28 mai 2025, 18:08

…AND OCEANS

Interview Timo Kontio, Mathias "Vreth" Lillmåns et Pyry Hanski


Le nouvel album d’…AND OCEANS vient de paraître ce 23 mai et avec lui, c'est un nouveau pas en avant qui est franchi par le groupe. « The Regeneration Itinerary » renoue avec la période avant-garde d’«A.M.G.O.D», tout en conservant le black metal atmosphérique et mélodique qui était la marque des deux derniers albums. Trois représentants du groupe nous livrent les secrets de ce nouvel episode, épique, théâtral et franchement attrayant.


Ce nouvel album d’AND OCEANS est plein de défis. Il est très radical en de nombreux points : les rythmes sont extrêmes, les parties electro sont très présentes, les guitares sont rapides et, Mathias, ta voix est poussée au maximum. C'était intentionnel dès le départ que cet album aille au-delà de ce à quoi vous nous avez habitués ?
Timo Kontio : Sur le plan musical, on voulait vraiment faire quelque chose de différent des précédents albums. Si on parle des riffs, je voulais qu’ils sortent de notre cadre habituel bien que les mélodies demeurent du …AND OCEANS. Cependant, Antti (Simonen) a interprété les parties aux claviers très différemment d’auparavant, avec un son techno. Cela change donc fondamentalement certains morceaux.
Mathias Lillmåns : Pour avoir discuté avec lui de cette nouvelle approche aux claviers, il m’a confié vouloir sortir du schéma classique, de la case metal mélodique. Il voulait que les choses soient plus étranges, en évitant les sons de cordes habituels. Il fallait, à son sens, un son plus électronique, plus indus aussi. Avec cette nouvelle donne, mes parties vocales ne fonctionnaient plus : j’ai dû les repenser car en studio, elles n’étaient pas en place. Elles ne me semblaient pas assez extrêmes pour les riffs. Sur « As In Gardens, So In ombs », les riffs étaient des mélodies plates, donc mes vocaux étaient adaptés. C’était d’ailleurs très mélodique dans l’ensemble. Sur « The Regeneration Itinerary », la musique est tellement extrême, que mes parties vocales devaient emboîter la dynamique globale. C’est une espèce de réaction en chaîne finalement, entre les riffs, les claviers et le chant.

Cela vous a donc demandé une approche du travail différente. Pensez-vous que ce sera une façon différente de travailler sur scène également ? Voire de devoir travailler plus ?
M.L. : Eh bien, au moins, notre batteur aura plus de travail !
T.K. : Pas vraiment plus de travail, en fait, car même en temps normal, on ne répète qu’une ou deux fois par an, pour les concerts. Bien sûr, on répète à la maison, mais en groupe, on ne se voit pas si souvent. Ces nouvelles chansons, nous allons avoir besoin de nous les approprier bien davantage avant de les présenter sur scène.

« The Regeneration Itinerary » est, de fait, un album très expérimental, très black metal avant-garde. Il y a des morceaux particulièrement fédérateurs, tels que "Prophetical Mercury Implement", mais d'autres très perturbants aussi, comme le premier "Inertiae". Après trente ans de carrière, on a l’impression que vous ne vous contentez pas de vivre sur vos acquis et que ce qui vous intéresse, c’est interpeller votre public, non ?
T.K. : Oui, bien sûr ! Il est bien plus intéressant de conquérir de nouveaux territoires. Pour ma part, je n’étais pas trop sûr de la façon dont ces nouveaux titres allaient fonctionner. Mais en écoutant le résultat final, je les trouve géniaux. Alors, pourquoi ne pas continuer à expérimenter dans ce sens ?
M.L. : Cet album est un peu comme un grand huit. C’est un album très solide. Il va tout au fond d’endroits très sombres, mais aussi au sommet d'instants très lumineux. C’est un album particulièrement varié. Le grand huit parfois s'accélère, parfois ralentit. Parfois, c’est effrayant, des fois plus relaxant. Finalement, c’est un album très complexe et qui fonctionne.
Pyry Hanski : En fait, on procède vraiment différemment d’un album à l’autre. Si on considère « The Symmetry Of I » ou « A.M.G.O.D » qui sont sortis il y a un moment, ils étaient déjà des albums très différents. Donc, en un sens, ce n’est pas une surprise que l’on sorte un album radicalement différent du précédent. Cela fait partie de l’identité d’…AND OCEANS. Je suis surtout très content que l’on parvienne à avoir toujours autant de succès.

