
Alors que SYSTEM OF A DOWN tourne à nouveau et est au centre des discussions près de vingt ans après son dernier album, nous avons pu échanger longuement avec l’auteur-compositeur, chanteur et guitariste Daron Malakian, à propos du nouvel album de DARON MALAKIAN & SCARS ON BROADWAY : "Addicted To The Violence". Ce projet solo fondé en 2008 continue là où le groupe d’origine de Daron s’était arrêté en studio et regroupe tout ce qu’on aime à propos de son écriture unique : du heavy, de l’émotion et des twists ! Nous avons pu analyser avec lui sa manière d’écrire au travers de son nouvel album, mais aussi parler de live, que ce soit avec SCARS ON BROADWAY ou SYSTEM OF A DOWN, lors d’un échange riche et tout en transparence.
Au moment où l’on se parle, "Addicted To The Violence" n’a pas encore été révélé. Quel est ton sentiment à quelques jours de sa sortie ?
Daron : Je me sens bien ! Je voulais sortir cet album depuis très longtemps et je suis content que cela se produise enfin. Je crois que la première chanson dévoilée a reçu d’excellents retours de la part des gens qui aiment habituellement ce que je fais. Il me semble qu’on sort une nouvelle chanson aujourd’hui (l’entretien date du 11 juillet, le jour de la sortie de "Destroy The Power", ndlr). C’est toujours amusant de distiller de nouveaux titres, même si je ne le fais pas tout le temps. Je devrais probablement procéder ainsi plus souvent, mais dans les faits, ce n’est pas le cas. Alors, oui, je me sens plutôt bien. Je suis très fier, aussi fier que pour tout ce que j’ai réalisé jusque-là. Ce ne serait pas le cas, je n’en ferais rien, car je n’écris pas de la musique uniquement pour sortir des albums. Je compose de la musique, parce que c’est tout ce que je sais faire et jamais je n’en sortirais si je ne me sentais pas prêt. Comme je te le disais, je ne publie pas sans arrêt de la musique parce qu’il me faut du temps avant d’être satisfait de quelque chose. Quand tu sors quelque chose, c’est pour la vie, pas vrai ? C’est gravé à jamais. Ça ne me dérange pas de passer beaucoup de temps à écrire mes chansons puisque c’est dans l’idée qu’elles resteront pour toujours. C’est un peu pour ça qu’il se passe autant de temps entre chacune de mes sorties. Je suis généralement mon plus exigeant critique et je veux sentir que c’est excellent avant de délivrer quoi que ce soit.
J’ai lu que tu es constamment en train d’écrire de la musique. À quel moment te dis-tu : "OK, je tiens un futur album" ?
Je ne me le dis pas ! Si je pense album, je me dis : "j’ai cette chanson en réserve depuis quinze ans, si je n’ai rien à y ajouter, peut-être que je devrais la mettre dans cet album". Dans mon monde, cette chanson est un jouet avec lequel j’ai assez joué pour être ouvert à l’idée de le partager avec mes amis. C’est un peu comme ça que je vois les choses. Dans ce que j’ai inclus dans cet album, il y a des chansons avec lesquelles je joue depuis… "Satan Hussein" a été écrite aux alentours de “Toxicity”. Merde, c’est si vieux que ça ?! Mais j’ai joué avec et l’ai gardée tout ce temps. Et à un moment donné, je me suis dit : “Tu sais quoi ? Cette chanson devrait être entendue. Je devrais la partager maintenant”. Je ne voyais rien d’autre à y ajouter et la trouvais très bien comme ça. Alors, c’est parti ! "Killing Spree" est également une chanson qui aurait pu se trouver sur "Mesmerize" ou "Hypnotize". Ou sur le premier album de SCARS ON BROADWAY. J’ai joué avec, je l’ai bidouillée dans tous les sens, et là j’étais prêt à la sortir. Toutes les chansons ne sont pas aussi anciennes, mais c’est pour te donner un ordre d’idée, pour démontrer que je n’écris pas vraiment des albums. J’arrive à un moment où je me dis simplement "Faisons-en un album”, mais une fois seulement que je suis prêt. Il y a énormément de chansons que j’ai manipulées. Certaines sont prêtes, d’autres non. Pour celles qui le sont, je fais un peu tourner la roue pour voir sur laquelle ça tombe et je l’enregistre.
