ennuyais beaucoup et j’ai passé beaucoup de temps seule avec moi-même et ça m’a permis d’écrire des choses assez dépressives, parce que je me sentais assez déprimée pendant cette première année. Quand tu es face à toi-même, face à des traumas ou des douleurs que tu as mis de côté pendant très longtemps, ça inspire pour écrire et du coup j’ai écrit plein de textes à l’avance. Ensuite, je les ai associés avec les instrus quand je trouvais que ça allait bien ensemble. Il y a eu aussi une technique un peu différente dans le sens où j’écris des textes, je les envoie dans la conversation de groupe, et Eric et Dave peuvent aussi trouver les structures en fonction de mes paroles ou de mes idées de placement. Côté instrus, Thomas et Dave ont beaucoup composé, sauf pour “Saboteur” qui a été composé par Eric. Sur les prochains morceaux, il y aura des choses écrites par Corey niveau instrumental, et Kyle a aussi proposé des choses mais elles n’ont pas encore été retenues.

Je comprends mieux pourquoi "Saboteur" a une intensité différente du reste de l’EP, c’est parce que le morceau vient plutôt d’Eric...
Oui, même si Dave est venu l’enrichir d’idées aussi, on reconnaît un style effectivement. Eric avait écrit "Grosse Bagarre", "Death Reflection", "Die For Less" sur les précédents EPs, et il y a un morceau qu’il a écrit qui sera sur le prochain enregistrement. 

Cet EP propose un niveau de production incroyable. J’ai vu des vidéos où Joey explique comment il a travaillé vos sons, vous avez collaboré comment pour ce résultat ?
Déjà il faut savoir que Joey est une légende, il est connu pour être à l’origine d’une ère complète du metalcore à la base, dans les années 2000, c’est quelqu’un qui a beaucoup d’expérience. Au départ, il discutait avec quelqu’un qui travaillait pour notre label et il disait « J’ai envie de bosser avec un groupe de deathcore et de faire un travail de production sur quelque chose de très violent, pour changer et me donner un défi sur quelque chose de différent. » La personne du label l’a mis en contact avec nous et je pense que ça a été une approche différente pour lui dans le sens où il a dû prendre le temps de comprendre ce qu’on faisait, comment on travaillait… On lui envoyait plein de morceaux de groupes qu’on aime bien et lui aussi nous partageait des morceaux pour voir si on aimait les impacts par exemple. Avant de se rencontrer et de bosser ensemble en studio, il y a vraiment eu un travail de recherche en mode « ​ça, c’est le son qu’on aimerait avoir », avec beaucoup de communication des deux côtés. Du coup, pour ce premier EP avec Sumerian, ça a vraiment été un projet super fun. Pour lui, ça a été l’occasion de sortir de sa zone de confort et il s’est vraiment amusé à faire ça. Par exemple, les “bass drops” pour “Saboteur”, ou les impacts complètement débiles, ce sont des choses dont il n’a pas l’habitude même s’il les connaît. Et ça a tellement bien marché que maintenant on continue à bosser ensemble pour la suite !

Génial, il s’est carrément intégré à l’équipe !
Oui et comme nous sommes 6 dans le groupe, l’avantage c’est que nous avons en permanence une grosse bibliothèque de démos et on le laisse choisir dedans, tout en appuyant sur les morceaux sur lesquels on aimerait vraiment travailler. Lui voit ce qui l’inspire, et par exemple "The Poet" c’était un de ses morceaux préférés, avant même que la voix ne soit posée dessus. J’avais les textes et mes idées de placement, mais je n’avais pas fait de démo, donc personne ne savait ce que ça allait donner. C’est cool de lui donner l’option de bosser sur des choses dont on sait que s’il prend plaisir à le faire, ça sera encore mieux musicalement. 

