
Décines, banlieue de Lyon, 10 décembre 2025, LDLC Arena. Cela faisait plus d'un an que la date avait été retenue par les fans de metal, et tout spécifiquement de GOJIRA. Deux ans après la tournée « Fortitude », les géants du metal français sont de retour pour une douzaine de dates historiques à travers l’Hexagone, dont Lyon est l'avant-dernière.
Après un léger cafouillage entre les horaires annoncés et ceux auxquels débutent réellement les prestations, nous découvrons les Danois NECKBREAKKER sur scène à 19h45. Le groupe, récemment signé chez Nuclear Blast Records, est toujours en promotion de son album « Within The Viscera » sorti en décembre 2024. Le groupe bénéficie d'une bonne couverture médiatique en réalisant une des premières parties de GOJIRA, et il en profite clairement pour nous lancer un set des plus énervés et intenses. Il faut dire que son album mélange death et groove metal sans faire de compromis. La prestation est bonne et le public semble conquis.
COMEBACK KID prend rapidement la suite des hostilités avec son punk hardcore super efficace. Avec leurs presque 25 ans de carrière, les Canadiens ont accumulé une solide expérience qui leur permet d'assurer un set parfaitement maîtrisé. COMEBACK KID fait partie de ces formations qui n'ont pas besoin d'un gros show pour produire leur effet : tout est dans la musique et dans l’énorme énergie déployée pour l’exécuter. On se laisse très vite convaincre par "Because Of All" et "Heavy Steps". On apprécie aussi énormément la reprise de SEPULTURA, "Refuse/Resist", qui met absolument tout le monde d'accord. De toute évidence, ce morceau de 1993 reste un indétrônable du metal, un hymne que l’on est heureux de retrouver à chaque fois. Le groupe enchaîne ainsi les gros titres avec une intensité qui lui est propre jusqu’au final marqué par un "Wake The Dead" bien senti.

Après la tournée massive de 2023 qui promouvait la sortie de l’album « Fortitude » en 2021, GOJIRA aurait pu suivre le cycle habituel et retourner tranquillement en studio pour donner suite à son dernier chef-d’œuvre. Seulement, un événement inattendu est venu donner une dimension nouvelle au groupe : sa participation à la cérémonie d’ouverture des J.O. Le groupe est devenu un représentant du metal au niveau planétaire. Ces trois minutes de musique suspendu sur la façade de la Conciergerie en compagnie de Marina Viotti ont été à la fois une surprise et une consécration. Cela a-t-il d’ailleurs été un élément décisif dans sa participation aux adieux d'Ozzy Osbourne en juillet 2025 parmi les plus grands représentants du genre ? Possible. Mais dans tous les cas, le groupe a été définitivement reconnu par ses pairs comme l’un des groupes de metal les plus influents au monde.
Il y a quelque chose de complètement fou quand on suit le groupe depuis des années, mais surtout énormément de mérite : GOJIRA n’est pas arrivé là par hasard. Son travail est exceptionnel. Et qui aurait cru qu’un groupe d’une telle intensité puisse un jour, en France, jouer devant autant de monde, avec des infrastructures rivalisant avec les shows les mieux travaillés ? GOJIRA a réussi quelque chose que très peu d’artistes - et encore moins dans le metal - parviennent à accomplir. Et ce soir, une nouvelle fois, GOJIRA nous démontre tout son savoir-faire.
Si, lors de la tournée 2023, il y avait une certaine surprise à les découvrir sur la grande scène de la Halle Tony Garnier après plusieurs concerts au Transbordeur, l’effet s’est dissipé. On ne s’habitue pourtant jamais totalement à retrouver un groupe de cette trempe dans des salles aussi grandes. C’est d’ailleurs ce qui crée encore une véritable magie et un émerveillement constant.

GOJIRA nous livre un show digne d’un groupe tel que TOOL, les lasers en moins. Les lumières, les flammes, le son… tout est impeccable. Joe, blessé au poignet, n’est pas en mesure d’assurer l'intégralité de ses parties de guitare et est temporairement remplacé par Greg Kubacki, guitariste de CAR BOMB. Beaucoup de groupes l’auraient fait jouer derrière un rideau, mais pas ici, loin de là même. Greg est pleinement intégré au show, se déplace comme n’importe quel autre membre, au point qu’un spectateur lambda pourrait croire qu’il fait partie du groupe depuis toujours. Cette attitude nous rappelle à quel point, malgré leur statut colossal, les membres de GOJIRA sont restés profondément humains. Cela peut sembler évident, mais ce n’est pas si courant dans ce milieu là.
On salue l’ambiance qui règne sur scène, ainsi que la précision chirurgicale des titres distillés tout au long du set. N’étant plus vraiment en tournée promotionnelle, GOJIRA en profite pour revenir dans le temps et remettre à l’honneur « From Mars To Sirius », qui fête déjà ses 20 ans. D’ailleurs, aux stands de merchandising, chaque date a son affiche exclusive, inspirée de l’album mais différente à chaque fois.

On retient de cette soirée une set-list parfaite, qui traverse toutes les périodes du groupe, avec une entrée marquante sur "Only Pain" et "The Axe", de véritables bulldozers. S’ensuivent des morceaux implacables comme "Backbone", "Stranded" ou "The Cell". On est ravis de retrouver le très death metal "Wisdom Comes". Je doute fortement qu’au moment de l’enregistrer, les frères Duplantier aient imaginé le jouer un jour devant 10 000 personnes en tête d’affiche. Et pourtant !... Je doute aussi qu’ils aient un jour imaginé des baleines volantes passer au-dessus du public pendant "Flying Whales" - encore moins que cela créerait un petit accroc avec Julien DOré. Tout est possible… et complètement dingue lorsqu’on prend du recul.
On retrouve ensuite une pépite avec "From The Sky", avant que le set ne prenne, à mon sens, une dimension supplémentaire à partir de "Another World". À partir de ce moment là, une magie particulière s’installe. Que dire d’un "Silvera" d’anthologie ou "Mea Culpa (Ah! Ça ira!)" désormais mythique ? "Born In Winter" confirme son statut de classique, tout comme "Born For One Thing", mais différemment. On replonge encore dans le passé avec "Where Dragons Dwell"/"To Sirius"/"Ocean Planet"/"In The Wilderness" avant un moment de communion inéluctable avec "The Chant", suivi de "Amazonia". Le groupe conclut par un rappel d’anthologie avec l’incroyable "L’Enfant Sauvage" et son déluge de flammes, puis boucle la soirée sur une note plus douce et poétique avec "Global Warming"...

GOJIRA frappe fort, vraiment fort. Donner de tels moyens à un groupe de ce genre était la meilleure idée possible, et largement méritée. GOJIRA est un groupe à part, une évidence absolue. C’est probablement le groupe qui s’inscrit le mieux dans son époque. La formation n’est pas hors-sol : elle est enracinée dans la même planète que son public, et cela se ressent à chaque instant. GOJIRA est presque une anomalie dans la matrice musicale... mais une anomalie magnifique, qui génère d’innombrables choses positives. Une anomalie qu’il ne faut surtout pas corriger.
Photos © Anthéa - Portfolio
