27 octobre 2025, 21:56

THE ACACIA STRAIN

Interview Devin Shidaker


Le rouleau compresseur THE ACACIA STRAIN écrase des nuques avec douze titres deathcore ravageurs. « You Are Safe From God Here », paru le 24 octobre chez Rise Records, est probablement l'album le plus audacieux du groupe, entre titres courts et explosifs et un morceau de clôture digne d'un opéra cauchemardesque. Devin Shidaker, guitariste du groupe américain, nous en dit plus.
 

On a adoré cet album ! La première question qui vient à l’esprit est… pourquoi ? Vous proposez onze morceaux n’excédant pas les trois minutes et une douzième piste qui s’étale sur treize minutes...
Devin : Quand nous écrivons des chansons, nous gardons tous à l’esprit qu’une fois que nous arrivons au point où nous avons dit tout ce que nous avions à dire musicalement parlant, nous concluons le morceau sans chercher à y ajouter quoi que ce soit. Je préfère laisser le public rassasié ou avec l’envie d’un peu plus, plutôt que l'écœuré par un excès malvenu. Par le passé, nous avons pu nous dire que, si un morceau faisait deux ou trois minutes, on allait l’allonger sur cinq minutes en rejouant une partie ou en ajoutant quelque chose. Aujourd’hui, nous préférons suivre le flux d’énergie. Si le résultat est court, c’est très bien. S'il dure treize minutes, c’est ce qui fonctionne pour cette piste et pour nous. Nous ne nous sommes jamais dit : « Allez, écrivons un morceau de treize minutes ». On a juste pensé à une ambiance plus ou moins doom ou sludge, avec des parties qui ont besoin d’être jouées plus longtemps. Ce titre est fait de différents mouvements et sections, il est donc plus long. Mais si cette longueur avait été superflue, nous n’aurions pas hésité à couper.

Vos chansons sont très intenses, très concentrées en énergie…
Quand on écrit, on le fait avant tout pour nous. Je pense que le groupe a toujours un peu évolué parce qu'on compose toujours la musique qu'on a envie d'entendre et d'écouter. Là, on a une idée assez précise de ce qu'on veut faire. Si on n'a pas le feeling une fois le morceau terminé, on se demande : « Pourquoi l'avoir fait ? » Quand on est arrivé en studio, on avait une quarantaine de démos dans notre Dropbox d'idées. La plupart sont jetées sans forcément être mauvaises parce qu’elles ne nous procurent pas l'émotion qu'on recherche. On a toujours cette mentalité, on veut quelque chose qui nous mette mal à l'aise et qui soit absurdement lourd. Et une liste très, très courte de cases à cocher. Il existe de nombreuses façons d'aborder ces sentiments. Si une chanson correspond à l'une de ces deux catégories, ou aux deux, elle peut prétendre à l’enregistrement. Cela nous aide à affiner notre sélection.

Vous avez aussi donné un sens à cet album. Il ne s’agit pas simplement de l’assemblage de douze chansons. Peux-tu nous parler du fil rouge qui les réunit ?
Vincent, notre chanteur, a commencé à écrire une sorte d'histoire fantaisiste et libre dans laquelle une certaine forme d'humanité découvre, à un moment donné, ce qu'elle considère comme étant Dieu, mais sous une forme différente de ce qu'elle pensait. Maintenant que cette entité est réveillée, elle sème la terreur dans le monde entier, donc l’humanité essaie de trouver un refuge. Au sens figuré, il n'y a pas de mauvaise façon de voir l'album. Le Dieu dont on peut vouloir s’abriter représente tout ce qui contrôle notre vie : ça peut être notre travail, notre patron, nos parents, tout ce qui a un impact négatif sur notre vie et qui nous donne l'impression de n'avoir aucun contrôle dessus. Quand on écoute l'album ou quand on est à un concert de THE ACACIA STRAIN, même pour un court instant, on se dit qu'on est à l'abri de tout ça, qu'on ne s'en soucie pas. Donc ça a plusieurs significations et c'est comme si chacun pouvait décider de ce qu'il veut y voir. On voulait que le concept soit plus libre, au lieu de se dire : « Voilà LE sujet de l'album. » C'est plutôt comme ça que ça a commencé. Et ça a évolué. Vous pouvez, en quelque sorte, prendre votre propre décision, car cela aura une signification différente pour chaque personne.

