27 octobre 2025, 21:55

CORONER

Interview Tommy Vetterli

Blogger : Clément
par Clément


​L’album « Dissonance Theory », sorti le 17 octobre chez Century Media Records, marque le grand retour du groupe suisse CORONER plus de 30 ans après la parution de son dernier album, « Grin ». Tommy Vetterli, son guitariste et fondateur aux côtés de son compère bassiste Ron Royce, a pris le temps de faire le point sur ce come-back inattendu avec HARD FORCE...
 

Tommy, après quelques jours de ce retour de longue date dans le monde du metal, quel est ton état d’esprit actuel ?
Je suis très content pour tout te dire. Je ne ressens pas de pression particulière, tout s’est bien déroulé jusque-là et je ne vois pas de raison pour que cela cesse avec la sortie officielle de l’album. Les deux singles, "Renewal" et "Symmetry", sur lesquels nous avons levé le voile il y a quelques semaines ont été bien reçus par les fans et par la presse. A ce sujet, je crois d’ailleurs n’avoir jamais fait autant d’interviews avant la sortie d’un album de CORONER, je vois également cela comme un bon signe. Il y a une attente, légitime, autour de « Dissonance Theory » et cela ne peut qu’inciter à être confiant pour la suite des choses.

Quel effet cela fait-il de hisser à nouveau le drapeau de CORONER à bord, plus de 30 ans après la sortie de « Grin » ?
Tout d’abord, il faut garder à l’esprit que nous n’étions pas complètement inactifs puisque nous avons effectué quelques dates au début des années 2010. Et l’idée, à l’époque, était juste de raviver la flamme, jouer de vieux morceaux, voir comment cela fonctionnerait et si l’alchimie entre nous était toujours présente. Le déclic a eu lieu un peu plus tard, en 2014, quand notre batteur Marquis Marky a quitté le groupe et que Diego Rapacchietti nous a rejoints. C’est à ce moment-là que nous nous sommes dit que cela pourrait être opportun de travailler sur de nouvelles compositions. Malheureusement les aléas de la vie – mon père est décédé, j’ai divorcé et d’autres choses personnelles – ont fait que ce projet a été remisé au placard en attendant des circonstances plus favorables pour sa mise en place. A vrai dire, je ne ressentais pas le bon "mood", la créativité n’était pas au rendez-vous, le timing n’était pas le bon. Il fallait que je puisse sortir aussi du quotidien de producteur dans mon studio pour briser la routine et retrouver de l’énergie. C’est finalement quelques années plus tard que j’ai pris la décision de m’isoler dans une petite maison nichée dans les Alpes suisses et que j’ai pu retrouver cette énergie, cette envie de composer quelque chose de neuf. Le reste a suivi naturellement son cours avec Ron et Diego. Et nous sommes ravis, comme tu t’en doutes, de remettre CORONER sur de bons rails aujourd’hui.

Pendant cette période de pause du groupe, notamment à la fin des années 90, tu as intégré KREATOR de 1997 à 1999 pour les sorties de « Outcast » et « Endorama », certainement les deux albums du groupe allemand qui ont le plus divisé les fans dans sa discographie. Ces albums t’ont-ils inspiré d'une manière ou d'une autre pour la direction future que pourrait prendre CORONER ?
Non, c’est une période qui remonte trop loin pour moi et dont je n’ai pas gardé d’influences particulières pour la nouvelle aventure de CORONER. En ce qui concerne ces deux albums, il faut bien avoir en tête qu’à la fin des années 90, le thrash et le heavy metal étaient sur le déclin, les groupes tentaient alors des brassages avec des musiques issues d’autres scènes comme l’électro, l’indus ou le gothic. L’expérimentation était à l’ordre du jour et KREATOR est allé assez loin dans cette démarche, que j’ai trouvée très intéressante par ailleurs. Je conserve aussi de très bons souvenirs de cette époque passée avec le groupe, notamment sur « Endorama » où j’étais à la fois musicien et producteur.