Cet état d’esprit transparaît sur vos réseaux et dans votre musique, c’est à la fois carré et violent, mais aussi fun avec des gimmicks comme le cri de Wilhelm par exemple, c’est une vision commune entre vous ?
Oui, tout à fait ! Le groupe, avant d’être une ambition de travail reste un projet fun basé sur les amitiés. Chaque fois qu’on travaille ensemble, il y a forcément des déjeuners, des dîners, on dort les uns chez les autres quand il faut voyager pour être ensemble. Corey et moi on habite à Denver, on est allés dans le New Jersey il y a quelques semaines. Corey a dormi chez sa mère et j’ai dormi chez Thomas. Pour « Martyr », Kyle est venu ici pour faire les chœurs avec Corey, puis Thomas est venu aussi pour faire les clips. Pour la référence des samples c’est quelque chose qui est propre à la culture deathcore, on retrouve ça dans tellement de morceaux des années 2000. Je pense notamment à JOB FOR A COWBOY avec le cri au tout début du morceau. Même si on fait un son très moderne et que nous écoutons des choses très variées par ailleurs, et bien quand tu fais du deathcore tu restes inspiré par des gens qui ont fait ça bien avant nous et c’est important pour nous de rendre hommage aux pionniers du genre. 

Si j’ai bien compris, les voix ont été enregistrées à Denver c’est ça ?
Pour « Martyr », il y a eu un premier groupe, le "groupe instrumentale", qui a enregistré dans l'Ohio, et ensuite un "groupe voix" qui a enregistré à Denver, dans les studios de Dave Otero, qui est connu pour être un producteur de death metal à la base...

Mais oui, j'ai récemment interviewé FALLUJAH, et ils ont travaillé avec lui pour leur album...
Et bien quand tu vas dans son studio, tu as un couloir avec toutes les pochettes des disques auxquels il a contribué, et en plus FALLUJAH c’est un des groupes préférés de mon mari (Dan Tucker de CROWN MAGNETAR - NDLR), et on a un poster de FALLUJAH juste là ! (rires) Pour « Martyr » donc, on a enregistré avec ces deux groupes, et pour la suite on a tout fait dans le New Jersey, parce que c’était plus simple, mais ça a supposé que j’aie mon visa de travail. Tant que ce n’était pas le cas, ça a limité mes déplacements, et on a dû faire ces deux groupes de travail pour cette raison et tourner toutes les vidéos à Denver. Le clip de "Primal" a été tourné dans le hangar du grand-père du batteur de CROWN MAGNETAR par exemple.

Vous avez sorti des clips pour "Sideration", "Primal" et "Predatory". Si je ne dis pas de bêtise, au début de "Sideration", on voit dans une télé des flashs d’images issues des autres clips, n’est-ce pas ?
Oui c’est le but effectivement. On a voulu faire un clin d'œil, et même si c’est l’équipe d’Eric qui a réalisé les trois clips, on a confié le montage de "Sideration" et "Predatory" à Max Moore. On lui a donné nos idées d’ambiances et on lui a demandé d’inclure un aperçu des futurs clips dans le premier à sortir, à savoir "Sideration".

C’est justement dans "Sideration" que ton visage porte un effet latex fondu, est-ce que tu as mis à profit tes compétences en maquillage pour effets spéciaux ?
Oui, absolument ! C’est quelque chose que je voulais faire depuis longtemps dans nos clips. On ne pouvait pas le faire dans nos anciens clips, faute de moyens pour jouer des rôles secondaires, on se cantonnait surtout à filmer le groupe dans son ensemble et en train de performer. Maintenant qu’on a plus de moyens et de temps aussi, on peut se permettre de le faire. Cette idée de slime est basée sur un photoshoot que j’ai fait il y a très longtemps, au cours duquel j’avais maquillé un de mes amis pour un examen de mon école de maquillage. Et le concept dont est issue cette photo, je l’avais appelé “Martyr” justement et c’est de là que vient l’histoire de l’EP. J’avais travaillé sur le maquillage avec mon ami Florian, qui est danseur et drag queen. J’aime beaucoup travailler avec des gens qui s’exonèrent des normes de genres, parce qu’ils sont très ouverts d’esprit quand il s’agit de faire des choses artistiques. Le fait d’être danseur et drag queen lui rendait très facile le fait d’exprimer des émotions avec son corps, et du coup je m’étais dit que ça serait le modèle parfait pour la photo. Le concept du maquillage c’était du slime qui coulait depuis la tête pour représenter les problèmes de santé mentale et comment ça t’impacte tout le corps. Cela permet de montrer comment une douleur mentale se fait ressentir physiquement. C’est ce concept derrière « Martyr » et c’est également ce que j’ai pris comme référence pour l’artwork quand j’ai fait appel à l’artiste Morta Sustain.