En préparant cette interview, j’ai pris conscience que ça faisait sept ans que "Dictator" était sorti, alors qu’on pourrait croire que c’était hier !
Daron : Ne m’en parle pas (rire) ! Oui il y a eu le Covid et toute cette merde, et la vie file trop vite, mon pote !

Justement, comment s’est organisée ta vie entre les deux derniers albums ?
Je ne sais pas si tu es au courant, mais "Dictator" avait été enregistré en 2012 et je ne l’ai sorti qu’en 2018 ! Je l’avais juste gardé dans un coin et… je ne sais pas pourquoi, mais je ne l’avais tout bonnement pas sorti. Je sais que ça semble fou et que certains vont réagir en se disant “WTF?! On veut écouter ta musique" ! Mais je n’ai juste pas eu ce réflexe. Quand j’écris, la dernière chose à laquelle je songe, c’est bien d’avoir hâte que tout le monde l’entende. La démarche est un peu égoïste : l’écriture, je la fais d’abord pour moi seulement et à un moment, quelqu’un survient dans le processus. En 2018, c’était mon guitariste Orbel Babayan - qui est toujours dans le groupe et avec qui j’ai co-écrit certains morceaux de cet album. Il était passé me voir, s’était posé dans mon salon et au fil de la conversation, je lui avais dit : "Oh, tu sais, j’ai un autre album potentiel de SCARS ON BROADWAY que personne n’a entendu. Tu voudrais l’écouter ?", Il m’avait répondu : ”Mais pourquoi tu ne le sors pas ? Les gens veulent t’écouter !" et j’ai simplement répondu "Vraiment ?”. J’ai donc décidé de le sortir, enfin, en 2018 et vers 2020, j’ai commencé à travailler sur l’album "Addicted To The Violence”, à réfléchir aux chansons à enregistrer et il y en avait quelques-unes que j’avais co-écrites avec Orbel, comme la chanson-titre, "Done Me Wrong" ou encore "Imposter". Donc il y avait ça d’un côté et de l’autre, des chansons que j’avais écrites seul, comme "Shame Game", "Killing Spree", "Watch That Girl", "You Destroy You" et "Destroy The Power". Donc la vie suivait un peu son cours et j’avais ces chansons qui étaient, selon moi, prêtes à être mises en boîte. On les a assemblées et enregistrées, ça marchait pas mal. Une fois tout cela achevé, l’ensemble ressemblait à un album, mais il m’a fallu du temps pour être satisfait des enregistrements eux-mêmes. Je passais mon temps à douter de moi. Au début, nous avions tout enregistré chez moi, mais je n’aimais pas le son des guitares. À vrai dire, on avait enregistré la batterie chez le batteur Roman (Lomtadze, ndlr) et sa performance était formidable, mais je n’aimais pas le son. Donc, à un moment, peut-être deux ans après avoir enregistré le premier lot de chansons, je suis rentré en studio et ai ré-enregistré la batterie, les guitares et la basse. J’étais plus à l’aise avec le son de la batterie; car on avait une pièce plus grande. De même pour les guitares. Tu sais, c’est l’album qui m’a pris le plus de temps, car je n’arrêtais pas de douter de la manière dont je sonnais, ce genre de choses. C’est un peu pour ça que ça a nécessité autant de temps pour le sortir, à partir du moment où on l’a commencé. Puis les concerts de SYSTEM OF A DOWN sont arrivés à chaque fois que je voulais sortir l’album de SCARS ON BROADWAY. Systématiquement, quelque chose autour de SYSTEM OF A DOWN arrivait, comme un festival par exemple. On jouait et je voulais vraiment trouver une fenêtre de tir pendant laquelle SYSTEM OF A DOWN était plutôt calme pour que je puisse publier ce disque et qu’il puisse avoir l’attention qu’il mérite. Parce qu’à chaque fois que j’engage quelque chose avec SYSTEM OF A DOWN, ça capte toute l’attention. Avant la tournée sud-américaine, mon management et moi-même avons décidé qu’il serait judicieux de le lancer après la tournée, en sortant des singles et des clips, puis de sortir l’album la semaine suivante. J’ai donc trouvé ce joli petit moment entre deux tournées de SYSTEM OF A DOWN pour le faire. Et puis, c’est mon anniversaire le 18 juillet, donc je me suis dit qu’on allait le sortir ce jour-là parce ça coïncide avec le moment où les gens font généralement attention à moi et me souhaitent bon anniversaire dans le monde entier. S’ils pensent à moi, autant leur proposer d’écouter de nouveaux morceaux en même temps, pas vrai ?
