19 juin 2025, 23:59

HELLFEST OPEN AIR 2025

@ Clisson (Jour 1 - Part.3)


Le soleil tape, le vent ne se lève que rarement et les festivalier.e.s franchissent peu à peu la cathédrale avant de se répartir sur l’ensemble de la zone des concerts. Les plus téméraires boivent alors que la chaleur n’est pas encore retombée et la forêt du Muscadet est prise d’assaut par les personnes à la recherche d’une ombre salvatrice. Pas de doute, il est 16h le jeudi 19 juin à Clisson et les concerts ne vont pas tarder à commencer. Dans la foule, on peut croiser des personnes arborant des tenues de canard, des accessoires de licorne, des paillettes savamment agencées sur le visage, des couvre-chefs à pompon, à flèches rouges ou vertes, et bien d’autres fantaisies devant rendre celles et ceux qui les portent, visibles et identifiables.


C’est dans cette atmosphère conviviale et chaleureuse à souhait qu’une partie des festivalier.e.s se dirige vers la Valley pour inaugurer les concerts avec le groupe de doom suisse TAR POND. Devant la foule présente face à la scène, le frontman prend le micro pour remercier le public de sa présence alors que le concert n’a pas encore commencé. Formé en 2015, le groupe a connu de sombres événements qui ont marqué ses compositions : elles sont lentes, sombres et abordent souvent la mort. Les lumières sont monochromes d’un single à l’autre : tantôt bleues, rouges ou fuchsia, le groupe privilégie le minimalisme scénique pour mieux emporter le public dans ses compositions à l’ambiance lourde à souhait, qui correspond d’ailleurs très bien à la chaleur. Troisième titre de la set-list, "Damn" est dédié à l’ancien bassiste du groupe, Martin Ain, décédé en 2017, et plonge la Valley dans une dévotion pour les êtres chers partis trop tôt. Les ongles du guitariste, vernis d’un argenté métallique, hypnotisent autant que la musique elle-même. Les accords montants et descendants de guitare, les lignes de basse, le chant incantatoire et la frappe précise de la batterie instaurent un climat de calme parfois tourmenté mais toujours cathartique. L’ambiance de la Valley est posée, TAR POND a brillamment relevé le défi d’ouvrir les hostilités sur cette scène si particulière.


Le concert suivant est l’un des plus attendus de la Valley cette année (si tant est que cela soit possible tant la programmation est incroyable). Les Norvégiens du groupe de stoner SLOMOSA étaient déjà venus en 2022 et ont visiblement laissé un souvenir impérissable tant la foule est compacte et les slammeurs nombreux pendant le concert. Nombreux aussi sont les t-shirts du groupe visibles dans la foule et les balances effectuées par la formation laissent déjà deviner que le concert va réveiller la Valley. Une fois lancé, SLOMOSA enchaîne les tubes de sa discographie, tirés aussi bien de son premier que de son deuxième album. Après une courte introduction, c’est le redoutable "Cabin Fever" qui ouvre le concert. Les musicien.ne.s réussissent l’exploit d’hypnotiser le public en moins de deux minutes tellement le single est reconnaissable à ses riffs et son refrain présents dans tous les cœurs et les esprits de la Valley. Tout au long du concert, les headbangs suivent ceux du frontman, renforcés par le caractère impressionnant de sa chevelure (c’est à se demander par quel miracle il ne semble pas souffrir de la chaleur). La set-list est équilibrée et offre une alternance de moments mélodiques et d’autres plus puissants, jusqu’à une saillie politique du frontman qui clame, en français, « Benjamin Netanyahou, suce ma **** ! Donald Trump, suce ma **** ! Marine Le Pen, suce ma **** ! Liberté pour la Palestine ! », chacune des phrases étant acclamée par le public de la Valley. Le groupe enchaîne ensuite "Good Mourning" et "Battling Guns", titres lourds de sens quand on sait que la famille du chanteur est en partie gazaouie. L’énergie déployée par le groupe ne faiblit pas et, à la fin du set de quarante minutes, on a déjà l’impression d’avoir vécu l’un des moments les plus marquants du festival.


