« La revanche d’Alice Cooper, l’album du retour dont le monde avait peur ». Existe-t-il de meilleure introduction à ce disque que ce titre, accrocheur en diable, et cette pochette, au demeurant sublime et rappelant les grandes heures de la Hammer ? On le sait, Alice aime les virages à 180 degrés, c’est d’ailleurs cela qui rend sa discographie si passionnante, et celui-ci, on ne le voyait pas venir. Allez ! Pour être tout à fait honnête, un petit peu quand même. Depuis 1999, quand le groupe original, composé de Cooper, du guitariste Michael Bruce, du bassiste Dennis Dunaway et du batteur Neal Smith, s'était reformé lors d'un hommage au guitariste Glen Buxton, décédé deux ans plus tôt. Et plus encore depuis que des chansons du groupe reformé figuraient sur les albums du Coop’, « Welcome 2 My Nightmare » (2011), « Paranormal » (2017) et « Detroit Stories » (2021). C’est ainsi qu’en 2025, soit 52 années après que l’ALICE COOPER BAND nous ait offert son chant du cygne, « Muscle Of Love », qu’Alice et ses potes nous reviennent, plus zinzins que jamais.
Essayer de faire revivre le passé est une opération on ne peut plus casse-gueule. On se souvient encore de KISS et de son décevant « Psycho Circus » (1998), vaine tentative de retrouver la grandiloquence de « Destroyer », paru en 1976. Et si rejouer d’antédiluviens morceaux sur scène est une chose, composer un album complet avec ses ex-camarades, que des années d’éloignement, et parfois de rancœur, ont tenus à l’écart de toute velléité de retrouvailles, en est une autre. Pas de ça avec l’ALICE COOPER BAND, rassurez-vous ! On peut même dire que l’ALICE COOPER BAND(e) encore ! Ce qui n’est pas donné à tous les septuagénaires, convenez-en !
D’entrée de jeu, "Black Mamba", premier single de l’album aussi rampant que le laisse supposer son titre, met tout le monde d’accord. Avec son ambiance aussi glauque qu’un dimanche après-midi pluvieux devant Michel Drucker (Michel, si tu nous lis !), ce morceau est un clin d’œil évident à "The Black Widow", même si ce dernier date du premier disque de la période post-ALICE COOPER BAND du sieur Furnier. Latrodectus mactans ou Dendroaspis polylepis, les deux mordent et provoquent la même répulsion chez la majorité des êtres humains. Que ceux qui n’ont pas compris cette phrase aillent sur Wikipédia ou demandent à ChatGPT. Avec en sus la participation de Robby Krieger, le guitariste des DOORS (l’amitié liant Alice aux anciens compagnons de route de Jim Morrison remonte aux années 60), "Black Mamba" a déjà tout d’un classique. Et ce n’est que le début...
"Wild Ones", ode à la jeunesse rebelle qui changé la face de l’Amérique dans les années 50 et 60, continue de nous transporter vers un temps que les moins de 60 ans ne peuvent pas connaîtreeuuu. Inspirée par le film culte de 1953 The Wild One avec Marlon Brando (L’Équipée Sauvage en VF), cette chanson évoque le passé du groupe, autant pour ses paroles pouvant aisément être rattachées aux jeunes années de l’ALICE COOPER BAND que pour sa musique, dépouillée mais bougrement efficace. Le genre de rock-song un peu sale qui aurait pu figurer sur un album comme « Love It To Death », au hasard. « Love It To Death », justement, qui marqua en 1971 la première collaboration de Bob Ezrin avec les cinq dingos de Détroit. Et c’est sans surprise que l’on retrouve Mr. Ezrin aux manettes de « The Revenge Of Alice Cooper », pour un résultat que seul le légendaire Canadien pouvait offrir au groupe. Authentique, chaud, le son du disque colle parfaitement aux compositions variées de l’album.
"Up All Night" continue dans une veine vintage pleinement assumée, avec l’énergie nécessaire pour évoquer les excès de la jeunesse... et Dieu sait comme Vincent Damon Furnier et son gang ont pu en commettre ! "Kill The Flies" se présente comme la suite de "Ballad of Dwight Fry" : Dwight, autrefois immobilisé par une camisole de force, profite désormais pleinement de la vie à l’asile, mais ces satanées mouches ne cessent de le perturber. Le décor est planté, la musique est là afin d’accompagner des paroles horrifiques, empreintes d’un humour délicieusement acide. Alors bien sûr, à l’ère des ICE NINE KILLS et autres BUTCHER BABIES, le shock rock développée par l’ALICE COOPER BAND peut prêter à sourire, mais c’est justement son but ! Et quand, en plus, cette horreur se pare d’atours psychédéliques comme sur "Blood On The Sun", c’est juste sublime !
Contrairement à certains albums solos du Coop’, on pense à « The Eyes of Alice Cooper » (2003) ou « Dirty Diamonds » (2005), qui pêchaient dans les mêmes eaux rétros mais sur lesquels certains passages pouvaient paraître un tantinet forcés, la sincérité de la démarche entreprise sur ce « The Revenge Of Alice Cooper » ne peut jamais être mise en doute. L’alchimie entre les quatre vieux briscards est indéniable, au point même d’oser inclure une apparition posthume de Glen Buxton par le biais d’un enregistrement inédit intégré au titre "What Happened To You" ou de reprendre "Billion Dollar Babies" en fondu sur "Money Screams". Et comme si cela ne suffisait pas, une version alternative brute et jamais publiée de "Return Of The Spiders" - « Easy Action » (1970) - exhumée d’archives disparues depuis un demi-siècle et restaurée par Bob Ezrin, est présente en bonus dans le coffret collector et le format smart limité du disque. Autant d’initiatives qui auraient pu paraître putassières si la joie de se retrouver entre vieux potes n’avait pas été aussi palpable.
Bref, il ne manque rien à « The Revenge Of Alice Cooper », pas même une fin émouvante en forme d’hommage à Glen, "See You On The Other Side", dans laquelle Alice chante : « Je sais qu'un jour nous jouerons à nouveau ensemble ». La conclusion idéale à un album qui s’inscrit d’ores et déjà comme un incontournable de la riche discographie d’Alice Cooper. Le groupe et l’artiste solo...
Cette chronique est dédiée à la mémoire de John Michael Osbourne. 1948 - 2025.