Vous avez aussi choisi l’ironie : le titre signifie : "Vous êtes à l’abri de Dieu ici." et l’album regorge d’allusions religieuses comme l’eucharistie ou les reliques. Vous aimez incorporer de l’humour dans votre musique ?
Je suis vraiment content du nom que Vincent a donné à chaque morceau de cet album. Et puis, en ce qui concerne notre groupe, même si notre musique est très sérieuse, on aime toujours s’amuser tous les cinq. Et parfois, on a un peu d'ironie. On se moque un peu de quelque chose subtilement... Parfois, ça peut être un clip complètement absurde, ou juste quelque chose de ridicule. Donc on prend juste du plaisir tout en faisant l'album qu'on veut.


Le single "A Swamp Mentality" qui allie groove et gros blasts. J'imagine que vous avez hâte de tourner en décembre pour pouvoir le jouer !
Oui, il y a beaucoup de morceaux qu’il me tarde de jouer en live ! On a déjà joué "A Call Beyond" parce qu'on l'a sorti juste avant la tournée. Et pendant celle-ci, on a sorti "Holy Moonlight". Quand on est en tournée, on ne commence pas à jouer un morceau alors que la moitié des dates est déjà derrière nous. C'est donc comme si on avait fini la tournée et que les gens voulaient l'entendre. Et c'est bizarre, parce que d'habitude, quand on sort un nouveau morceau, on ne peut pas encore le jouer parce que les gens n'ont pas encore eu le temps de l'assimiler. Mais les gens l'ont vraiment aimé et j’aurais vraiment voulu pouvoir le jouer.

J'aimerais que l'on parle à présent de "Sacred Relic", de son ambiance écrasante et de sa fin tout en scream plein d’émotion. J’ai l’impression que globalement, vous avez poussé la voix et les instruments encore plus loin sur cet album...
C'est vraiment le cas avec ce groupe, on se dépasse toujours et on progresse. On ne veut pas faire comme d'habitude. On veut toujours ajouter quelque chose. Donc ça peut vouloir dire que Vincent essaie de nouvelles choses, comme ce passage à la fin de cette chanson, où on est tous les deux et on a tout superposé. Et c'est précisément ce qui fait ressortir l'émotion et qui fait que j’espère que vous allez ressentir la même chose que nous quand vous l’écouterez. Et si ça veut dire crier comme il l'a fait, alors ça marche. C'est pareil avec les idées de guitare, de batterie, etc. On essaie toujours de nouvelles choses. Avec la guitare, évidemment, le riff vient en premier, mais il y a toujours des tentatives de trouver des sons et des trucs où je me dis : « Oh, comment faire pour obtenir quelque chose qui sonne comme ça ? » Même dans "Sacred Relic" pour la partie après le sample : c’est un passage que j'ai écrit après avoir vu Terminator et toutes ces scènes de flashback et de flash-forward de la guerre du futur où les robots piétinent des crânes humains. Je me dis que c'est l'inspiration du riff qui est lent, comme en accords mutés. Mais ensuite, il y a ce bend très précis qui, pour moi, est presque robotique, comme quand ils tournent la tête d’un coup. C'est l'état d'esprit et c'est ce que j'ai ressenti en écoutant toute cette partie, avec l'idée de me dire : « Oh, ça ressemble à Terminator. » C'est juste comme si ces gens fuyaient, terrorisés, et se cachaient.

On peut imaginer que tu as commencé avec cette idée robotique pour le riff, et à l'opposé, la voix est probablement la plus humaine et la plus émotionnelle qu'on puisse entendre. C'est original de les avoir combinées, ça marche très bien...
Oui. Et en plus sur cette partie, la batterie change tout du long. C'est pareil avec les placements vocaux : ça montre à quel point il est possible d'aborder une chose simple de multiples façons, car la guitare ne change pas vraiment à ce moment-là, contrairement à tout le reste. Et ça ajoute une dimension humaine qui fait qu’on ne se dit pas : « C'est robotique et répétitif. ». On se demande comment continuer à changer.

Un autre morceau particulièrement fort, c'est "Mourning Star" dont le titre m’évoque Lucifer Morningstar. C’est voulu ?
Oui, c’est ambivalent. Encore une fois, c’est fait pour que chacun puisse interpréter de la manière qui lui parle le plus.

