Cette année, le BETIZFEST s’est étalé sur trois jours avec, dès le jeudi soir, un concert gratuit et en plein air. BURNING HEADS tenait la tête d’affiche de ces trois coups auxquels, malheureusement, nous n’avons pu assister. Nous avons donc éviter le déluge qui s’est abattu sur Cambrai ce soir là...
Le lendemain, dès l’ouverture des portes, nous pénétrons dans le Palais des Grottes, notre demeure pour les 48 heures à venir, ou presque La salle s’ouvre sur un espace extérieur où se trouvent les food-trucks... et une petite scène. A notre arrivée un "Pretty Vacant" en mode acoustique sort de la guitare de Douglas Hinton. Entre des compositions personnelles folk-rock plaisantes, il offre aussi un "My Generation".

A l’intérieur, CALCINE lance dès 18h10 une soirée consacrée en grande partie au hardcore. Les Parisiens, portée par l’énergie de EM, chanteuse enragée qui arbore un bien joli t-shirt à la gloire de FANGE, offre vingt minutes intenses de HC, teinté de metal ("Target" ou "23:11"), à la sauce new-yorkaise. Mosh parts à foison, relents indus, petite pause mélodique et voilà vingt minutes brûlantes brutalement assénées. Ne vous arrêtez pas à l’horrible pochette de « Common Love, Common Nausea » et posez donc une oreille sur ce premier album...

Alors que la fosse était loin d’être comble pour le lancement des festivités, elle se remplit peu à peu aux environs de 19 heures quand apparaît, tout en écriture maidenesque, le backdrop de L’OPIUM DU PEUPLE. Tu rêves de pogoter sur du Edith Piaf ? Tu meurs d’envie d’un wall-of-death sur du Georges Brassens ? Prends donc un ticket pour voir cet orchestre qui relit en mode metal ou punk de grands classiques de la chanson française. Les musiciens se permettent toutes les facéties sur scène : Joey Délices, habile à la cornemuse sur "Le Lion est Mort ce Soir", oscille entre lascivité et burlesque, Machine, avant son solo de batterie à trois caisses claires, fête encore une fois son anniversaire, Slobodan, outre ses qualités de chanteur, n’a pas son pareil pour haranguer la foule. « Voici un radeau pour naviguer sur la merde de la vie », annonce-t-il avant de lancer un "Santiano" en mode celtique sans oublier de préciser sans détour que « ici, au Palais des Grottes, le son est toujours pourri ». Qu’importe, la joie et la bonne humeur sont au rendez-vous, sur scène comme dans le public. Après un "Rockollection" version metal, la troupe rafraîchissante conclut sa prestation euphorisante avec "Les Corons", Hauts-de-France oblige. « Nous n’étions pas venus ici depuis longtemps ! La prochaine fois, vous serez morts ! ». Espérons que cette prophétie du Monsieur Loyal ne se réalisera pas : nous voulons encore de nombreuses doses d’OPIUM.

Après cette déflagration joyeuse, place à la colère de NO TURNING BACK. Arrivés à peine quinze minutes avant de monter sur scène, les Néerlandais implorent les fans de « nous donner de l’énergie ! ». Groovy et traversé de passages plus lourds et mid-tempo, le hardcore du quintet transforme la fosse en un ring : moins de participants que précédemment mais plus de violence comme sur le brûlot, aussi court qu’intense, qu’est "Never Give Up". Le chanteur se lance dans des discours fédérateurs, rappelle le passé ouvrier des membres du groupe et précise que « tout le monde est le bienvenu sauf ceux qui ont de la haine pour les autres ». Malgré les efforts du gang né en 1997, seuls les aficionados réagissent à ces 35 minutes de furie ; la majorité du public reste insensible à cette déflagration old-school.

