Incarnant l’une des multiples facettes musicales du stakhanoviste Roman Saenko (DRUDKH, HATE FOREST, PRECAMBRIAN...), WINDSWEPT est de retour avec un troisième album qui une fois de plus met en lumière le souffle glacé de l’histoire ukrainienne. Vous retrouverez d’ailleurs, pour les plus curieux d’entre vous, les chroniques de ses deux premiers albums dans nos colonnes. Ici point de fresques épiques et mélancoliques qui constituent l’essentiel de son groupe principal, DRUDKH, mais au contraire une forme de noirceur plus immédiate, plus viscérale. Rompant avec la tradition de ses précédents travaux, souvent enregistrés dans l'urgence de l'improvisation, cet album gagne en profondeur grâce à sa cohérence conceptuelle et ses compositions plus profondes.
Inspiré par le Livre Noir du Château de Kremenets, Saenko et ses deux acolytes nous replonge dans l'Ukraine du XVIIIe siècle, au cœur des procès en sorcellerie de 1753. En exhumant des riffs du siècle dernier pour illustrer ces chroniques judiciaires, il réalise ici un tour de force : il réconcilie la rage du black "old-school" avec la maturité d'un historien de l'ombre et un soupçon de modernité bienvenue. Ce disque est une immersion sans retour dans les couloirs du château de Kremenets…dont l’on ne ressort jamais vraiment indemne : pas de solos complexes ni de nappes de synthétiseurs grandiloquentes. Tout repose sur la distorsion et la vitesse d'exécution. La section rythmique est à ce titre impressionnante : Les passages en blast beats sont exécutés par son fidèle lieutenant Vlad avec une ferveur qui évite la linéarité systématique en conservant un feeling humain, tout en délivrant le minimum syndical de saleté nécessaire pour le côté "coup de poing dans la tronche". Ce qui n'empêche pas les passages mid-tempo (notamment sur "Verdicts") où la basse se fait plus ronde et pesante, d'ancrer la musique dans une noirceur presque doom par moments.
En définitive, « The Devil’s Vertep » confirme que WINDSWEPT n’est pas qu’un simple projet parallèle de plus, mais un exutoire nécessaire pour Saenko. Là où DRUDKH sublime l'histoire ukrainienne par une mélancolie épique et orientée sur la nature, WINDSWEPT en extrait lui, la quintessence la plus rance et la plus violente. Attention, nous ne parlons pas non plus de l'extrémisme musical d'un HATE FOREST mais la garantie "tradi" bat néanmoins son plein avec des blasts à profusion, une section rythmique déchaînée et des vocalises passées au papier émeri. Tout ce qui fait le charme des productions ukrainiennes sommes toutes, le son rugueux mais puissant qui va bien en bonus. A signaler aussi au passage un superbe artwork signé des mimines d’Obsidianbone. Et une nouvelle fois… une incontestable réussite qui conforte le groupe dans ce qui se fait de mieux dans le genre !