Tu joues également avec 69 CHAMBERS depuis 2011...
En effet. Il faut préciser qu’il s’agit du groupe de mon ex-femme (ndlr : Nina Vetterli-Treml) qu’elle a monté aux débuts des années 2000. Le style pratiqué quand j’ai rejoint 69 CHAMBERS était plus proche du grunge et du hard rock que celui qui m’anime aujourd’hui dans CORONER. Il m’a permis de tester pas mal de nouvelles choses à la guitare avec une approche différente, plus variée. Une bonne expérience en définitive...

Diego Rapachetti, l’actuel batteur de CORONER, était déjà à tes côtés pour la sortie des deux derniers albums de 69 CHAMBERS, « Torque » et « Machine »...
Oui, Diego est un musicien incroyable, capable de jouer dans tous les registres. Cette rencontre dans le cadre de 69 CHAMBERS m’a mis la puce à l’oreille et je savais que si CORONER devait renaître de ses cendres, sa présence serait indispensable. Tu peux d’ailleurs le constater sur « Dissonance Theory », sa prestation est technique mais pleine de feeling, il vise juste... avec une main de fer dans un gant de velours !

Le premier single révélé cet été, "Renewal", montre bien cette aptitude à varier les tempos, essayer de nouvelles choses en conservant ce qui fait le charme du groupe...
Merci. Les réactions à sa sortie ont été très bonnes, je pense que ce titre illustre bien cette envie qui habite l’album : rassembler les fans les plus anciens et ceux qui découvrent notre musique aujourd’hui, qui pourront s’y retrouver selon moi. Après, quand le label m’a demandé de choisir deux singles en avant-première, je n’étais pas très à l’aise avec ce sujet. Un album est un tout, une histoire avec des chapitres liés et il est délicat d’en retirer un ou deux en ayant à l’esprit : « Est-ce que sont ceux qui représentent au mieux notre démarche globale » ? A mon sens, "Renewal" était le choix le plus judicieux de par sa nature brute, immédiate. Quant au titre en lui-même, qui aurait pu incarner notre renaissance, c’est une pure coïncidence et il ne faut pas y voir de signification particulière, la musique parle pour elle-même !


Je trouve que sur ces dix nouveaux morceaux, vous avez davantage accentué le côté le plus mélodique et, en même temps, l'approche plus concise et moins progressive de votre musique. Est-ce une évolution naturelle pour le son de CORONER ?
Totalement. Et j’ai d’ailleurs tenu à en réaliser la production afin de m’assurer que cette direction serait bien respectée. Jens Bogren s’est ensuite chargé du mixage et du mastering avec doigté en respectant l’esprit initial. Quant à l’évolution stylistique, celle-ci est à mon sens naturelle, le groupe ne pouvait pas rester figé dans les années 90 et j’ai appris et développé de nouvelles compétences depuis, en tant que musicien et producteur, que cela se reflète forcément dans le son. Le côté très technique qui nous collait à la peau a en effet été mis de côté pour une vision plus mélodique, plus simple et directe dans l’exécution. Ce qui ne nous a pas empêchés de nous restreindre pour autant, si ce fameux côté technique colle au morceau ou une partie de celui-ci, alors nous le conservons. Nous n’avons pas fait de tri intentionnel dans les riffs, tout simplement pour conserver le côté spontané de notre musique.

Concernant les textes, ceux-ci évoquent de nombreux thèmes mais la technologie, l’intelligence artificielle reviennent à plusieurs reprises, comme sur "Consequence"... Qu’est-ce qui te fascines dans ces sujets-là ?
En fait, la technologie joue un rôle tellement important dans nos vies de tous les jours qu’il m’est impossible de ne pas y puiser de l’inspiration. Aujourd’hui, nous sommes en train de discuter par le biais d'une application de chat vidéo, avec un smartphone ou un PC et cela paraît normal mais c’est parce que cela fait partie intégrante de notre quotidien. Tout comme l’intelligence artificielle te permet de traduire des textes, de rédiger des mails en quelques secondes. C’était impensable que cela soit autant démocratisé il y a encore dix ans de cela ! Les choses changent vite, elles deviennent rapidement obsolètes sans que nous ayons le temps de nous en rendre compte. S’adapter est la clé de la réussite et il ne faut pas attendre que la technologie soit dépassée pour s’en emparer. S’il est trop tard, le retard devient encore plus dur à rattraper…