Oui, il faut sans cesse innover pour voyager à travers le temps et l’espace ! C’est intéressant, car pour l’auditeur, c’est une réelle expérience aussi. Cela vient chahuter nos repères…
M.L. : Oui, tout converge dans ce but. Même les paroles sont censées te faire voyager et t'emmener dans différents espaces. Comme je l’ai dit auparavant, il y a une grosse amplitude de hauts et de bas. Tu as l’impression d’être en voyage quand tu écoutes l’album en entier. Et de la même façon, quand tu regardes la pochette de l’album, tu as l’impression de découvrir une odyssée.

Elle est magnifique, cette pochette, et en effet très symbolique. Elle ressemble d’ailleurs à celle de « As In Gardens, So In Tombs », en plus cosmique peut-être ? Avec ce côté à la fois très old-school et moderne.
M.L.
 : C’est le même artiste qui a réalisé les pochettes des trois derniers albums, Adrien Bousson… un Français, d’ailleurs. Donc, oui, les visuels se ressemblent et se recoupent d'une certaine manière.
P.H. : On a l’impression qu’Adrien est en fait le septième membre du groupe, car il comprend tout à fait ce que l’on veut. Mathias lui envoie les paroles et il commence tout de suite à faire des croquis sur cette base. Et puis, il connaît bien la musique du groupe, donc on peut vraiment lui faire confiance.
M.L. : Absolument. Il y a un an et demi, je lui ai envoyé un tiers des paroles environ et il commencé à travailler sur la pochette. Puis, je lui ai envoyé le reste et il a incorporé des éléments au fur et à mesure. C’est formidable, car quand tu lis les paroles et que tu sais de quoi elles traitent, tu les vois représentées à travers les dessins d’Adrien. Les novices pourront peut-être trouver que les dessins sont un peu obscurs mais, pour moi, ils ont vraiment un sens.

Il a donc la primeur d’écouter la musique à un stade très précoce de la réalisation…
M.L.
 : Oui, on lui a envoyé quelques démos, avec des chansons presque finies. Quand il a commencé à travailler, il devait avoir quelque chose comme quatre chansons à sa disposition et six textes, donc suffisamment de matériel pour comprendre le concept général de l’album.

Parlons justement du premier titre de l’album que vous évoquiez, "Inertiae", premier single extrait d’ailleurs. Pourquoi avoir choisi ce morceau en particulier pour présenter « The Regeneration Itinerary » ? Ce n’est pas ce qu'on appelle une solution de facilité !
T.K. : Oui, on voulait provoquer des réactions ! Dès que nous avons fini les premières démos, je savais que ce titre serait le premier extrait. En tous cas, c’était ce que je voulais et les autres étaient d’accord. A mon avis, c’est une des meilleures chansons de l’album, donc il était évident pour moi qu’elle devait être la première.
M.L. : Et puis, elle représente très bien ce que tu vas trouver ensuite sur l’album, car elle contient du black metal et des parties expérimentales. C’est une bonne introduction, comme une bande annonce pour l’album. Elle ressemble un peu à une conversation, que l’on veut provoquer aussi avec cette chanson.

Elle est très représentative d’AND OCEANS, mais aussi de votre évolution…
T.K. : Oui, bien qu’elle marque un retour vers la période « A.M.G.O.D ». Un mélange de nouveau et d'ancien.

Y-a-t-il un thème commun à toutes les chansons, une espèce de fil rouge tout au long de l’album ? Et peut-on finalement parler de concept album ?
M.L. : Aucun doute là-dessus, c’est vraiment un concept album ! J’ai toujours fait des concept albums. C’est une espèce de réflexion sur soi, d’introspection que tout le monde peut s’appliquer. J’aimerais que chacun apprenne quelque chose en cours d’écoute. Les hauts et les bas que j'évoquais se retrouvent dans les paroles également. Le personnage principal traverse des épreuves vraiment compliquées, mais aussi de bons moments. C’est un album de catharsis personnelle, avec un équilibre entre l’obscurité et la lumière, le bien et le mal, si je puis dire. Et une leçon aussi pour dire que tout n’est pas blanc ou noir, et qu'il y a énormément de nuances. Certaines choses paraissent formidable et finissent par se révéler très négatives… et inversement.

On retrouve ce thème dans le fait qu’il y a des parties particulièrement chaotiques, suivies de passages très mélodiques dans l’album.
M.L.
 : Oui, les paroles sont raccord avec la musique, car je les ai écrites après avoir reçu les démos. Cela m’a pris beaucoup de temps, mais en fin de compte, je suis très satisfait du résultat.