Après une pause plus que bienvenue, c’est CHAT PILE qui s’empare de la scène. Entre la chaleur et l’énergie déployée par SLOMOSA, le public est maintenant plutôt statique, mais cette immobilité quasi-forcée n’entame en rien la transe du groupe. Le noise-rock hanté et démoniaque porté par un frontman aux yeux bleus aussi clairs que du cristal envoûte la Valley pour un voyage aux Enfers d’une heure (en terme de changement d’ambiance par rapport au stoner-rock précédent, ça se pose là). C’est guidée par un chanteur torse et pieds nus que la foule navigue au rythme des compositions du groupe états-unien, entre anxiété grinçante et promenade terrifiante. Les musiciens accompagnent ses déambulations sur scène tandis qu’il débite les paroles sans cohérence apparente, au rythme de visions qu’il est le seul à percevoir. Les titres montent en puissance les uns après les autres, comme les cris audibles sur "Why" : de plus en plus possédés et torturés. Dans le même temps, le chanteur se déplace dans un monde dont lui seul semble avoir connaissance et dont lui seul peut raconter les horreurs et les souffrances, le tout avec une attitude sereine qui tranche avec ses cris, rouillés et rauques comme seule une douleur intense peut en engendrer. Le « Free f*cking Palestine » lancé par le chanteur donne toutefois une idée des horreurs auxquelles il pense pendant sa prestation. Et alors qu’il semble déjà avoir atteint les limites de ses visions, il s’effondre au sol et continue ses cris en roulant sur scène. Avant de partir, il remercie le public et répète « Free Palestine ».

C’est ensuite au tour de MONKEY3 de monter sur scène. Le soleil se couche lentement, la température devient enfin acceptable et le public est prêt à embarquer pour un voyage sonore unique. Si la set-list est courte (seulement cinq titres, longueur des morceaux oblige), elle n’en est pas moins équilibrée, accordant une place de choix à l’album sorti fin 2024 tout en ménageant du temps pour le légendaire "Icarus" avant de conclure sur "Through The Desert", dernier titre du tout premier album du groupe suisse. Pendant tout le set, force est de constater que la magie opère une fois de plus. Les styles ont beau varier, les concerts se succèdent, plus merveilleux les uns que les autres. Le show de MONKEY3 est calculé, savamment dosé. Les lumières sont colorées et plus la nuit tombe, plus elles ressortent pour plonger la scène et son public dans une ambiance lointaine, en-dehors du temps et presque en-dehors du festival. Les interactions du groupe avec le public sont limitées, mais c’est pour mieux se concentrer sur la musique et les émotions procurées. Après "Collapse", ce sont la mélodie du titre "Icarus" et les lumières, d’un doux orange, qui envoûtent la Valley. L’harmonie entre les musiciens est particulièrement palpable sur la chanson qui, accompagnée d’une fraîcheur fort appréciable, rend le moment absolument parfait. Le concert est propice à de très beaux moments de cohésion, de douceur, mais aussi de maîtrise : quand le guitariste ne chante pas ses notes en même temps qu’il les joue avec ses doigts, ce sont ses dents qui s’approchent des cordes. Pendant le concert, pas de slam. Uniquement la Valley qui, quand MONKEY3 joue, écoute attentivement. Et quand le concert est fini, on en veut encore.


Après autant de concerts à la Valley, un bref passage à la Warzone s’impose pour écouter THE HELLACOPTERS et profiter de la fraîcheur nocturne. Une foule compacte est réunie pour écouter le groupe de hard rock et glam-punk. À 22h55, un bruit d’hélices se fait entendre et vrombit de plus en plus fort. C’est dans ce brouhaha que le groupe suédois arrive sur scène, acclamé par le public, et délivre un concert énergique et puissant, qui dynamise suffisamment la Warzone pour faire comprendre que la journée n’est pas encore terminée. Reformé il y a bientôt dix ans, le line-up du groupe a certes beaucoup évolué, mais leur cohésion anime la discographie pour un concert riche en émotions, aussi bien sur scène que dans la fosse. Pourtant, il est l’heure de faire un choix : rester assister au beau concert de THE HELLACOPTERS ou quitter la foule pour espérer avoir une place de choix au concert d’ORANGE GOBLIN qui fait sa tournée d’adieu après trente ans de carrière. La deuxième option est retenue, presque sans regrets : un concert est toujours unique et celui des Britanniques avait une saveur particulière, comme tous les adieux, mais il fallait sacrifier une partie du set des Suédois pour être au premier rang.