En ce qui concerne l'artwork, vous travaillez désormais avec l'artiste français Stefan Thanneur. Son œuvre est intrigante, mystérieuse et sombre. Peux-tu nous en dire un peu plus à ce sujet ?
Stefan a travaillé de main de maître sans avoir besoin des textes mais juste de quelques indications comme le titre de l’album et le concept qui était abordé. Ron lui a aussi partagé son envie d’avoir quelque chose qui aborde le sujet de l’ADN, d’une vision sombre mais qui ne tombe pas dans les clichés habituels du thrash ou du heavy metal, quelque chose de plus personnel en fait. Et il a fait le job à merveille !

Faisons maintenant un saut dans le passé. CORONER est considéré comme l'un des précurseurs de ce que nous avons appelé le "thrash metal technique" dans les années 80. Es-tu fier de cet héritage et peut-être de l'appropriation musicale de CORONER par des groupes plus récents comme VEKTOR, CRYPTOSIS ou VEXOVOID ?
Bien sûr ! Tu sais, nous n’avons pas gagné des mille et des cents avec le groupe à cette époque mais c’est très flatteur d’obtenir une reconnaissance artistique de la part de nos pairs. A défaut de nous être enrichis, nous avons légué cet héritage à ceux qui souhaitaient se l’approprier. En tant que musicien, c’est quelque chose qui me touche et me rend fier. Des personnes comme Mikael Akerfeldt d’OPETH ou des membres de DIMMU BORGIR écoutent toujours ces albums, cela ne se ressent pas dans leur musique mais le fait qu’ils me le disent à titre personnel est gratifiant. Même le chanteur de GHOST m’a contacté pour me dire que notre musique a eu un impact non négligeable aux débuts du groupe... c'est dire !

Jetons un coup d'œil à cette année : vous avez marqué le 40e anniversaire de CORONER avec la tournée nord-américaine "Non Omnis Moriar" en compagnie de DECEASED. Avez-vous "testé" de nouvelles chansons en live ?
Nous avons en effet joué "Sacrificial Lamb" lors de cette tournée et les retours ont été très bons. Bien sûr, les fans ne connaissaient pas encore les paroles et ils étaient plus dans une situation de découverte et d’analyse. Alors qu’un morceau comme "Masked Jackal" était, lui, repris à l’unisson !

Regardons maintenant vers l'avenir : peut-être une tournée est -elleprévue ici en Europe en 2026 ? Devrions-nous nous attendre à plusieurs morceaux de « Dissonance Theory » interprétés sur scène, ajoutés aux classiques comme "Internal Conflicts", "Reborn Through Hate" ou "Die By My Hand" ?
Oui, une tournée est en cours de préparation, nous avons opté pour une nouvelle agence de booking qui s’occupe de tout cela pour l’Europe et les Etats-Unis. Nous avons faim de concerts, comme tu te doutes depuis tout ce temps, et avons à cœur de retranscrire avec nos tripes « Dissonance Theory » sur les planches. Tout comme nous assurerons aussi le "fan service" avec de plus vieux morceaux. C’est la règle, il faudra contenter le maximum de gens ! Et cela nous va très bien comme ça...
 

Blogger : Clément
Au sujet de l'auteur
Clément
Clément a connu sa révélation métallique lors d'un voyage de classe en Allemagne, quelque part en 1992, avec un magazine HARD FORCE dans une main et son walkman hurlant "Fear of the Dark" dans l'autre. Depuis, pas une journée ne se passe sans qu'une guitare plus ou moins saturée ne vienne réjouir ses esgourdes ! Etant par ailleurs peu doué pour la maîtrise d'un instrument, c'est vers l'écriture qu'il s'est tourné un peu plus tard en créant avec deux compères un premier fanzine, "Depths of Decadence" et ensuite en collaborant pendant une dizaine d'années à Decibels Storm, puis VS-Webzine. Depuis 2016, c'est sur HARD FORCE qu'il "sévit" où il brise les oreilles de la rédaction avec la rubrique "Labels et les Bêtes"... entre autres !
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