13 septembre 2025, 10:09

MUGSHOT

Interview Connor Haines


Signé il y a deux ans sur le label Pure Noise Records, le groupe de metalcore de San Jose (Californie) MUGSHOT a saupoudré son parcours de deux EPs (« Empty Heaven » en 2021, « Cold Will » en 2023), mais son précédent véritable album, "Dull Boy", remonte déjà à 2016… et il était temps qu'il en paraisse un nouveau ! C'est à son retour du festival Welcome to Rockville et avant une tournée avec ORTHODOX que nous avons donc abordé la sortie de « All The Devils Are Here » avec MUGSHOT, représenté par son batteur Connor Haines.​
 

En parcourant votre discographie, j’ai perçu une évolution entre les débuts plutôt punk hardcore et maintenant, où vous semblez avoir trouvé votre son, peut-être plus lourd. Est-ce que tu penses que cela provient des différentes influences du line-up actuel ?
Connor : Oui ! Jusqu’à présent, notre musique résultait exclusivement de l’écriture de notre guitariste (Michael Demko, ndlr), et personnellement, je m'occupais de tout ce qui était en lien avec la production, le mixage etc… Et puis, nous n’avions pas vraiment de bassiste attitré jusqu’à fin 2023, début 2024. Maintenant que nous avons un bassiste à temps plein avec nous (Ciro Abraham, NdlR), c’est un tout autre processus et nous nous occupons tous les trois de créer nos instrumentales, alors que notre chanteur (Ringo Waterman) se concentre sur les paroles. C’est le premier album sur lequel il a tout écrit à 100%. Il n’y avait rien de prêt en amont, là où notre précédent EP avait un morceau ou deux avec des paroles déjà faites avant qu’il ne nous rejoigne. C’est génial de voir ce que ce line-up a su créer, et je pense que c’est clairement le meilleur qu’on ait eu. Chacun joue désormais un rôle dans le processus créatif.

Votre son est très riche, avec des influences plus death, par exemple, au niveau de la voix ou des textes. La complémentarité basse/batterie saute à l’oreille, la production est top aussi. Tout cela est une démarche consciente ?
Merci ! En fait c’était particulièrement intéressant pour moi de ne m’occuper “que” de jouer de mon instrument, sans me soucier d’enregistrer les autres ou de produire et mixer ensuite. J’ai pu totalement prendre ma part. Et Randy Leboeuf est ensuite venu produire, puis Will Putney s’est occupé du mix, et cela rajoute des points de vue, pour un résultat qui à mes yeux est vraiment unique.


Randy a travaillé avec THE ACACIA STRAIN ou GIDEON, et est-il nécessaire de présenter Will Putney (guitariste fondateur de FIT FOR AN AUTOPSY, producteur pour KNOCKED LOOSE, THE AMITY AFFLICTION…) ?
Ont-il été d’une grande influence sur cet album ?

Carrément ! Nous sommes arrivés en session d’enregistrement avec énormément de sons : je crois que nous avions huit morceaux complets et quelque chose comme vingt ébauches, donc c’était génial d’avoir un regard extérieur pour sélectionner des idées et nous aider à les assembler. L’album sonne comme “nous”, mais ils ont vraiment tout mis en oeuvre pour en arriver à ce résultat. Et puis, comme je le disais, j’ai pu totalement me décharger de l’aspect production et me concentrer à jouer du mieux que je pouvais.

Ringo fait la majeure partie des voix, plutôt dans les graves, mais Michael vient compléter de screams plutôt aigus. C’est totalement complémentaire… et original aussi !
Oui, nous avons toujours eu cette idée dans l’histoire du groupe. On a toujours trouvé ça cool, et même si Randy a poussé cette idée plus loin, nous avons toujours eu tendance à ne pas garder le même ton, ni le même registre, sur la totalité d’un morceau. J’aime accentuer certaines parties, créer cette idée de mouvement, pour éviter toute stagnation. Et il y a même des parties de l’album où tous les quatre, nous faisons des superpositions de voix. Je pense que cela fait vraiment ressortir une phrase importante, par exemple.