Le public est au rendez-vous pour voir le gobelin orange : la Valley est comble, comme pour tous les autres concerts du jour (encore une fois : la programmation est aux petits oignons cette année). Pour l’un de ses derniers concerts, le groupe propose une set-list nostalgique au possible qui mêle des titres issus de presque tous les albums du groupe, retraçant en une heure une trentaine d’années de musique. Un exploit que le groupe réussit sans peine, malgré le fait que le public soit encore épuisé à cause de la chaleur, comme le prouve une tentative infructueuse de lancement de circle-pit. Après les deux premiers morceaux, le groupe remercie chaleureusement le festival qui l’accueille pour la sixième fois de son histoire. Tout au long du concert, les remerciements sont nombreux et l’émotion est palpable. Mais s’il est une raison pour laquelle le concert restera mémorable, c’est bien le drapeau breton que le frontman du groupe arbore en guise de cape pour témoigner son affection envers la France. Si on oublie le fait que Clisson se situe en Loire-Atlantique, le geste est touchant et le public applaudit le groupe en guise de remerciement, dans une reconnaissance teintée d’une pointe d’amusement. Après "Renegade" dédiée à Lemmy dont la statue située à la jonction entre la Valley et la Warzone veille au grain, le groupe joue "(Not) Rocket Science" qui achève de réveiller complètement la foule. On chante le refrain de "Blue Snow", on tape dans nos mains, on lance même un circle-pit et on applaudit encore et encore à chaque remerciement du groupe (et ils sont nombreux) qui rappelle avoir été très bien accueilli à chaque passage au Hellfest, à tel point que les membres s’y sentent comme à la maison. Les titres passent et, après "Red Tide Rising", il est temps de se dire au revoir et merci pour trente ans de bonne musique et de partage.


Avant de repartir vers le camping, un passage au concert d’ELECTRIC CALLBOY s’impose. Déjà venus au Hellfest en 2023, les Allemands avaient alors enflammé la Mainstage 2 lors de leur passage en fin d’après-midi et sont, cette année, têtes d’affiche de la même scène. Mais avant de commencer, quelques vérifications : les amplis sont poussés au maximum, puis c’est au tour des lumières, et enfin des canons à confettis qui, avec un effet comique qui sied parfaitement au groupe, ne lâchent que quelques dizaines de pastilles colorées. Le groupe commence alors un set enflammé avec "Elevator Operator" qui pose les bases du concert. Les tubes se suivent et l’ambiance est celle d’une fête gigantesque, entre techno aux basses surpuissantes et metal aux screams ravageurs. Dans le public, la dévotion est présente : au milieu des classiques t-shirts noirs à l’effigie de groupes multiples et cargos noirs, se trouvent des vêtements fluos, leggings, collants en résille et perruques dignes d’un cours d’aérobic des années 80. La recette des titres d’ELECTRIC CALLBOY ne loupe jamais pour animer l’ambiance, que l’on parle d’une petites soirée entre ami.e.s ou du dernier concert du premier jour du Hellfest. Ce sont plus de 30 000 personnes qui dansent, chantent, crient et s’amusent pendant ce concert. Et s’il y a des titres plus connus que d’autres, il y a toujours des membres du public pour chanter une chanson ou une autre et porter le reste de la foule en criant les paroles, même quand celles-ci sont en allemand comme pour "Spaceman". Si le concert n’a duré qu’une heure, il laisse présager une tournée européenne (entre novembre 2025 et janvier 2026) des plus réussies, avec une date au Zénith de Paris qui promet déjà d’être un succès.

PORTFOLIOS : 1/1 - 1/2

Blogger : Ivane Payen
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Ivane Payen
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