Pour l’écriture, est-ce que tes idées te viennent quand tu t’imposes un cadre fixe de travail ou est-ce que cela peut survenir à tout moment ?
Ça surgit à n’importe quel moment. Toutes les chansons que j’ai écrites au cours de ma carrière sont venues totalement par hasard. C’est même difficile pour moi de m’en sentir responsable, parce que si j’étais si bon, j’irais attraper une guitare et écrire un hit juste après cette interview. Mais je ne peux pas. Je ne sais jamais quand une chanson va me venir ou quand je vais avoir une idée qui va l’initier. Je n’ai pas vraiment de règle pour m’imposer d’écrire à chaque instant ou tous les jours. Ça vient quand ça vient, et quand ça arrive, je me dis que j’ai de la chance et me demande comment c’est arrivé. Tout le monde me parle de processus d’écriture, mais parfois je me sens juste comme le réceptacle ou l’outil d’autre chose, ou bien je me dis que je me trouve juste au bon endroit au bon moment. Je cherche toujours de l’inspiration, j’écoute tout le temps de la musique. Elle est essentielle pour moi. Je suis un mec qui cherche quelque chose mais ne sait pas quoi. Ce n’est que quand je le trouve que je vois ce que c’était. Parfois, les chansons me trouvent d’elles-mêmes, elles ressortent d’une certaine manière et je me dis : “Wow !”. C’est lorsque je ressens ça, lorsque je suis impressionné, que je sais ce que je veux. C’est là que je sais que j’ai trouvé quelque chose. Quand ça déclenche ce "Wow", je l’enregistre très vite sur mon téléphone pour me souvenir de l’idée. Puis, à chaque fois que je prends une guitare, je passe en revue toutes ces choses qui m’ont fait dire "Wow" au fil des années et je joue avec : je les distords, je les chante pour me distraire et je les sculpte en quelque sorte. Puis, parfois, j’ai quelque chose qui est bon par endroits, mais sur lequel je n’ai pas encore apposé tous les éléments. Je ne sais pas si ça aboutira à quelque chose de bien et je le joue encore et encore jusqu’à ce qu’un jour, ce qui a déclenché la première idée vienne la compléter. Mais je ne le force pas, c’est juste quelque chose que je laisse venir. Et quand ça vient, je le sais, car je ressens une excitation particulière.

C’est assez rassurant car au fil des interviews, j’avais l’impression que la plupart des musiciens se levaient le matin en se disant : “Tiens, aujourd’hui, allons écrire un nouveau "Bohemian Rhapsody"" (rire) !
C’est impossible, personne ne peut faire ça comme ça. En tout cas, si tu peux, tu es sûrement bien meilleur que moi et il faut que tu me files la recette (rire) ! J’aimerais vraiment… J’aimerais pouvoir dire : “Demain, je vais écrire quelque chose qui me rendra vraiment fier et ce sera génial". Je sais que certains groupes entrent en studio les mains dans les poches et écrivent sur place. Je suis persuadé que certains ont trouvé des trucs super en procédant comme ça. Mais quand je vais en studio, qui me dit que l’inspiration va être au rendez-vous ? Je me suis rendu en studio en novembre. Peut-être le 11 novembre… peu importe la date. Comment est-ce que je sais que ce jour-là, précisément, je vais écrire quelque chose de valable ? Je n’ai jamais fonctionné comme ça, que ce soit avec SYSTEM OF A DOWN ou SCARS ON BROADWAY. Je n’entre jamais en studio en n’ayant rien préparé, bien que des gens y parviennent et écrivent d’excellents albums de cette manière.
Mes chansons préférées de l’album sont "Destroy The Power" et "You Destroy You" grâce aux parties de guitare clean et de mandoline. L’effet est addictif.
