
En ces jours d’automne, il n’y a pas que les feuilles qui se ramassent à la pelle ! Il est aussi réjouissant de constater que les labels, les plus établis comme les plus underground, font tomber de bons albums avec tout autant d'enthousiasme. De quoi passer de longues heures à se délecter de musique plus ou moins cinglante, plus ou moins atmosphérique, plus ou moins décapante : c’est au choix. Et vos émissaires du côté obscur, Aude, Clément et Crapulax, vous aident une nouvelle fois à faire le tri parmi toutes ces bonnes nouvelles grâce à une sélection non exhaustive de bon son. A vos platines... et à vos vestes à patches !
PESTILENTIAL SHADOWS : « Wretch » (Northern Silence/Brilliant Emperor)

Increvable défenseur d’un black metal sans concession depuis plus de deux décennies, le clan australien affiche une discographie touffue qui se rappelle aujourd’hui à nos bons souvenirs. Et « Wretch », huitième cru paru il y a un mois chez Northern Silence, ne déroge pas à la tradition. Velu mais non dénué de sensibilité, agressif mais chargé d’atmosphères épiques à souhait, PESTILENTIAL SHADOWS livre ici une très belle partition. Partition certes classique mais exécutée avec conviction, il faut dire que les musiciens ne sont pas nés de la dernière pluie comme en témoignent leur CV bien garni.
L’excellent titre "Despondent" illustre d’ailleurs à merveille les routes mid-tempos qu’ils s’autorisent aussi avec maestria ! Mais rassurez-vous, la flamme noire est toujours présente et la hache de guerre rouillée aussi (mazette ce "Aherbelts" simplement possédé ou "Embraced by the Spirit Mill" qui vient clore l’album avec classe et véhémence). Parfaitement produit, le son est rèche et abrasif à souhait, impitoyablement illustré par Greallach (à la manœuvre sur les deux précédents méfaits), « Wretch » tape un grand coup là où ça fait mal : ouch !
(Clément)
ECHOES OF GLOOM : « The Mind’s Eternal Storm » (ATMF)

Restons en Australie pour la suite du menu de fin gourmet avec ce one-man band fraîchement formé du côté d’Ipswich, au Queensland. Son instigateur, Dan Elkin, inconnu au bataillon, a choisi d’officier dans un black metal plutôt mid-tempo fleurant bon la fin des années 90. Et s’il s’agit ici de son tout premier album, ce dernier est redoutable de maturité.
Franchement, il est impossible de rester de marbre à l’écoute de ces sept titres bardés de trémolos et d’une intro qui semblent venir d’une autre époque. On pense pêle-mêle à ARCTURUS, DISSECTION, GEHENNA, le tout avec une personnalité et sensibilité propres à son créateur. C’est assez bluffant pour un début, d’autant que la production est parfaite pour le style.
Si en plus je vous dis que « The Mind’s Eternal Storm » est disponible à prix libre via le Bandcamp de l’artiste : pas besoin de se serrer la ceinture et une raison de plus pour se faire plaisir. Récemment réédité par le label Italien ATMF en double LP limité, ce premier album... a déjà tout d’un grand !
(Clément)
VIGLJOS : « Tome II : Ignis Sacer » (Les Acteurs de l’Ombre Productions)

VIGLJOS est un groupe suisse de black metal original dont la musique, largement influencée par la scène norvégienne des années 90, tire également sur l’atmosphérique et le dungeon synth. Vous les avez peut-être déjà remarqués grâce à leurs costumes entièrement blancs et leurs visages couverts par des structures en paille. Leur deuxième album « Tome II : Ignis Sacer » est totalement dans le thème puisqu’il traite de l’ergotisme, de la frayeur qu’il a provoqué au Moyen-Age mais aussi plus généralement de l’impact des drogues sur nos sociétés.
Après l’intro synthétique et instrumentale "Sowing", les huit nouveaux titres en portent l’essence grâce à un black metal parfois true et rapide ("A Seed Of Aberration", "Claviceps"), parfois lent, atmosphérique et mélodique ("The Rot", "The Harvest") parfois black n'roll et rythmé ("Dellusions Of Grandeur", "Decadency And Degeneration") jusqu’au dernier ambiant et instrumental à nouveau "Fallow-A New Cycle Begins".
La musique de VIGLJOS n’a de cesse de nous interpeler, par le message véhiculé, par l’imagerie associée et par les ambiances ressenties. Elle est riche et sensée et si le visuel est recherché, nul doute qu’en live, ce doit être une réelle expérience. Convaincant.
(Aude Paquot)
GJALLARHORN’S WRATH : « The Silver Key » (Non Serviam Records)

