
Après deux premiers singles très prometteurs, la sortie de l’EP eponyme « The Violent Hour » est l’occasion d’un entretien avec Carla Harvey et Charlie Benante. Ce nouveau projet révèle l’ex-chanteuse de BUTCHER BABIES sous un nouveau jour. C’est donc l’occasion de mieux comprendre les raisons de son départ et l’orientation qu’elle souhaite donner à sa carrière avec le soutien actif de son mari, qui nous explique la genèse de cette collaboration.
Après 15 années passées au sein de BUTCHER BABIES, qu’est-ce qui t’a incitée à fonder THE VIOLENT HOUR, et en quoi ce projet représente "la croisée des chemins" que tu mentionnes dans ta biographie ?
Carla : Je suis fière de ce que j'ai accompli avec BUTCHER BABIES, mais après 15 ans, je ne me sentais plus vraiment à ma place dans ce groupe. Je me sentais volontairement marginalisée par les autres membres originaux qui voulaient être constamment en tournée. Aujourd’hui, j’appréhende la vie très différemment. Le quotidien était devenu monotone et chez moi, j’avais le sentiment de laisser passer les vraies choses de la vie. Lorsque BUTCHER BABIES s'est séparé, je pense que Charlie a vu que je pleurais ce groupe que j'avais construit. Je ne savais pas ce qui allait m'arriver ensuite, ni même si je voulais encore composer de la musique. J'étais vraiment à la croisée des chemins. Mais Charlie a instinctivement su que je n'étais pas prête à jeter l'éponge. Il m'a en quelque sorte poussée à cesser de me complaire dans la tristesse du moment en me disant : « Lève-toi, on va écrire aujourd'hui, on va créer. » Et il a commencé à proposer des idées qui me parlaient vraiment, car il connaît mes toutes premières influences. Par exemple, il sait que j'adorais AEROSMITH et GUNS N' ROSES, c'est ainsi qu'est né "Hell Or Hollywood". Écrire est alors redevenu passionnant, car nous composions des chansons qui parlaient vraiment à l'enfant qui sommeillait en moi.

Comment s'est déroulé le processus initial de composition et d'écriture avec Carla, et à quel moment as-tu senti cette étincelle "électrique" qui a donné vie à THE VIOLENT HOUR ?
Charlie : Carla traversait une période difficile après avoir quitté le groupe qu'elle avait fondé, et je voyais bien que cela la déprimait beaucoup. Je lui ai dit de ne pas s'inquiéter, que quelque chose d'autre allait arriver. Je savais que Carla était une étoile et qu'elle avait besoin de la musique pour briller. J’ai donc commencé à écrire quelques chansons et je lui ai demandé ce qu'elle en pensait. Elle m'a répondu qu'elle aimait celle-ci, qu'elle aimait celle-là aussi, et nous avons continué ainsi. Je crois que la première chanson que nous avons écrite était "Sex & Cigarettes". Je savais qu'elle avait la capacité d’enrichir la musique. Elle a aussi différents types de voix. Elle peut aussi bien growler, faire des sons gutturaux, pousser des cris aigus, ou simplement chanter. C'est ça la différence. Pourquoi voudrait-elle continuer ce qu'elle a passé quinze ans à développer ? Elle voulait faire quelque chose de différent, quelque chose qu'elle ressentait dans son âme. C'est la musique que je veux faire, et c'est comme ça que ça s'est passé et que THE VIOLENT HOUR est né.
Votre musique peut se décrire comme un mélange de hard rock, de heavy metal, d'indie et de rock alternatif. Comment avez-vous abordé la fusion de ces genres, et y a-t-il eu des artistes ou des albums spécifiques qui ont servi de référence pour façonner le son de THE VIOLENT HOUR ?
Charlie : Ce son unique que tu évoques est essentiellement lié à un manque de musicalité dans le monde actuel. Je voulais créer des chansons auxquelles les gens puissent s'accrocher, qu'ils puissent chanter, fredonner les refrains, tu vois ? Qu’elles leur donnent une sensation de bien-être, qu'ils puissent les écouter dans leur voiture ou avec leurs amis et apprécier. De nos jours, tellement de groupes essaient d'être extrêmes, mais une fois que vous avez dépassé ce niveau extrême, que reste-t-il ? Il n'y a rien. Vous avez franchi cette montagne, cette falaise, et maintenant vous allez simplement dégringoler.