Merci ! Ça me fait plaisir que tu apprécies "You Destroy You”, parce que ce n’est pas une chanson metal ! Ce n’est même pas une chanson rock. Elle provient de mon amour de la musique country. J’adore Waylon Jennings et Merle Haggard et j’ai enfin pu écrire une chanson comme ça, qui colle à mon univers, avec le style de mes textes. J’ai été très inspiré par ces musiciens, mais c’est toujours extrêmement difficile de coller à cet univers et de le faire coïncider avec mon travail, qu'il fonctionne avec le reste, même si mon univers bouge beaucoup. Une chose est sûre, c’est que je suis conscient quand ça fonctionne ou non avec ma musique. D’ailleurs, "3005", sur le premier album, a aussi été inspirée par des gens comme eux. Donc "You Destroy You"… Je suis très fier de cette chanson. J’en ai écrit les paroles et elle est assez simple, le rythme ne change pas, il y a des passages calmes à la mandoline et des petites textures sympas dessus. J’ai tendance à vraiment aimer composer des chansons comme ça. En ce moment, je préfère peut-être même davantage ça à l’écriture de titres heavy, pour être honnête avec toi. Je ne sais pas trop où j’irai. Je ne le sais jamais… là où le vent me porte, mais je me verrais bien sortir des albums qui ont un peu plus de choses dans cette veine-là, au fur et à mesure que j’avance dans la vie.
Ce que tu décris correspond bien à l’une de tes déclarations en interview, où tu disais que tu écrivais les chansons que tu ne trouverais pas dans un magasin de disques…
Oh, merci, mec ! C’est le cas depuis le début, avec SYSTEM OF A DOWN pour commencer. Je voulais juste écrire ce que je voulais. Je voulais être dans le groupe et écrire les chansons que je ne trouvais nulle part ailleurs et que j’aurais voulu entendre. C’est ce que j’aime ! C’est ce que je recherche dans la musique, ce que je ne trouve pas chez le disquaire. J’écoute de la musique sans arrêt et j’ai tellement d’influences différentes dans ma vie… Quelque part, je voulais entendre quelqu’un qui assemblerait toutes les choses que j’aime et y donnerait un sens. On pourrait assembler le tout, mais est-ce que ça marcherait ? J’écoute des groupes, parfois, qui jouent du heavy avant de passer à une autre partie, mais tout ça semble parfois un peu forcé, comme s’il s’agissait juste d’ajouter autre chose au metal pour le principe. Personnellement, j’ai vraiment l’impression de réussir naturellement à assembler les choses. Je n’essaie pas simplement de faire rentrer un carré dans un rond, mais de trouver une manière de le faire qui aurait un sens. Pour moi, c’est ça, réussir. Si on veut un exemple, on peut parler du morceau "B.Y.O.B." de SYSTEM OF A DOWN. La chanson commence avec un riff vraiment heavy et un couplet très puissant, avec de la double pédale, puis on arrive au refrain, et là c’est PARLIAMENT FUNKADELIC, avec les paroles "Everybody’s going to the party have a real good time" ! Mais ce n’était pas mon plan au départ d’écrire ce truc super metal et de mélanger du PARLIAMENT FUNKADELIC quand je jouais ces riffs. La chanson m’y a juste mené et quand j’y suis parvenu, je me suis dit que ça allait bien ensemble, même si tout aurait pu faire croire le contraire. Mais tu sais, ces choses mutent quand j’écris. J’aime les faire muter jusqu’à ce qu’on ne puisse plus dire que ça ne va pas ensemble, tellement ça s’enchaîne bien. Les deux s’enchaînent l’un dans l’autre de manière fluide, sans forcer. Quand j’y parviens, cela me rend très heureux en tant qu’auteur-compositeur. Mais tu sais, je n’essaie pas vraiment de me diversifier musicalement, j’ai juste des influences variées. Mes influences et mes goûts musicaux partent dans tous les sens et changent tous les jours ! Aujourd’hui je me suis passé de la folk, mais j’écoutais du black metal juste avant de te parler. Je me réveille et j’écoute ce pour quoi je suis d’humeur, puis je traverse des phases de trois, quatre ou cinq mois pendant lesquelles je vais faire une cure de Miles Davis, puis encore quelques mois avec autre chose, jusqu’à ce que j’en aie marre. J’écoute de tout, du dub, du reggae, KRAFTWERK, de la country… Ça part dans tous les sens et ça sort de moi quand j’écris… parfois tout en même temps ! Je dis toujours aux gens que j’aime la musique agressive, mais que je ne peux pas jouer que de la musique agressive ! J’adore aussi la musique douce mais, de la même manière, je ne peux pas faire que ça. Il y a tant de couleurs que tu peux utiliser et d’émotions que nous traversons en tant qu’êtres humains. Parfois on est heureux, drôles, parfois d'humeur heavy, d’autres tristes… Ne me fais pas croire que tu es en colère tout le temps ! Donc en tant qu’auteur-compositeur et en tant qu’être humain, je me mentirais à moi-même si je n’exprimais qu’une seule de ces émotions en me disant que c’est ce que mes fans veulent entendre et en me disant que c’est le genre de musique que je joue, en m'enfermant dans une case. Je ne peux pas. Sur une chanson comme "Killing Spree", il y a des riffs heavy, mais si tu écoutes ma manière de chanter, on se croirait dans un cartoon ! C’est comme ça que c’est sorti de moi. Je ne me suis pas dit : "Voilà un riff heavy, je vais chanter metal et heavy”. Non, je chante quelque chose de très cartoonesque, peut-être même un peu inspiré par THE CRAMPS et Lux Interior.