Sur le plan thématique, peut-on dire que l’album évoque essentiellement les interactions entre les gens, parfois les conflits et aussi les difficultés...
Oui, notre musique a toujours évoqué pas mal de choses. « Empty Heaven », que les gens considèrent souvent comme notre premier disque, contient pas mal de contenu politique et d’autres sujets graves comme la mort ou le suicide, mais je dirais que c’était peut-être moins personnel, d’une certaine manière. A l’inverse, notre nouvel album est certainement le plus personnel, mais tout en partant de notre vécu, beaucoup de gens pourront s’y reconnaître.

Globalement vos morceaux sont courts, mais intenses. Peux-tu me parler des deux titres d’ouverture, “Die in Fear” et “Afore a Waking Nightmare”, qui font à peine plus de trois minutes en les enchaînant, et que vous avez choisi d’assembler en un seul clip ?
C’est marrant parce qu’en fait, les deux morceaux contiennent un riff identique mais joué à deux tempos très différents. Du coup, tu ne sauras pas dire que c’est un seul et même riff, à part si tu as appris à les jouer, parce que le contexte autour n’est pas du tout le même. Au départ, nous avons écrit “Afore a Waking Nightmare" en premier, et ensuite nous avons cherché à lui donner une intro, ce qui marchait très bien. Ce devait même être un seul titre jusqu’au moment d'assembler l’album, mais en écoutant, nous nous sommes dit qu’entre le changement de tempo qui s'accélère et le riff qui paraissait différent, ce serait cohérent d’en faire deux chansons distinctes, parce qu’elles paraissaient moins connectées. Ce devait être un seul morceau, mais après tout il n’y a pas de règle établie, et puis si tu préfères l’une des deux ambiances, tu peux directement l’écouter sans t’imposer l’autre ! (rires)

Le clip est formidable également justement pour ce côté en “deux parties”, et le cadre semble unique. C’est quoi ? Une mine désaffectée ?
Nous l'avons tourné dans un silo pour missiles nucléaires construit pendant la Guerre Froide ! Nous étions cinquante pieds sous terre (un peu plus de 15 m, NdlR), il faisait super froid ! (rires) Je vis dans le Colorado, à Denver, et je connais un gars qui y a accès. C’est le tout premier silo qui ait été construit aux Etats-Unis, mais il a été abandonné avant la fin de la Guerre Froide, parce qu’il était trop profond et ça prenait trop de temps d’en remonter les missiles… si besoin. J’ai contacté ce gars, je lui ai dit que cet endroit serait génial pour y tourner un clip, et il se trouve qu’il avait été dans un groupe de hardcore auparavant. Il est documentaliste maintenant, et c’est un gars super sympa. Il a trouvé l’idée très cool. C’est Nick Chance qui a réalisé le clip : il est photographe et a beaucoup travaillé avec LORNA SHORE, et on a tourné ensemble. Pour le clip, il a imaginé cette première partie avec un seul plan en continu, une vision effrayante et massive, et cet endroit collait totalement à ça. Nous sommes descendus dans le silo, mon contact nous a fait une sorte de visite guidée sur l’histoire du lieu, on a vu le long tunnel et les sortes de chambres autour, et on s’est dit qu’on pouvait vraiment tout faire ! Nous avons respecté cette idée de deux parties pour les deux morceaux dans le clip. On a donc le plan en continu pour le premier, et sitôt qu’on passe sur le deuxième, ça coupe et on part sur un clip un peu plus conventionnel, mais dans un lieu qui rend tout énorme. On a vraiment tiré profit au maximum de ce lieu extraordinaire. On a même fait un “behind the scenes” de ce tournage, parce que c’était vraiment cool. 


“Vale of Tears” est probablement mon morceau préféré de l’album. Peux-tu m’en parler ?
Je suis super content que tu l’aies choisi. C’est le premier extrait de l’album et ce morceau est arrivé parce que nous nous sommes dit : “il nous faut un morceau pour le jouer en live et commencer à donner des indices sur l’album”. Je pense qu’on aime tous beaucoup l’album, et le fait que quelqu’un d’autre l’ait produit nous permet ce recul et d’assumer cette fierté sans être en mode présomptueux du genre “oh regarde ce truc super que j’ai fait”. Nous avons commencé à tourner sur une affiche un peu moins heavy que ce que nous faisons habituellement, et pourtant ce morceau a été super bien accueilli. On a trouvé que c’était bon signe. Depuis, nous l’avons joué à chaque concert et à chaque fois, on voit bien que le public l’apprécie, à tel point que les gens en ont appris très vite les paroles ! Je pense qu’on a bien fait de le sortir comme premier single.