Ce vendredi soir voit alterner formations qui misent tout sur la musique et d’autres qui préfèrent offrir un spectacle total. Tel est la cas des inclassables KRAV BOCA dont les 50 minutes nagent entre concert et performance, entre spectacle grand-guignol et ambiances malsaines. Leur mélange de rap, de metal et de punk, au son rendu encore plus étrange par la présence d’une mandoline, explose en cris de rage assénés par les deux chanteurs masqués qui galopent sur les planches, animaux en folie, sans laisse, à deux doigts de l’asphyxie tant ils ne cessent de courir. La chanteuse n’est pas en reste et, le micro posé, devient la comparse de l’homme de feu, énergumène qui joue avec les flammes, qui fait crisser en gerbes d’étincelles une disqueuse sur son corps métallisé avant de se rouler par terre et de s’arracher son costume d’or comme s’il se déchirait la peau, la bave aux lèvres. Les deux larrons se retrouvent même dans une bulle de gaze, chrysalide dont ils s’extirpent en une sorte d’accouchement dégénéré. Des fumigènes crépitent dans la salle qui devient un enfer rougeoyant où les silhouettes des pogoteurs dessinent un sabbat écarlate. A la mode grecque et à l’appel du groupe sur le bien nommé "Canette", les spectateurs, après avoir hurlé « Antifascisti » à pleins poumons, lancent leur gobelet sur scène. Et c’est parti pour des allers-retours incessants de verres en plastique... Le chaos est total pour cette fête sexy et dérangée... et tant pis si la mise en place n’est guère carrée, si le son est parfois brouillon : l’essentiel est dans la folie, dans le déchaînement d'essence, des sens.

Retour à la sobriété... et à Paris avec le Oï de LION'S LAW. Wattie dans son T-shirt KOMINTERN SECT clamera, après une heure d'effort, « Ne jamais trahir, c’est le plus important ! ». Le concert aura parfaitement obéi à cette injonction avec une succession de titres qui respirent les valeurs du punk. La férocité est là, rehaussée de touches mélodiques ("Brother", d’une basse très présente ( "Fidèle", chanté en français, ou "PBS") et de vocaux enragés ("Sewer Rats"). Cette agressivité permet aux adeptes du pogo de s’en donner à cœur joie, comme sur un "The Code" mordant. Deux punks tout droit sortis des 70’s finissantes, crêtes iroquoises florissantes, paradent même sur scène avant que Franck, veste sans manche mais avec badges, de BREAKOUT ne vienne pousser la chansonnette – énervée la chansonnette. Entre extraits de son dernier album « Evermore » et classiques ("Lafayette") LION’S LAW a donné une solide leçon de Oï. En bonus, une reprise réussie de "I Ran" de A FLOCK OF SEAGULLS, fomation britannique de new wave – dont je vous conseille d’aller voir le clip original ; toute une époque...

Il revient à TAGADA JONES de clôturer cette salve réjouissante de décibels et d’énergie. Aucun problème pour les Bretons qui, en vieux briscards des planches, distillent sans trembler leurs titres punk metal, où l’on croise du BERU ("De Rires et de Larmes"), pour leur côté français contestataires, du THE EXPLOITED voire du MÖTORHEAD. Talent et expérience sont réunis pour mettre le Palais des Grottes "A feu et à Sang". Les musiciens, sobrement vêtus de jeans et de t-shirts noirs, attaquent fort avec un "Le Dernier Baril" tout feu, tout (lance-)flammes à la RAMMSTEIN. Entre hommages ("Vendredi 13") et hymnes puissants, parfaits pour brailler ("Morts aux Cons"), les vétérans déroulent sans fausse note. Le public, parmi lequel des enfants accrochés aux barrières, connaît ses classiques ("Zéro de Conduite", "De l’Amour et du Sang", "Je Suis Démocratie") et même les titres plus anecdotiques ("Le Poignard"). L’enchaînement, alors que la fin approche, de "Manipulé" et "Le Feu aux Poudres", rend toute sa vigueur à une fosse qui s’éclate dans une ambiance chaleureuse. Les fans portent même un festivalier en fauteuil roulant jusqu’à la scène. Belle image, comme celle des deux jeunes filles invitées à chanter le refrain du génial "Cayenne", reprise de PARABELLUM ajoutée à l’improviste. Quand les lumières s’allument, la sono diffuse "Porcherie" des BERU... que TAGADA JONES et la foule chantent ensemble en guise de conclusion fraternelle.