J’ai aussi beaucoup aimé les paroles de l’album qui dressent un constat de l’état de notre société actuelle, sans pour autant prendre parti...
Je ne prends jamais parti dans mes chansons. Je pense d’ailleurs que SYSTEM OF A DOWN est un peu incompris sur ce point, car on nous dit souvent qu’on est politisés. Je pense que c’est parce que certains membres du groupe sont assez ouverts sur leurs opinions politiques et que les gens se disent automatiquement : “Tiens, cette chanson parle de tel sujet”, alors que ce n’est pas forcément le cas. Je n’ai jamais vraiment aimé dire aux gens ce qui était bien ou mal. Je raconte juste les choses, je m’exprime à travers des paroles. Pour moi, j’écris plus sur la société - et sur ma vie en tant que personne dans cette société - où il se trouve qu’il y a de la violence, de la joie, et toutes les émotions imaginables. Il ne s’agit pas d’avoir raison ou tort. Je ne dicte pas une ligne de pensée, ni explique pour qui voter ou ce genre de conneries. Ça ne m’intéresse pas. Certains me traitent de communiste, mais je leur réponds que non. Je ne suis pas d’un bord ou d'un autre : je regarde juste le monde dans lequel je vis ! Et quand le monde ressort dans mes paroles, comme dans "Addicted To The Violence", les gens pensent tout de suite que je raconte quelque chose sur la société, mais ça pourrait être aussi ma propre addiction à une violence que je m’inflige ! Tu sais, c’est une chanson très personnelle. C’est peut-être un peu un commentaire sur la société, mais de manière objective, la chanson parle vraiment de moi, de comment je suis parfois mon propre ennemi et du fait que je suis accro à la violence envers moi-même, en me faisant parfois du mal. Si tu écoutes les paroles, tu verras que c’est très personnel.
C’est vrai, il y a souvent plusieurs interprétations possibles à tes paroles. Pour revenir à "You Destroy You", j’en ai deux : l’une où le narrateur serait témoin d’un genre de débat ou de combat, l’autre où il serait sobre au milieu d’une soirée.
Oui, j’aime que mes paroles soient comme ça. Je pourrais te dire de qui parle cette chanson et pourquoi je l’ai écrite, mais je préfère entendre ce que tu imagines autour d’elle et de quelle manière tu t’y identifies, ainsi que son lien avec ton propre monde et tes expériences. Je trouve ça plus intéressant que de te dire de quoi parle exactement la chanson, en peignant en quelque sorte le tableau pour toi. Je préfère voir ce que tu en fais.
À propos des concerts, je crois que tu n’as jamais joué en France avec SCARS ON BROADWAY. Penses-tu que ce serait une possibilité dans les années qui viennent ?
Oui, bien sûr ! Si la bonne opportunité se présente. Je ne suis pas un énorme fan des tournées, mais si une situation idéale se met en place et que je me sens à l’aise pour le faire, pourquoi pas. Je ne veux pas y aller à contre-coeur, car comme je le disais, je n’adore pas les tournées. Mais je suis très ouvert à l’idée de le faire car je sais que des gens en Europe, en France, en Amérique du Sud, et même aux États-Unis voudraient voir ce groupe. Il faut juste que l’opportunité qui me mette à l’aise se présente.

On a tous vu les vidéos impressionnantes de votre tournée de S.O.A.D. en Amérique du Sud. Quand tu vivais ce moment, qui semblait plutôt historique, qu’est-ce qui t’a traversé l’esprit ?