C'est assez ironique que le groupe en featuring sur "The Machine That Bleeds" s’appelle GOD’S HATE. Comment s’est faite cette collaboration ?
En fait, ce sont des amis ! On voulait les avoir sur une chanson depuis des années et on a enfin réussi. C’est génial de les avoir tous les deux sur l'album ! On peut leur faire crier le nom de leur propre groupe. Mais ça colle aussi à l'album, donc je pense que c'est l'endroit idéal pour eux.

Il y a aussi une intervention de Sunny Faris de BLACKWATER HOLYLIGHT, là aussi, un nom prédestiné. Vous la connaissiez ?
Non, on ne connaissait pas Sunny, on est juste fans de BLACKWATER HOLYLIGHT et Vincent l’a contactée en espérant qu'elle serait intéressée pour faire une collaboration avec nous. Heureusement, elle l'a été, car on était convaincus qu’elle serait parfaitement à sa place dans ce rôle : cette voix, c'est quelque chose qu'on ne peut pas faire. On est très reconnaissants qu'elle ait accepté de le faire et je trouve que ça sonne bien. Une fois l’enregistrement terminé, on était tous ravis.

L'artwork de l’album s'inscrit bien dans le thème, avec ce côté lithographie. Peux-tu nous en dire plus ?
Alors très franchement, je ne sais plus qui l'a fait, parce que c'est un tatoueur. Notre manager m'a dit : « Je connais un gars qui a fait ça pour quelqu'un d'autre. » Et je suis en train d'oublier son nom, désolé. Mais son travail est génial... Au départ, Vincent voulait faire une sorte de gravure sur bois, mais on aurait eu besoin de temps pour trouver un artiste, sachant que personne n'avait le temps de le faire dans les délais. Et puis il y avait la question du prix qui se posait, bien qu’un prix élevé soit tout à fait justifié, car les artistes méritent d'être payés pour leur travail. Le prix et le temps nécessaires auraient vraiment retardé la sortie de l'album et on ne pouvait pas le faire. Notre manager a suggéré cet artiste en disant : « Ça va le faire. » Quand on a vu ce qu'il a proposé, on est resté bouche bée.

Vous lui avez fait écouter l’album et donné des indications ?
Vincent lui transmettait tout ça, c’est son domaine. Bien qu’on aime la musique et qu’on aime tous collaborer dessus autant que possible, si on est trop nombreux pour la direction artistique, ça peut faire partir les idées dans tous les sens et pas forcément pour le meilleur. Du coup, Vincent a ses idées. On les prend et, comme on sait aussi que Vincent donne une certaine liberté à l’artiste, on le laisse faire au lieu de pinailler sur chaque détail. On lui dit ce qu'on veut, et voilà.

Prévoyez-vous de venir jouer en France prochainement ?
Rien n’est gravé dans le marbre pour le moment, mais nous souhaitons clairement revenir jouer en Europe en 2026.

Génial ! On garde un super souvenir de votre passage au Hellfest en 2024...
Oh oui, c’était top. On a finalement pris la décision de passer plus de temps en Europe parce qu'on commence enfin à être connus. Pendant longtemps, l'Europe ne s'est pas souciée de nous et c'est en partie dû au fait qu'on n'y allait pas assez souvent. Quand on ne vient que tous les deux ans, on ne reste pas dans l'esprit des gens. En 2014, on a même fait un concert où on a joué devant huit personnes, pas plus. C'est dur de voyager de l'autre côté de l'océan, mais finalement, on s'est dit que c'était notre problème, qu'on n'en faisait pas assez pour être là-bas et jouer pour le public européen. Alors on a commencé à le faire et maintenant, c'est génial. Ces derniers temps, quand on y est allés, on a vu que les gens commençaient à comprendre notre musique et à nous soutenir. On se sent comme chez nous au lieu d'être dans un endroit étranger où personne n'aime notre musique et où on nous écoute à peine. C'est vraiment sympa et les festivals sont géniaux. C'est vraiment quelque chose d'exceptionnel, surtout le Hellfest, qui est le festival le plus fou que j'aie jamais vu. C’est vrai qu’on commence enfin à avoir des festivals sympas aux États-Unis, mais en Europe et surtout au Hellfest, il y a plein de groupes underground qui jouent devant des foules immenses. Voir des sets de tête d'affiche au Hellfest, c'est de la folie.


Blogger : Carole Cerdan
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