« The Regeneration Itinerary » est très théâtral aussi. Il pourrait carrément être présenté sous forme de pièce. C’est un peu comme si vous étiez en train de doner une représentation plutôt que jouer de la musique. Partagez-vous cette impression, celle de vous engager dans quelque chose de plus profond qu’une simple performance musicale ?
M.L.
 : Oui, un peu à la manière d'une tragédie grecque !
P.H. : Personnellement, quand je joue sur scène, je perds toute notion de temps et d’espace, surtout avec …AND OCEANS car comme tu le dis, c’est très varié. C’est une vraie performance scénique.
T.K.:  La musique, pour moi aussi, transmet de nombreuses émotions, de la mélancolie, de l’agressivité. C’est essentiel.

Est-ce que vous avez besoin de vous trouver dans un certain état d’esprit lorsque vous écrivez des chansons ou surgissent-elles naturellement devant vous ?
T.K. : Pour moi, c’est un processus assez naturel : je commence à jouer et ce qui doit sortir… sort ! Parfois, rien de bien n’arrive, même après des heures et d’un coup, en cinq minutes, tu es submergé de riffs ! Cela dépend, mais pas de l’humeur. Quand on est revenu sur le devant de la scène il y a quelques années, j’ai eu peur de ne plus savoir composer, mais a priori ce que j’écris pour …AND OCEANS plaît… alors je continue !
M.L. : Pour ma part, ce n’est pas si simple. Je lutte toujours pour avoir de l’inspiration et écrire. « As In Gardens, So In Tombs » a été un album très compliqué à écrire pour moi. C’était pendant le COVID, j’étais à la maison ou en forêt avec mes chiens, je ne faisais rien d’autre. C’était difficile de trouver de l’inspiration. La nature et la spiritualité ont aidé. Mais pour cet album, j’étais en tournée très active avec deux groupes, donc je dormais très peu et j’étais vraiment épuisé quand je l’ai écrit. J’étais stressé, mais au pire je me sens, au mieux j’écris. Pour le premier single, je me suis réveillé en plein milieu de la nuit, à quatre heures du matin. Je ne pouvais plus me rendormir et les paroles me sont venues en quinze minutes. Ce fut le cas pour plusieurs des morceaux de ce nouvel album.

Est-ce que ça veut dire que « As In Gardens, So in Tombs » est plus introspectif que « The Regeneration Itinerary » ?
M.L.
 : Oui, peut-être plus introspectif, mais plus observateur du comportement humain aussi. Je ne fais pas que me juger moi-même, je juge les autres aussi !

Comment ? Mais les autres sont parfaits, en particulier votre public ! Et le public français n’en parlons pas ! D’ailleurs en parlant de public, plus sérieusement, avez-vous prévu quelques dates pour promouvoir l’album ?
M.L.
 : Oui, quelques festivals pour l'heure, on se rend en Allemagne plusieurs fois. Nous avons une tournée en Finlande.
P.H. : J’aimerais jouer à Montpellier, car j’ai de la famille là-bas.
M.L. : On aime bien venir en France. Bien sûr, la Finlande est notre pays d’attache, mais avec le label Season of Mist, nous avons une relation particulière avec votre pays. Dès les années 90, le groupe a connu du succès en France, donc on a très envie d’y jouer davantage. Nous nous sommes produits plusieurs fois en dehors de Paris, il y a deux ans, mais on veut revenir très vite !

Et vous savez déjà de quoi seront faits vos concerts ?
P.H. : On ne sait pas trop encore, mais nous avons envie de progresser visuellement, car le nouvel album s’y prête bien. Si tu ne prends que le premier single comme exemple, il y a plein de choses à imaginer avec des lumières. Nous n'y avons pas encore trop réfléchi, mais nous allons essayer d’arriver avec une approche nouvelle et étonnante.
 

Blogger : Aude Paquot
Au sujet de l'auteur
Aude Paquot
Aude Paquot est une fervente adepte du metal depuis le début des années 90, lorsqu'elle était encore... très jeune. Tout a commencé avec BON JOVI, SKID ROW, PEARL JAM ou encore DEF LEPPARD, groupes largement plébiscités par ses amis de l'époque. La découverte s'est rapidement faite passion et ses goûts se sont diversifiés grâce à la presse écrite et déjà HARD FORCE, magazine auquel elle s'abonne afin de ne manquer aucune nouvelle fraîche. SLAYER, METALLICA, GUNS 'N' ROSES, SEPULTURA deviendront alors sa bande son quotidienne, à demeure dans le walkman et imprimés sur le sac d'école. Les concerts s'enchaînent puis les festivals, ses goûts évoluent et c'est sur le metal plus extrême, que se porte son dévolu vers les années 2000 pendant lesquelles elle décide de publier son propre fanzine devenu ensuite The Summoning Webzine. Intégrée à l'équipe d'HARD FORCE en 2017, elle continue donc de soutenir avec plaisir, force et fierté la scène metal en tout genre.
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