
Partant du principe que rien n’est immuable dans la vie, que tout change et se transforme, NOVELISTS a opéré une nouvelle mue. Après les départs successifs de leur premier vocaliste, Matteo Gelsomino, en 2020 puis celui de Tobias Rische (ex-ALAZKA) en avril 2023, c’est un nouveau visage qui représente le groupe : celui de Camille Contreras, un petit bout de femme (affectueusement surnommée « Petit Pois » il y a quelques années), aussi charismatique que talentueuse, qui prouve une nouvelle fois que les femmes méritent une place plus importante dans le milieu du metal. Elle n’est pas inconnue de nos services, puisque nous avons déjà pu découvrir sa superbe voix sur les morceaux "Alive" de LANDMVRKS (2018) ainsi que sur "C’est La Vie" de NOVELISTS (2019), justement.
Rarement tel changement de vocaliste aura autant ressemblé à une renaissance ! En effet, si nous avions émis un avis en demi-teinte sur leur précédent album, « Déjà Vu », qui, quoique pas mauvais, nous avait laissé un peu sur notre faim, nous retrouvons sur « CODA », et pour notre plus grand plaisir, le vrai son de NOVELISTS : ce mélange si particulier de djent polyrythmique, de metal progressif, d’électro et de pop, qu’il serait bien trop réducteur de décrire seulement comme du metalcore. La particularité de ce groupe a toujours été de proposer des mélodies aériennes sur fond de technique ébouriffante, des samples savamment dosés qui donnent de la texture et de la matière et des soli de guitare à tomber, entre grâce et dextérité, au style reconnaissable entre mille. En effet, le quintet parisiano-marseillais (ou marseillo-parisien, suivant de quel côté du soleil vous vous placez) n’a pas son pareil pour ouvrir les horizons et véhiculer une belle dose d’émotions. La voix de Camille charrie autant de passion que de rage ("Adam And Eve", "Coda", "Maldición De La Bruja") ou de mélancolie ("In Heaven", "K.O.", "78 rue…", "All For Nothing", "Say My Name") avec ce petit supplément d’âme qui la rend si particulière, attachante et irrésistible. Que ce soit en anglais, comme sur la majorité des titres, ou bien en espagnol comme le surprenant et néanmoins très bon "Maldición De La Bruja", ou encore en français sur "K.O.", la jeune femme réussit sans peine à nous faire vibrer. Issue de la scène punk hardcore et totalement autodidacte, n’allez pas croire que la demoiselle n’est pas capable de vous balancer une belle mandale auditive dans les esgourdes ("CRC", "Adam And Eve", "All For Nothing", …) lorsque cela s’avère nécessaire. Cela ne manquera pas de rappeler aux plus vintage d’entre vous une vieille publicité à propos d’un certain mini bonbon aux fruits (« T’sais c’qui t’dis, l’cassis ! »). Petit mais costaud, le Petit Pois ! Sa versatilité vocale, son dynamisme et son rayonnement contagieux sont hallucinants.
Mais si Camille est mise en avant, il ne faut toutefois pas oublier ses comparses qui excellent dans l’art de nous transporter dans des stratosphères inatteignables au commun des mortels. La paire de guitaristes que sont Florestan Durand et Pierre Danel (KADINJA) délivrent des soli exceptionnels avec un toucher aussi véloce que délicat, souvent jazzy/bluesy et des arpèges aériens qui contrebalancent les riffs plombés. Côté rythmique, Amaël Durand (batterie) et Nicolas Delestrade (basse, également au chant sur "Adam And Eve") se chargent des cavalcades syncopées ("Coda", "All For Nothing", "CRC") et des structures rythmiques alambiquées, mais toujours musicalement compréhensibles. En somme, ils rendent l’ensemble facile à digérer, malgré la complexité de la musique. Ou comment proposer des morceaux qui ont l’air simples, mais qui en réalité ne le sont pas du tout. Le talent de ces quatre garçons est précisément d’offrir un socle farfouillé mais extrêmement solide à la voix de Camille, qui se charge d’apporter la touche mélodique indispensable à l’assimilation des morceaux par l’auditeur. On est balloté entre l’envie de sauter comme un lapin et danser à en perdre haleine ou se poser sur un bout de tapis et laisser les larmes couler tant l’émotion nous submerge ("In Heaven", "K.O.", "78 rue…")
Les thèmes abordés sur cet album sont intimement liés aux bouleversements que l’on rencontre dans la vie, et notamment, ce changement majeur pour le groupe. En musique, une coda est le passage final d’un mouvement ou d’une pièce. Titre parfaitement choisi pour décrire la fin d’un cycle et le commencement d’un nouveau. On y entend aussi le deuil, la séparation, la dualité homme/femme et les incompréhensions qui vont avec, les questionnements psychologiques et philosophiques de l’âme humaine. On y entend la vie, en somme, avec tout ce qu’elle a de réjouissant, mais aussi de brutal et de douloureux. Les paroles, co-écrites par Camille Contreras et Nicolas Delestrade, méritent que l’on s’y attarde pour approfondir l’immersion dans l’album. La mise en son est réalisée par Pierre Danel himself, car une fois encore, on sait bien que l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, et il s’avère qu’il a fait un formidable travail tant le mix permet de profiter de chaque détail. Le son est puissant et moderne mais ni les voix, ni les instruments ne sont noyés dans la masse.
« CODA » est définitivement l’album de la résurrection pour NOVELISTS. Un album mature et profond, qui prend des risques, se fait fi des barrières et développe un son unique et vraiment différent de tous les groupes étiquetés metalcore, tous plus génériques les uns que les autres, qui pullulent sur le marché. Le groupe se démarque clairement, droit et fier, assumant ses choix et les portant à bout de bras. Ainsi désormais, Camille Contreras ne sera plus la « Princesse au petit pois » mais bien la Reine Camille, qui a réussi à briser les réticences des plus sceptiques, avec sa voix de velours. Et si d’autres ont foutu le camp, bon débarras ! On ne vous retient pas.