Déjà cinq ans ont passé depuis la sortie de « Ohms » en pleine crise de COVID, et DEFTONES propose enfin une suite à sa discographie. « Private Music » arrive donc en plein boom de TikTok, des "trends" autour du groupe (de nombreux morceaux sont en effet très à la mode sur les réseaux sociaux) et de dizaines de groupes empruntant allègrement (et souvent avec talent) les codes établis par le groupe de Sacramento. Le défi à relever pour la bande de Chino Moreno est donc d’être à la hauteur à la fois de sa légende pour les fans de longue date, mais aussi de séduire ce nouveau public, plutôt atypique pour un groupe qui fête cette année les 30 ans de son premier album, « Adrenaline ». Alors, « Private Music » est-il l’album qui répondra à ces problématiques ?
Dès les premières notes de "My Mind Is a Mountain", on serait tenté de dire oui immédiatement. Le morceau remet en effet directement dans le bain, entre les riffs puissants de Stephen Carpenter, la voix onirique d’un Chino Moreno en grande forme, la batterie sèche et puissante d’Abe Cunningham, et une basse solide assurée par le nouveau membre du groupe, Fred Sablan (ex-MARILYN MANSON entre autres, période « Born Villain »). Le groupe nous offre un enchaînement "push/pull" très réussi comme à son habitude, fluctuant entre couplets puissants, voire dansants ("Locked Club") et refrains aux allures de fleuve tranquille ("Infinite Source"). Il se permettra même de créer la surprise sur de longs morceaux à la structure moins évidente, nous saisissant pendant près de six minutes sur "Souvenir" et "Departing The Body", rappelant les meilleurs éléments de « Gore », mais intégrés d’une manière remarquable.
Au niveau du son, tout est impeccable, grâce à un mixage aux allures de travail d’orfèvre. Chaque fréquence est occupée par un instrument distinct, donnant une lisibilité rare à l’ensemble. On le voit particulièrement sur "Ecdysis", où la basse et la batterie ouvrent le bal, accompagnés de discrets claviers électro, avant une arrivée de la guitare et de la voix qui ne rendent pas l’ensemble plus brouillon, mais offrent un aperçu de la cohésion de groupe présente au sein du DEFTONES de 2025.
Si tout est propre et extrêmement bien produit, le groupe n’en oublie pas pour autant ses racines metal et les riffs sont là, et bien là. "Infinite Source" présente un riff trottinant à base d’harmoniques tandis que le chaotique "cXz" vient contrebalancer la fin particulièrement planante de "Souvenir". On remarque aussi une superposition de pistes de guitare acoustique en "ghost notes" ça et là, et des élans noise nous rappelant DAUGHTERS sur ce titre décidément surprenant derrière ses apparences plus simplistes. "Cut Hands" permettra aussi de redécouvrir un Chino Moreno rageur, assénant ses vers comme des coups de poing sur des couplets aux allures de dispute pendant que le refrain se fait narrateur extérieur au récit. On en prend plein la gueule...
Mais l’album ne se perd pas dans l’écueil de ne proposer qu’un ton. "I Think About You All The Time" viendra nous proposer un air mélancolique, quasi romantique, mêlant violons et larsen, et mettant la guitare saturée au troisième plan pour mieux servir une chanson absolument époustouflante de maîtrise. Le refrain se fait plus massif mais tout aussi doux, comme un géant précautionneux sur un morceau qui ravira les fans du côté shoegaze du groupe. DEFTONES se fera également tout petit sur "Departing The Body", sur une intro mystérieuse et calme, avant une prise d’ampleur époustouflante et occupant désormais tout l’espace sonore.
Après une telle fin d’album on réalise à quel point « Private Music » est hypnotisant, et certainement l’un des meilleurs albums du groupe. DEFTONES nous ont offert un disque définitif, aussi fascinant et addictif que sa couverture, et nous allons l’écouter en boucle pendant très, très longtemps.