
Alors que le groupe de hardcore le plus en vue de ces dernières années, STRAY FROM THE PATH, semblait gravir les échelons à grande vitesse, l’annonce simultanée d’un album surprise et de l'arrêt du groupe fin 2025 est arrivée comme un coup de tonnerre sur la scène. Une fois le choc passé, nous avons décidé de contacter Thomas Williams, guitariste historique de la formation, pour comprendre les raisons de cette décision soudaine, mais aussi pour parler de l’état du monde que STRAY FROM THE PATH aura commenté pendant 24 longues années.
Vous venez de sortir le dernier album de STRAY FROM THE PATH, « Clockworked ». Que ressentez-vous après cette parution ?
Thomas Williams : Honnêtement, nous en sommes vraiment fiers. On sent que c’est un bel adieu, et on a adoré le sortir comme on l’a fait. Peu de groupes réussissent à faire un dernier album selon leurs propres termes, en décidant : "c’est la fin". C’est une position unique et particulière que nous avons, et nous voulions nous amuser avec ce moment. Le fait que nous puissions faire ça, tout en étant fiers de notre travail, le rend encore plus significatif.

Effectivement, vous l’avez fait paraître comme album-surprise, mais ce qui est plus surprenant encore, c’est cette annonce de la fin du groupe en 2025, après 24 ans de carrière. Peux-tu nous en dire plus et notamment vos motivations à ce coup d'arrêt ?
Il nous semble que c'est le bon moment, car nous avons tous d’autres choses dans nos vies dans lesquelles nous voulons nous investir, et pour moi personnellement, je veux être plus souvent chez moi. J’ai tourné 66% de ma vie, et je suis prêt à ne plus être sur la route. Partir après nos deux meilleurs albums (« Euthanasia » et « Clockworked ») paraît être le bon choix. Je ne veux pas attendre que la qualité décline, et que notre popularité baisse avant d’arrêter. On a tout donné sur le terrain, et nous en sommes fiers !
L'instant est assez déroutant, car vous avez toujours chanté sur les problèmes de la société, et ça arrive à un moment où elle semble de plus en plus mal barrée. Pensez-vous peut-être que votre voix n’est pas assez entendue ?
Je pense qu’on nous écoute. Plus que ce que la plupart des groupes osent l'espérer. Comme le montre l’histoire avec RAGE AGAINST THE MACHINE, REFUSED ou encore AT THE DRIVE-IN, la musique authentique ne faiblit jamais. J’espère qu’on se souviendra de nous dans de nombreuses années !
Etait-il prévu dès le début que « Clockworked » soit le dernier album ?
Pas au début, non. Quand on l’a écrit, on a juste essayé d'en faire le meilleur album possible. Mais une fois qu’on a pris du recul, et qu’on a pu observer l’album fini, les chansons, l’énergie, le timing… Tout s’est emboîté. Nous savions à cet instant que ce serait le dernier, et c’était la bonne décision.
Il y a sur cet album un featuring avec Florent Salfati de LANDMVRKS, que je ne pouvais ignorer en tant que fan français de metalcore. Comment s’est faite cette collaboration ?
LANDMVRKS sont des amis très chers. Nous avons tourné ensemble en 2019 et sommes restés proches depuis. Il est aussi l’un des meilleurs chanteurs actuels, et probablement un des meilleurs de tous les temps. Travailler avec lui a été un honneur !
« Clockworked » et « Kubrick Stare » font toutes les deux référence au travail de Stanley Kubrick, avec « The Shining » bien sûr, mais aussi « Orange Mécanique ». Pourquoi avez-vous nommé l’album comme ça, et pensez-vous que ces films sont plus d’actualité que jamais dans un monde qui devient fou ?
Nous sommes tous fans de son oeuvre, et ça semble faire un bon parallèle à notre époque. 40 ou 50 ans plus tard, son travail est toujours d’actualité. Le « Kubrick Stare » (procédé de réalisation signature de Stanley Kubrick pour montrer la folie, Ndlr), son action, et sa manière de l’utiliser à travers ses films, c’est comme ça qu’on se sent aujourd’hui.

