L’histoire du metal regorge de groupes sous-cotés, d’artistes maudits qui ne doivent bien souvent leur statut "culte" qu’à l’accueil phénoménal qui leur est réservé au Japon, le pays du Soleil-Levant étant, on le sait, le terreau de formations dont les talents ne peuvent être reconnus que par des gens aux sens artistiques aiguisés comme les Nippons. ALCATRAZZ fait partie de cette catégorie, lui qui n’a jamais vraiment été reconnu à sa juste valeur en Europe ou aux Etats-Unis malgré un premier album phénoménal, « No Parole From Rock'n'Roll », publié en 1983 puis un album live tout aussi éblouissant, « Live Sentence », justement enregistré au Japon et sorti un an plus tard. Trop américain pour les Européens ou trop européen pour les Américains ? Sans doute quand on écoute attentivement la musique proposée par le groupe dont les mélodies aériennes, et parfois même AOR, se frottent constamment à la rugosité d’un hard rock devant plus à RAINBOW qu’à FOREIGNER ou SURVIVOR.
Toujours est-il qu’en 2025, ALCATRAZZ semble bien parti pour (essayer de) reconquérir les cœurs des fans d’Europe et d’ailleurs avec une compilation de classiques réenregistrés avec son nouveau line-up, à savoir les indéfectibles Gary Shea à la basse et Jimmy Waldo aux claviers, Giles Lavery au chant, Joe Stump à la guitare et Mark Benquechea à la batterie. Réelle volonté d’affirmer la solidité de cette nouvelle formation ou petite crotte de nez lancée au visage de Graham Bonnet, qui a perdu la bataille juridique qui l’opposait à son ancien groupe ? Il y a sans doute des deux dans ce « Prior Convictions » qui, malgré deux nouvelles compositions, ne révolutionnera pas grand-chose dans le petit monde du heavy metal. Et même si, dorénavant, ALCATRAZZ est uniquement la propriété des deux ex-NEW ENGLAND, on ne peut que regretter les tensions existant entre Bonnet d’un côté et Shea et Waldo de l’autre tant le line-up originel avait quelque chose de magique.
Las, de magie, « Prior Convictions » en est dépourvu. Non pas qu’il s’agisse d’un massacre en règle de titres intemporels, mais déjà, était-il nécessaire de réinterpréter des morceaux aussi bons dans leur version d’origine ? À ce petit jeu, beaucoup de groupes se sont cassés les dents avant ALCATRAZZ, et la bande de Shea et Waldo n’échappe pas - vraiment - à la règle. Même si le choix de se reporter sur Giles Lavery pour assurer le chant est largement compréhensible (le bonhomme, qui a été le manager de Graham Bonnet avant d’être celui d’ALCATRAZZ, en plus d’avoir produit tous les albums du groupe depuis 2018, a contribué au chant sur « V » et a même remplacé Bonnet sur scène à quelques reprises), il faut bien admettre que l’ex-WARLORD n’a pas le grain si particulier ni même la puissance de l’élégant Britannique. Et le jeu de Joe Stump, s’il dénote un indéniable talent, n’a pas la fluidité de celui de son maître, Yngwie J. Malmsteen.
Maintenant, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas écrit non plus ! Oui, je sais, c’est débile comme phrase… En se bornant à juger la formation pour ce qu’elle est en 2025, et uniquement pour cela, on peut trouver quelque charme à ce « Prior Convictions », notamment celui de découvrir des morceaux comme "Starr Carr Lane", "Too Young To Die" ou "Skyfire" sous un angle plus heavy metal et moins foncièrement hard rock. En cela, on peut dire que l’album constitue une photographie précise de ce qu’est devenu ALCATRAZZ depuis son retour discographique en 2020. Et les deux nouveaux titres, l’instrumental "Transylvanian Requiem", qui, par ses accents slaves, nous ramène vers de sombres contrées jadis fréquentées par le Comte Dracula, et "Stand And Wait Your Turn", dont le refrain, bien agressif, aurait fait les choux gras d’un Tim "Ripper" Owens, font plutôt bien leur boulot, à l’image des dernières réalisations du groupe. Il n’y a plus qu’à espérer que « Prior Convictions » fasse découvrir cette légendaire formation à une toute nouvelle génération de fans. Voilà, sans doute aussi, l’une des raisons motivant la sortie de cet album...