CHICKENFOOT, je n'aurais pas fait le pari que le projet s'étende au-delà d'un album et d'une tournée. Ça sentait le "one-shot" à la H.S.A.S. pour ceux qui ont connu...
Et en terme d'odorat, on ne peut pas toujours avoir le nez creux.
De fortes personnalités ayant de la bouteille sont-elles prêtes à concéder et partager durablement, c'était la question qu'on était en droit de se poser.
La réponse semble être oui.
On peut aussi s'interroger sur les motivations des quatre membres de CHICKENFOOT. Pour Sammy Hagar, il est clair que depuis VAN HALEN, point d'alternative en dehors d'une carrière solo qui semblait s'éteindre à petit feu. Pour Joe Satriani, hormis le rituel du G3 et des albums instrumentaux à travers lesquels il n'a strictement plus rien à prouver, plus rien à nous apprendre, la voie d'un groupe était une option salutaire. Michael Anthony, depuis VAN HALEN, était plutôt végétatif ; quant à Chad Smith, difficile d'imaginer qu'il puisse quitter cette rente à vie que sont les RED HOT CHILI PEPPERS. Ce qu'il confirme puisqu'il ne sera pas de la tournée.
Et c'est là que l'alchimie est étonnante. Elle était perceptible sur le premier album, mais on aurait pu mettre cela sur le compte de la fraîcheur de la rencontre, de cet esprit jam session qui suintait.
Avec ce deuxième disque, étrangement estampillé "III", nous ne sommes plus dans l'heureux accident. Il y a de vraies compos, élaborées par une entité, un groupe qui semble uni pour durer. A l'image de ce démarrage tonitruant sur "Last Temptation". Du riff, de la walking basse ronde, des breaks, des choeurs qui donnent envie de beugler avec Sammy, l'inaltérable blond, et de rejouer le solo organique de Joe (qui se débarrasse de tout le paquetage encombrant de la démonstration technique, et c'est l'un des très gros atouts de l'album).
Il demeure ici ou là quelques facilités que peut commettre une formation de vieux briscards pêchant par trop de confiance et d'arrogance. J'en veux pour preuve l'insupportable "Different Devil" formaté pour des radios américaines qui, aujourd'hui, se contrefichent de ce type de répertoire. On n'est plus dans les années 80 les gars ! Surtout que ce n'est pas l'esprit dans lequel CHICKENFOOT se doit d'évoluer.
Il y a aussi peu d'inspiration dans le très facile "Alright Alright" à la mélodie banale, avec deux accords qui surgissent que Joe aurait pu s'abstenir de piquer à STEPPENWOLF, etc...
Heureusement, ces diversions inutiles ne font que renforcer les qualités du reste. "Up Next" et son imparable refrain, "Lighten Up" - du pur hard rock à l'ancienne -, la magnifique ballade "Come Closer" (magnifiée par la ligne de guitare), "Three and A Half Letters"...
Je m'arrêterai sur ce dernier, qui me semble l'un des climax de "III" : ce morceau est un bijou. D'une part, il brille pour la justesse de ces propos. C'est bête comme tout, mais ce "I need a job" sort trop des tripes pour être démago. Et d'autre part, le reste, cette voix narrative de témoignages, cette section rythmique martelée... À ressortir aux prochaines élections présidentielles américaines...
Le reste aurait pu paraître tiède, finalement, et ce n'est même pas le cas : "Big Foot" et "Dubaï Blues" ont les mêmes atouts du direct-simple-dans-ta-face et "Something Going Wrong" est un admirable tempo moyen bluesy qui marque l'accalmie proche d'une fin d'album (et toujours Joe qui rayonne avec une adaptation incroyable à tous les registres des 70s - quel solo final !)...
Un album qui respire la joie de jouer, le plaisir de partager, la simplicité de faire du rock, dur ou plus moelleux par instant...
Et ça fait un bien terrible, aujourd'hui, un groupe et un album positifs.
[N.B. : Cette édition comporte deux titres live enregistrés sur la première tournée de CHICKENFOOT].