Difficile de se réinventer après plus de 25 ans de carrière. C’est le constat qu’ont fait les fans de RISE AGAINST à la sortie de « Nowhere Generation » en 2021, et celui que le groupe a visiblement fait suite à la réception tiède de celui-ci. Mais ce serait bien mal connaitre le groupe de Chicago que de penser qu’il allait se contenter de ce constat. En effet, dans une prise de risque totale et assumée, les punk-rockers américains se sont tournés vers Catherine Marks, la productrice derrière l’album « The Record » du trio indie-rock BOYGENIUS, qui aura rapporté à ces derniers pas moins de trois Grammy Awards ! Alors que vaut « Ricochet », le fruit de cette collaboration inattendue ?
Dès le premier titre révélé de l’album, le morceau d’ouverture "Nod", on a pu remarquer que les fans n’allaient pas adhérer immédiatement à ce virage. Le choix assumé de filtrer la voix de Tim McIlrath comme à travers un mégaphone n’aura pas été du goût de tout le monde, au point d’occulter, si on en croit les commentaires sur les réseaux sociaux, l’efficacité du morceau. Brûlot punk rock, ‘’Nod’’ souligne pourtant l’importance des événements que nous vivons tous actuellement dans l’apathie générale. Guerre, écologie, politique… Tous les maux sont en effet égrenés à travers la voix d’un Tim McIlrath qui chante cette fois plus lentement, comme pour être entendu plus distinctement lorsqu’il nous révèle les conséquences du « Ricochet », autrement dit, d’un effet papillon, nous rendant tous responsables de l’état du monde demain, même si celui qui nous a été laissé par nos aînés était déjà sur la mauvaise pente. Difficile de résumer ça uniquement à un effet sur la voix, pas vrai ?
En termes de traitement des instruments, là encore on voit que des changements ont été apportés, comme la guitare très brute du single "I Want It All", faisant même se demander s’il s’agit d’un mix final ou d’une démo. La guitare de Zach Blair râcle les oreilles à la manière de celle de Kurt Cobain sur « Bleach » de NIRVANA, pendant que la basse de Joe Principe se promène discrètement, et le message se révèle de nouveau peu à peu, utilisant les instruments quasi littéralement comme une accroche. Idem pour la chanson-titre, ''Ricochet'' qui utilise cette fois un genre de cymbale ultre saturée pour intriguer l'auditeur sur une ballade par ailleurs assez "clean", avant un refrain aérien qui fera à notre grande surprise penser au travail de Lars Nedland (SOLEFALD, WHITE VOID, BORKNAGAR...), piquant notre curiosité encore plus à vif et attirant notre attention toute entière vers ce que nous écoutons. Et ce vers quoi RISE AGAINST dirige notre regard n’est pas agréable à regarder : le monde d’aujourd’hui a dépassé de loin le point de non-retour sur de nombreux points, comme évoqué sur "Damage Is Done" et le magnifique "Gold Long Gone" (qui sera mon titre préféré de l’album pour son sens autant que pour sa mélodie). Cependant, tout n’est pas perdu et le groupe nous invite à ne pas abandonner sur "Us Against The World''. Une fois ce premier constat effectué, le son se fait plus habituel et nous offre des morceaux plus accessibles comme "Forty Days" ou l'excellent "State Of Emergency" où Tim McIlrath chante même « I need a sound that's too loud to ignore » (« j'ai besoin d'un son si fort qu'on ne puisse l'ignorer »), faisant écho au son de l'album que nous écoutons. Sur "Prizefighter", dernière chanson de ce « Ricochet », RISE AGAINST nous prévient enfin d'une chose : il n'est pas un groupe que l'on garde dans un enclos bien défini. A bon entendeur...
Avec « Ricochet », RISE AGAINST fait donc un constat difficile à admettre avec un album qui, avouons-le, ne plaira pas à tout le monde, tant il est exigeant pour l’auditeur habitué au son quasi clinique du punk-rock de 2025. Mais tout comme « Load » d’un certain METALLICA, on parie que « Ricochet » trouvera son public, qui saura entendre le message alarmant mais plein d’espoir d’un RISE AGAINST qui se réinvente cette fois totalement. On a très hâte de voir où les mènera le rebond de ce « Ricochet » !