“Next to Your Idols” est aussi un single représentatif, dans le sens où, même s’il est plus lourd et plus lent,  il met en avant votre groove avec la charnière basse/batterie, par exemple…
Ouais, c’est justement un morceau composé par notre bassiste sur une démo. Une fois en studio, nous avons unanimement douté du fait de la mettre sur l’album, parce qu’elle ne sonne pas totalement comme du MUGSHOT, pour le début notamment. Randy l’a écoutée et il a dit “c’est génial”; et quand on lui a demandé si c'était judicieux de la garder, il a été catégorique. On la joue comme ultime morceau de notre set chaque soir, et maintenant on se dit : “Ah, c’est le meilleur morceau qu’on ait écrit” (rires).

Cela fait partie de votre aprroche dans l'écriture d’envisager comment le morceau va sonner en live ?
Toujours ! Nous nous disons : “ok, si je suis un jeune de 18 ans dans le moshpit, qu’est-ce que je fais sur ce passage du morceau ? Est-ce que je reste là, perplexe ? Est-ce que je m’ennuie ?” Nous sommes définitivement un groupe voué au live. Notre musique est faite pour être vécue en concert et nous voulons que les gens s’éclatent. Nous avons des parties pour du two step, d’autres pour se taper dessus… (rires)


Je me suis rendu compte, en parcourant votre discographie puis en écoutant l’album, que certains mots ou certaines expressions se retrouvent d’un disque à l’autre. Est-ce que vous vous amusez à mettre des références exprès pour vos fans ?
Oui, nous aimons mettre des indices comme ça. Tu ne peux pas savoir si tu ne nous connais pas personnellement, mais les morceaux “Left In a Wake” et “Death Has a Shadow” sont en fait les deux parties d’un même récit, liées par les paroles. Nous aimons faire ce genre de choses, nous trouvons ça cool. Les titres des morceaux “Die in Fear” et “Afore a Waking Nightmare” sont en fait des citations inspirées d’un jeu vidéo, je crois que c’est "Baldur’s Gate", mais je ne suis pas le geek du groupe (rires). Cela pourrait être un des dialogues qui pourraient se trouver dans ce jeu. “Flesh Of My Body” fait aussi référence à un jeu vidéo. Nous aimons ces trucs bizarres. Le morceau “Death Has a Shadow” tient son titre du premier épisode de la série “Les Griffin”. Même si ça n’a rien à voir avec la signification du morceau pour autant, on s’est juste dit que ça serait drôle que quelqu’un comprenne le clin d'œil. Tu sais SLEEP TOKEN est la sensation du moment, et ce groupe a toute une légende autour d’eux, avec des jeux de piste… Nous ne sommes pas ce genre de groupe, on ne va pas si loin en terme de concept, mais je pense qu’on aime ce qui est ludique, et en même temps, on se dit que si des gens parlent de nous à d’autres parce qu’ils ont remarqué des détails assez fous, c’est à la fois cool pour nous et du bon marketing (rires).

La pochette de l’album est incroyable. Qui a fait cet artwork ?
Son nom d’artiste c’est Rotting Reign, et nous voulions utiliser des thèmes similaires à la direction artistique des deux précédentes sorties, à savoir la vie et la mort, ainsi que des fleurs qui reviennent à chaque fois (des roses et des myosotis). Nous voulions aussi un lien avec l’iconographie religieuse. Le verso de la pochette est la continuité du recto, puisqu’il y a un ange devant et un démon derrière.

Nous parlions du live : peut-on espérer vous voir jouer en Europe ?
On essaye de prévoir cela pour début 2026, mais c’est un gros pari financier. En même temps, nous sommes déjà venus une fois avec THE AMITY AFFLICTION, et c’était probablement l’une des meilleures tournées que nous ayons faites. Beaucoup de gens ont voulu nous mettre en garde en disant que nous étions un groupe américain peu connu en Europe, que nous aurions peu de public, pas forcément un gros engouement, et qu’on ne vendrait pas de merch… Au final ça a été tout le contraire ! Le public a eu l’air d’apprécier notre musique, les gens ont été super sympa, hyper engagés dans le moshpit, et nous avons vendu tout notre merch, donc il faut vraiment qu’on revienne !

Blogger : Carole Cerdan
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