C’est très profond comme sujet, les gens peuvent totalement se retrouver là dedans...
Oui, le but quand tu fais des choses artistiques qui ont du sens, c’est aussi pour que les gens puissent s’identifier à travers ça. C’est quelque chose que j’ai voulu éviter pendant longtemps, je ne voulais pas mettre trop de ma personne dans ce que je faisais, parce que quand tu commences à être un “personnage public”, même si on est encore un petit groupe pour le moment, c’est quand même déjà une certaine vulnérabilité et il faut être préparé à ce que les gens te crachent dessus. Donc j’ai évité ça pendant très longtemps, mais le fait d’avoir déménagé ici a été une très grosse transition et je suis passée par des moments très difficiles qui m’ont rappelé des choses que j’ai vécues quand j’étais plus jeune et que j’avais mis de côté. J’ai été hospitalisée pour dépression quand j’avais 15 ans, je suis restée 7 semaines dans un hôpital, et du coup beaucoup de choses que j’ai mis dans cet EP sont des éléments que j’avais oublié. Les psys te disent que quand tu vis des choses traumatisantes tu peux avoir comme une amnésie. Et comme je commence à aller bien, à être heureuse dans ma vie, que j’ai un super mariage et que ça se passe bien pour le groupe, je pense que toutes ces choses très heureuses ont déclenché beaucoup de cauchemars et je me suis rappelée de ces choses que j’avais mis de côté et qui remontent à la surface. Je suis contente que ça puisse résonner avec d’autres personnes.

Au rayon des bonnes nouvelles, vous avez annoncé une tournée américaine pour cet été avec CRYSTAL LAKE, VCTMS et NOT ENOUGH SPACE, j’imagine que vous êtes ravis ?
Oui, ça fait des mois que ça s’est organisé et ça a été super dur de garder ça secret tellement on avait hâte que ce soit partagé ! Je suis très contente qu’on fasse cette première tournée. C’est Meredith, la batteuse de VCTMS, que je connais bien, qui nous a réclamés sur la tournée. Je l’adore, je la vois très souvent, son groupe a tourné plusieurs fois avec CROWN MAGNETAR et c’est quelqu’un de vraiment super. Nous sommes très reconnaissants d’avoir été réclamés par Meredith, mais également de pouvoir faire une tournée avec le line-up complet parce que Kyle sera là aussi et en plus ça commence par une petite tournée de 14 concerts avec des gens super et des groupes qu’on connaît bien, ce qui est très bien pour débuter pour moi. Forcément, ça va être un challenge sur la voix, il va falloir que je reste en très bonne santé pour ça, donc j’essaie de me préparer déjà psychologiquement et physiquement. Ce n’est pas la seule tournée qu’on va faire cette année, mais je ne peux rien dire de plus pour l’instant, si ce n’est qu’il y en aura une autre pour 2025 et qu’elle sera plus longue ! 

En résumé, pour 2025 vous avez l’EP « Martyr »​ qui vient de sortir, une première tournée annoncée, une autre plus longue à venir, et enfin des sons inédits dans les tuyaux. Je vous souhaite de continuer sur votre belle lancée !!
Exactement, on a même déjà un clip de prêt donc merci beaucoup !!

Blogger : Carole Cerdan
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