Carla : Adolescente dans les années 90, j'ai grandi à Detroit, dans le Michigan, où j'ai été influencée par plusieurs genres musicaux à la fois. On nous servait du rock classique 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, avec des groupes comme GUNS N' ROSES, le premier groupe que j'ai aimé. J'aimais aussi le thrash metal et j'étais fascinée par le mouvement "Riot Grrrl" de l'époque (NDLR : le mouvement féministe "Riot Grrrl" est né au début des années 90 à la croisée du punk rock et du rock alternatif). J'ai la chance que Charlie me connaisse suffisamment bien pour savoir ce que j'aime et qu'il ait pu rassembler tout cela dans un seul et même projet. Au début, j'ai eu du mal à trouver mon approche vocale. Je suis tellement habituée à chanter de manière gutturale que je craignais que ce soit tout ce que les gens voulaient entendre de moi. Cela dit, je ne voulais pas ajouter des voix gutturales à la musique pour satisfaire les gens. J'ai fait ce que chaque chanson exigeait et, au final, j'ai adoré CHANTER !

Vous avez des invités de marque comme John 5, Zakk Wylde et Brandon Yeagley sur l'EP. Comment ces collaborations se sont-elles concrétisées et qu'ont-elles apporté de spécifique à chaque chanson ?
Charlie : Je suis ami avec Brandon, Zakk bien sûr, et John 5 depuis un bon moment. A l’écoute de "Sick Ones", je me suis dit qu’elle était parfaite pour John. Il en a été de même concernant "Hell Or Hollywood" avec Zakk. Il fallait juste ces deux gars sur ces deux chansons. Brandon, quant à lui, m'a aidé sur certaines chansons de RUSH, pendant le confinement, quand je faisais des jams (NDLR : jams que vous pouvez retrouver sur la chaîne YouTube de Charlie Benante). Je savais que ce mec avait une voix géniale et aussi très polyvalente. J'étais donc persuadé qu'il pouvait être celui qui chanterait la partie masculine sur "Portland Oregon". Ils ont tous les trois fait un excellent travail. Ce qu'ils ont apporté à ces chansons était tout simplement parfait.
Tu as déclaré que chaque chanson est « une partie de ton histoire, d'une honnêteté sans faille ». Peux-tu nous donner un aperçu plus profond des thèmes lyriques abordés sur l'EP et comment ils reflètent ton parcours personnel, au-delà de ce qui est mentionné pour "Hell Or Hollywood" ?
Carla : J'adore raconter des histoires, que ce soit sous forme écrite, sous forme de chanson ou sous forme de bande dessinée. J'ai toujours écrit à partir de mon expérience personnelle et j'aime l'idée que l'auditeur puisse s'identifier à mon histoire. La chanson "Sick Ones" parle de se débarrasser des personnes toxiques dans votre vie. Il y a tellement de gens dans la vie qui essaient d'éteindre votre étincelle... J'en ai assez de me rabaisser pour les autres et c'est ce que j'avais besoin d'exprimer avec cette chanson. "Hell Or Hollywood" parle bien sûr du fait de déménager à Los Angeles à un jeune âge. "Sex & Cigarettes" est une petite chanson amusante qui parle de tomber rapidement et profondément amoureux de quelqu'un et de se laisser presque détruire par cet amour. "The Violent Hour" est probablement la chanson la plus personnelle que j'ai jamais écrite. Elle parle d'une fille qui se trouve au plus bas dans sa vie et qui essaie de comprendre ce qu'elle a fait.
Charlie, en tant que multi-instrumentiste ayant enregistré tous les instruments sur l'EP, comment as-tu géré l'ensemble du processus de composition et de production pour t’assurer que l'instrumentation serve au mieux la vision émotionnelle de chaque chanson ?