GJALLARHORN’S WRATH est un groupe de blackened death orchestral formé des membres originels du disparu de la scène espagnole OBLIVION. « The Silver Key » se compose de 10 titres hyper symphoniques, cinématiques même. Alors il faut s’y préparer car ça fait beaucoup de bruit !
Après une intro enflammée, "Wiccan Wyrd" pose les bases d’un black death hargneux où growls et hurlements frénétiques se mêlent à des rythmes blastés et des riffs plaqués. Les claviers imposants donnent une touche théâtrale à l’ensemble. Mais c’est "Abysswalker" qui révèle toute l’âme black metal symphonique de GJALLARHORN’S WRATH avec une belle mélodie et une atmosphère intéressante.
Les morceaux s’enchaînent alors dans un tourbillon alternant puissants passages death et black intense jusqu’au profond "Falcon Of Darkness », mid-tempo, lourd, mélancolique et atmosphérique, aux paroles récitées. Reposant, peut-être car moins pompeux, c’est la pépite de l’album.
Après le très agressif et sombre "Pain Remains The Core Of This World", l’ultime "A Silent Scream" clôture sobrement, sans grande démonstration, un « The Silver Key » parfois un peu too much, mais de bon augure pour la suite.
(Aude Paquot)
HERUVIM : « Mercator » (Redefining Darkness Records)

Peu de formations, de niveau amateur ou professionnel, peuvent se targuer de présenter du contenu original dans un style déjà épuré par des décennies de générations de musiciens ; cet HERUVIM semble être de cette trempe-là. Le quatuor ukrainien, dont l'essentiel de ses textes se base sur la mythologie développée par l'écrivain américain Robert E. Howard (un des pères fondateur du genre heroic fantasy et, accessoirement, créateur de Conan le Barbare) offre une version death metal totalement inédite qu'il tord avec le vice d'un tortionnaire sadique dans tous les sens, surtout dans des positions guère naturelles, pour laisser à l'écoute une impression délicieusement malsaine.
Aux lourdeurs pachydermiques s'enchaînent des instants plus alambiqués ou des outros inattendues ("Lacrimae Rerum"), aux riffs dissonants répondent de courtes parties solos plus classiques ou des passages atmosphériques acidulés ("Mysterium Tremendum") : à l'évidence HERIVUM aime à brouiller les pistes, créer la confusion, plonger l'auditeur dans l'inconnu et il le fait plutôt bie, sur « Mercator ».
Après la déferlante JINJER qui a conquis le monde du metal à vitesse grand V, le metal ukrainien n'en finit décidément pas de nous étonner !
(Crapulax)
SCORCHING TOMB : « Ossuary » (Time To Kill Records)

C'est à croire qu'il y a toujours eu des prédispositions naturelles à cette bonne vieille ville métropolite de Montréal pour le metal extrême, surtout le death metal technique présent depuis tellement d'années qu'il en est presque inscrit dans son ADN ! Les petits nouveaux SCORCHING TOMB y ajoutent un soupçon de hardcore bienvenu ("Skullcruch") pour accentuer le côté pêchu, ce qui le rapproche de groupes comme DESPISED ICON ou CRYPTOPSY.
Le 24 octobre prochain sera donc à marquer d'une pierre blanche pour nos amis canadiens puisqu'il verra la sortie solennelle de leur tout premier album, « Ossuary », empli de moments de gloire comme "Stalagmite Impalement" qui introduit magistralement l'album ou "Bloodlust Sacrifice" et son introduction démentielle. De quoi réchauffer les esgourdes endolories par un mois de septembre mièvre de froideur humide en prévision d'un hiver rigoureux ! Car dans sa chambre ou dans une salle de concert chauffée à blanc, cet « Ossuary » a de quoi balancer dans les amplis le genre d'énergie qui permet de tourner sans discontinuer au sein d'un circle-pit ("Bloodlust Sacrifice") ! Tabernacle, ça fait du bien par où ça passe !
(Crapulax)