Eh bien, tu vois, il y a moi qui te parle et il y a le mec que tu vois sur scène. Donc ce qui me traverse l’esprit quand je revois le concert est très différent de ce qu’il se passe quand je vis la scène. Je suis très différent. C’est comme mon frère jumeau, mais je n’ai même pas l’impression d’être ce gars. Lui, là-haut, il est beaucoup plus confiant que moi, beaucoup plus expressif. Il dit des choses dans le micro, parfois à la foule, qui sont des choses qui sortent juste de ce mec sur scène, je ne les contrôle pas. Ce qu’il pense et ce que je pense sont des choses très différentes, tu vois ? C’est un peu difficile pour moi de répondre à cette question, car je n’ai pas l’impression que la personne qui est assise ici est aussi celle qui a vécu ça devant 60 000 personnes. Je peux juste te dire que c’était un sentiment énormément positif. C’est bon de savoir que tant de gens sont touchés par quelque chose que j’ai écrit. Certains des morceaux qu’ils chantent ont été écrits quand je vivais encore chez mes parents. J’avais 21 ou 22 ans pour les deux premiers albums de SYSTEM OF A DOWN, et je vivais toujours avec eux pendant "System Of A Down" et "Toxicity". Donc quand j’ai écrit "Aerials", ou "Prison Song", ou encore "ATWA", c’était un moment où j’étais seul dans ma chambre, là où j’ai grandi. Maintenant, 25 ans plus tard, je joue encore ces chansons et de nouvelles générations de gamins les ont découvertes ou ont grandi avec. Pour moi, le fait qu’on soit toujours là à les jouer et à susciter une réaction comme celle que tu as vue, avec des gens qui amènent du feu et qui créent tout ça, c’est un moment où il faut que je me pince pour y croire, mon pote ! Je sais que je fais ça depuis longtemps, mais je suis toujours impressionné. Je n’arrive pas à croire que j’ai cette chance, finalement.
Comme tu le disais, vous allez célébrer bientôt 25 ans de "Toxicity" et du premier album éponyme. Y a-t-il une chance pour que vous veniez le jouer en Europe pour fêter ça ?
Daron : Il existe toujours une éventualité.
On croise les doigts alors, car je crois que vous deviez vous produire au Hellfest en 2020, avant que le Covid ne frappe…
Nous ne fermons aucune porte. Au sein du groupe, nous nous entendons très bien. On a vraiment apprécié la tournée sud-américaine. Puis, on a ce truc qui approche aux États-Unis, donc je pense qu’on y est ouverts, tu vois ? Mais il n’y a pas de plan pour l’instant. Je peux cependant dire que ce n’est pas complètement exclu.
En tout cas, d'ici là, il y a la sortie de "Addicted To The Violence". Au moment de conclure, le single "Destroy The Power" vient de sortir il y a quelques minutes dans ton fuseau horaire, je crois !
Je n’ai pas encore eu de retours, il est sorti à certains endroits et il est minuit ici. Mais "Destroy The Power" est une chanson vraiment costaud, mec ! Je suis fier de tous les morceaux de cet album et je ne saurais pas te dire si je suis plus fier de celle-ci que des autres, mais cette chanson a quelque chose. Elle a une pu**in d’attitude rock, et j’adore ça… mais elle est faite d’une manière assez atypique. On peut dire que je l’ai faite à ma sauce, mais elle a été inspirée par l’attitude rock du début des années 80, comme "Shout At The Devil" de MÖTLEY CRÜE. Ou par "Looks That Kill". La chanson ne sonne pas vraiment comme ça, elle a un groove à sa propre manière, mais avec ces gammes arabes et tous ces petits trucs que je joue qui font que ça me ressemble.
Je voulais sortir "Killing Spree" puis celle-ci juste avant que l’album ne paraisse, pour faire monter l’excitation chez les fans.
J’espère que les gens aimeront, mon pote ! J’apprécie vraiment quand les gens commentent, montrent leur envie d’avoir de mes nouvelles, car je ne m’étonne toujours autant qu’ils en veuillent. C’est déjà tellement sympa que j’obtienne une réaction à partir d’un single ! Et puis, pour ceux qui ont aimé ce que j’ai fait par le passé, c’est dans la continuité. Si ça aide qui que ce soit dans les bons comme dans les mauvais moments, c’est ce que j’espère pour tout le monde. En fait, j’espère que ça correspondra à ce qu’on attend de moi.