Charlie : Je faisais, d’abord, une démo de la chanson, avec une guitare, une batterie et une basse, puis je l'écoutais plusieurs fois. Je la faisais écouter ensuite à Carla pour savoir ce qu'elle en pensait. Nous commençions à l'allonger ou à la raccourcir, en supprimant les parties trop longues ou trop courtes. Blair Daly nous a beaucoup aidés à commencer les arrangements, tout comme Andy Lagis, qui s'est occupé de l'ingénierie. C'est ainsi que tout a commencé à prendre forme. Une fois que les chansons étaient au point, j'allais enregistrer. Je jouais un peu de guitare et de batterie. Je construisais la chanson, avec plusieurs niveaux de guitare et de basse, tout ce dont la chanson avait besoin. Je voulais juste que ça sonne comme une pièce orchestrée, en particulier la chanson "The Violent Hour", qui est pour moi la plus émouvante de l'EP, la façon dont elle se construit : elle commence par un petit morceau de guitare, puis se transforme en monstre.
Pourquoi avoir choisi THE VIOLENT HOUR comme nom de groupe et aussi comme titre pour l'un des morceaux de l'EP ? Y a-t-il une signification particulière derrière cette expression ?
Carla : J'ai toujours voulu avoir une "chanson thème" pour mon groupe. Elle a une double signification pour moi. Je vivais autrefois dans une maison du quartier Highland Park à Los Angeles, et à une certaine heure de la nuit, vers 3 ou 4 heures du matin, tous les animaux sortaient et on pouvait les entendre crier et se battre ; c'était un bruit très viscéral. Dans les autres endroits où j'ai vécu à Los Angeles, j'entendais les sirènes de la police et des ambulances la nuit, mais jamais les animaux, donc ces bruits m'ont vraiment captivée. On aurait dit qu'ils se déchiraient mutuellement. Je l'ai appelé "l'heure violente". Pour moi, "The Violent Hour" signifie aussi l'heure de la journée où l'on est sur scène pendant une tournée. La plupart du temps, les tournées sont ennuyeuses... votre maison et votre famille vous manquent. Mais pendant cette heure par jour, vous donnez tout ce que vous avez, toute votre énergie sur scène... C’est ce que symbolise « The Violent Hour ».

En tant que concepteur de la pochette, peux-tu nous en dire plus sur les inspirations derrière ce concept visuel distinctif et comment il représente l'identité du groupe ?
Charlie : L'idée pour la pochette était en gros une image que j'avais en tête, quelque chose en rapport avec James Bond et quelque chose qui plairait à Carla, comme les films de Russ Meyer, comme Faster, Pussycat! Kill! Kill!. J'ai pensé à cette image de la fille principale qui est au centre du logo de « The Violent Hour ». J'ai pensé aux cinq filles parce qu'il y a cinq filles dans le groupe et que chacune occupe une position différente, un peu comme dans une publicité pour James Bond. Nous avons suivi cette idée et j'ai voulu utiliser cinq couleurs différentes, car je trouve ces couleurs très agréables à regarder. Je me suis dit que la meilleure façon de mettre ces filles en valeur était de placer ces couleurs derrière elles, et c'est ainsi que la pochette a vu le jour. Tout cela est né de mon amour pour les films et l'art des années 60.
Maintenant que l'EP est sorti, quels sont vos projets pour THE VIOLENT HOUR ? Y a-t-il des plans pour des concerts, un album complet, ou d'autres formes de création ?
Carla : Je ne veux pas que les gens considèrent THE VIOLENT HOUR comme un simple projet d'enregistrement. THE VIOLENT HOUR sera un groupe et je répète actuellement avec des personnes afin de préparer nos premiers concerts. Charlie ne fera pas partie du groupe physique car il est un peu occupé avec ANTHRAX et PANTERA, mais il fera toujours partie du processus créatif. Mon groupe est entièrement féminin, ce qui me réjouit beaucoup étant donné mon amour pour le mouvement "Riot Grrrl" des années 90.
Tu as mentionné que cet EP a été un processus profondément "libérateur" pour toi. Peux-tu expliquer en quoi cette expérience diffère de tes projets musicaux précédents et ce que cela signifie pour ton avenir artistique ?
Carla : La réalisation de cet EP m'a appris à être à nouveau moi-même sans complexe. J'avais tellement peur de me lancer dans cette aventure et de ne plus faire partie de ce qui m'avait fait connaître pendant tant d'années. Aujourd'hui, cette peur a complètement disparu, je m'en suis libérée et j'ai devant moi une belle page blanche que je peux remplir comme je le souhaite.