Sur « Fuck Them All To Hell », vous évoquez l’idiocratie de la société occidentale, avec l’élection aux Etats-Unis d’un président que vous refusez même de nommer. J’ai l’impression que des groupes en parlent, mais pas assez…
Je ne pense pas qu’il y aura un jour assez de monde à le dénoncer. On veut juste se concentrer sur ce qu’on dit, et ne pas nous préoccuper de ce dont parlent les autres. La chanson devait sortir le jour des élections, et je regrette que nous en ayons décidé autrement.
L’un des morceaux les plus puissants de l’album est « Can I Get Your Autograph », évoquant cette personnalité musicale qui va jusqu’à signer des bombes prêtes à être larguées. J’ai aussi l’impression qu’elle se relie bien avec « Kubrick Stare » dans ce thème du manque d’empathie dans le monde d’aujourd’hui. Comment peut-on changer ça, et se re-sensibiliser, pour ramener l’empathie ?
J’aimerais avoir la réponse à cette question. Je trouve ça difficile de me re-sensibiliser parfois. Mais certaines choses, comme le génocide qu’Israël effectue actuellement, sont impossibles à ignorer. Et même si on peut justifier son soutien à Israël parce qu’on appartient à son peuple, personne ne devrait accepter de glorifier la guerre et de signer une bombe qui sera lancée sur des civils, des enfants, des hôpitaux, la presse, etc. On emmerde ceux qui font ça. Surtout si ça vient de quelqu’un qui devrait être l’un de nos pairs dans la communauté musicale, ou un représentant des Etats-Unis.

J’ai aussi beaucoup aimé « A Life In Four Chapters », qui semble être l’un des morceaux les plus personnels de votre discographie. Peux-tu nous parler de ce morceau et de ce qu’il représente pour vous ?
Le sujet d’avoir une chanson avec un sentiment presque de "défaite" pour fermer l’album, qui commence par « Kubrick Stare » et finit par « A Life In Four Chapters », se liait bien avec le thème. On a commencé par un morceau sur l’extinction de l’empathie à cause de tous les événements malsains que l’on voit tous les jours, puis on a créé huit morceaux à propos de la folie du monde, et on a fini par les paroles « Give peace a chance ? It never stood a chance » ("Donner une chance à la paix ? Elle n’a jamais eu la moindre chance", ndlr)… Puis, à l’époque, on avait fini l’album sur le mot « peace », comme adieu du groupe. La dernière chose qu’on ait enregistrée était « peace », pour à la fois appeler à la paix, mais aussi dire « peace » comme un au revoir.
Y-a-t-il un détail que vous avez ajouté à l’album que la plupart de gens ne remarqueront pas ?
J’adore cette question ! On a utilisé le son des grenades à paillettes du jeu « Metal Gear Solid » dans la chanson « Shot Caller » !
Quelle chanson de « Clockworked » correspondrait le mieux à ton humeur aujourd’hui ?
J’adore le morceau-titre, « Clockworked ». Ce morceau est super fun à jouer et est formidable en live, donc je tends vers ça. Mais je vais devoir dire « Shot Caller ». On a écrit ce morceau AVANT que le PDG de United Healthcare ne se fasse tuer, et c’était dingue que des choses aient commencé à se passer entre l’écriture et la sortie de cette chanson, qui prédisait que les gens allaient se tourner vers ça.
Qu’allez-vous faire après STRAY FROM THE PATH ? Avez-vous tous des projets après STRAY ?
Craig (Reynolds, batterie, ndlr) fait « The Downbeat Podcast » à plein temps, Anthony (Altamura, basse, ndlr) va travailler dans l’industrie du cinéma, Drew (Dijorio, chant, ndlr) a ouvert un studio il y a quelques années, et je travaille dans le management d’artistes depuis 10 ans maintenant. Je gère des groupes comme LANDMVRKS, DYING WISH, COUNTERPARTS, BETTER LOVERS, POISON THE WELL et MODERN COLOR, et j’ai hâte de vivre par procuration leur succès en tant que partenaire !
Y-a-t-il des groupes qui selon toi vont reprendre le flambeau après vous ?
En plus des groupes dont je viens de parler, je dirais les groupes PRESS CLUB, LOATHE, PAIN OF TRUTH, SPLIT CHAIN et GREYHAVEN.
C’est probablement la dernière fois que je t’interviewe concernant STRAY FROM THE PATH : y-a-t-il un message que tu souhaites faire passer à vos fans français ?
La France a toujours été un des premiers pays à soutenir le groupe et notre travail. On adore la France, et on l’adorera toujours. Le Hellfest va beaucoup nous manquer !
