La prise de risques fait partie d'une carrière d'artiste. Mais lorsqu'on choisit de tout changer, autant le style musical que le son du groupe, c'est presque du suicide, surtout lorsqu'on en est seulement à son troisième album. Heureusement, la tentative de suicide a échoué. Avec « April Rain », DELAIN nous avait laissé l'impression d'être un groupe de metal symphonique. « We Are The Others » vient casser cette case dans laquelle on avait placé le groupe. Le changement est si important qu'on ne sait pas vraiment quoi en penser à la première écoute. Il faut l'écouter bien plus que la normale pour pouvoir se prononcer. Le résultat est plutôt mitigé. C'est un album assez particulier, qui n'a plus rien à voir avec les deux précédents.
« We Are The Others » commence avec un « Mother Machine » dont l'introduction est totalement inutile. 26 secondes de sons électroniques qui sont censés nous mettre dans l'ambiance de la chanson, mais quelle ambiance ? Celle d'une usine désaffectée ? D'un chantier de constructions métalliques ? On ne sait pas trop. L'entrée des instruments est en revanche efficace et nous offre une énergie rare chez DELAIN. Tout se passe bien jusqu'au refrain qui vient casser cette énergie du début avec un ralentissement de rythme et une mélodie qui n'accroche pas. « Electricity » vient sauver cette première piste assez décevante qui ne laisse rien présager de bon pour la suite de l'album.
Des titres comme « We Are The Others » ou « Are You Done With Me » n'arrangent rien à la crainte d'une orientation beaucoup plus pop du groupe. Ce sont de « petites chansons », certes sympathiques, mais elles n'apportent rien de neuf et sont trop ordinaires. Le fait d'insérer un choeur d'enfants à la fin de « We Are The Others » était plutôt une bonne idée, mais elle fait trop rappeler le plus récent NIGHTWISH, sorti quelques mois auparavant. Cela a déjà été fait, et d'une bien meilleure façon. « Milk And Honey » rehausse le ton et surprend par la voix sensuelle et mielleuse - justement - de Charlotte. De manière générale, elle paraît plus à l'aise dans ce nouveau style musical, prend plus de libertés dans son chant. Et le problème des inspirations trop flagrantes avant chaque phrase musicale a été réglé.
Le titre qu'on retiendra sans doute le plus facilement est « Babylon ». Cependant, je ne comprends pas pourquoi le groupe n'a pas gardé la version a capella de l'introduction, publiée dans le teaser de l'album. La chanson aurait été bien plus riche et intéressante. Cela aurait permis d'avoir une chanson qui sorte un peu du lot et aussi qui dure plus longtemps que les 4 minutes de moyenne.
Une autre incompréhension est le choix de certains sons électroniques : « Mother Machine » (sur laquelle nous n'allons pas revenir), mais également « We Are The Others », dont les sonorités font très « années 80 » et ne font que dégrader la chanson déjà trop simplette, ou encore le premier single « Get The Devil Out Of Me », dont la conclusion fait penser à une alarme incendie.
Certaines chansons semblent être des patchworks, avec des refrains qui s'enchaînent aux strophes de manière étrange, comme « Generation Me » qui avait pourtant très bien commencé.
La seule chanson pour laquelle il n'y aurait rien à redire est « Not Enough », qui clôt l'album de manière parfaite, avec son introduction à sept temps d'abord en suspense puis puissante, sa strophe brute, son refrain entraînant et sa conclusion quasi-instrumentale portée par une voix à la limite du lyrisme qu'on ne connaissait pas à Charlotte. Malgré tous ces petits « défauts », il faut quand même leur laisser une chose : le fait de ne pas avoir suivi le mouvement naissant et grandissant de l'album concept dans le milieu du metal. À force de l'écouter, on finit par adhérer à « We Are The Others », et ce changement ne pose plus aucun problème.
