27 mai 2012, 09:43

SCD (SUBLIME CADAVERIC DECOMPOSITION)

© Yann Stout

Depuis 1997, SUBLIME CADAVERIC DECOMPOSITION a tracé son sillon dans le monde très confiné du Goregrind. Mais c'est un parcours atypique et une gestion interne hors norme qui a permis à ce groupe francilien de se faire un nom et côtoyer les grosses pointures du genre et s'acoquiner entre autre avec NAPALM DEATH. Du bouillon de culture purulent des débuts, à force de mutations et de croisements, une nouvelle forme de vie a surgi et a donné SCD. C'est véritablement l'année 2006 qui a marqué un tournant pour le groupe qui a alors choisi de s'extirper de l'ornière du Grind pour aller voir au delà. 2011 voit la sortie de "Sheep'n'Guns", dernière galette en date, qui déconcerte les puristes et confirme donc que SUBLIME CADAVERIC DECOMPOSITION a bien changé; mais à y regarder de plus prêt, le Grind est intact; c'est juste la sauce qui a changé. Goutez-y ! Vous serez surpris d'aimer ça...
Avant leur passage sur la scène de The Altar, le dimanche 17 juin au Hellfest, j'ai tenu a faire un petit état des lieu avec les quatre membres du groupe: Seb (chant), Guillaume (guitare et chant), Duff (basse) et Dagulard (batterie).

 

Un nouvel album vient de sortir "Sheep'n'Guns", quelles sont les premières retombées en concert ? Comment est-il accueilli par le public ?
Seb : C'est la suite logique de « Inventory of Fixtures » (notre précédent CD sorti en 2007).
Il conforte l’évolution de ce troisième album, qui a marqué un changement de style important entre les premières années du groupe très impliqué dans le développement du grind gore le plus extrême, vers un style plus marqué ces dernières années, par les diverses autres influences du groupe (death, crust, ou même rock).
Les concerts auxquels est invité le groupe aujourd’hui, sont à l’image des évolutions musicales et de notoriété du groupe de ces quinze dernières années (et on a tous les cas de figures):
Ceux qui préfèrent ce qu'on faisait sur les premiers albums, et qui nous invitent pour des affiches très orientées grind gore.
Ceux qui préfèrent ce qu'on fait maintenant, et nous permettent de participer à des concerts ou festival moins underground, auxquels on n’aurait pas forcément été invités avant.
Ceux qui nous suivent depuis quinze ans et qui ont (éventuellement) été surpris par Inventory puis par "SnG", mais qui en retire du positif et un intérêt certain, et nous invite pour l’ensemble de ce qu’on a proposé sur l’ensemble de l’existence du groupe.
 
 
Est-ce que les récents bouleversements de line-up ont changé la donne au niveau de la composition et de la représentation en concert ?
Seb : Le line-up actuel, avec l’arrivée de Guillaume, Dagulard et Duff, a environ huit ans.
Les sept premières années du groupe furent assez stables, tant du coté du line-up que de l'écriture. Après, le deuxième album et la tournée américaine qui a suivi, les changements ont commencé à se produire sans que l'on sache ce qu'on allait en tirer.
Pendant la deuxième moitié de l’existence du groupe, Dagulard est parti temporairement puis est revenu, et Tristan a récemment quitté le groupe (mais il a participé à l’écriture de ce dernier album). Le départ de Tristan c'est d'abord le départ d'un ami de longue date.
SCD possède une identité propre, qui évolue avec les changements de line-up, et les intentions collectives qui conduisent le groupe.
Cette identité collective, dépasse les individualités des membres du groupe, qui pour plein de raison, peuvent au fil du temps, ne plus être en adéquation avec l’évolution du groupe, ou vouloir passer à autre chose.
Un groupe, c’est aussi bien les albums que les expériences que l’on partage entre nous.
Pour SCD, cette expérience est commune entre ceux qui sont partis et ceux qui sont venus ou revenus.
 
Dag : Tout ceux qui sont passés dans le groupe ont apporté leur pierre à l'édifice. C'est un héritage que le groupe ne renie jamais. C'est à chacun de connaître son degré d'implication, par rapport à l'évolution que le groupe a voulu prendre, chacun se responsabilise vis à vis de ça et part de son plein gré quand il sent qu'il n'a plus rien à y faire.
 
 
SCD c'est quatre albums sur quinze ans. N'est-il pas difficile de fédérer un public de musique extrême qui voit défiler quantité de groupe chaque année ?
Seb : Chaque membre du groupe a un emploi en parallèle. Donc forcément le processus de création prend plus de temps.
On n’a aucune contrainte contractuelle avec quelque label que ce soit.
Donc le rythme de création des albums dépend de nous, et de quand on se sent près à enregistrer.
Il y a des avantages et des inconvénients à ça:
L’avantage c'est que les morceaux sortent quand ils sont vraiment aboutis. Nos albums ont eu le temps de maturer et d’évoluer entre chaque sortie. On aurait pu en sortir un supplémentaire entre chaque qui n'aurait pas marqué une telle évolution. Ça aurait sans doute choqué moins de personne mais cela aurait été peut être moins intéressant pour nous.
Un album, pour nous, c'est quatre ans de travail à se remettre en question et en gardant ce qu'il y a de positif dans notre évolution. Cela marque une phase de nos vies et de notre créativité.
Pour en revenir au public, nos premiers albums étaient fondamentalement Death Grind Gore tandis que les nouveaux ouvrent de nouvelles voies au genre. Ce qui permet à un auditoire pas forcement fan à la base de s'y retrouver.
Et les puristes de cette scène prolifique, qui voient défiler de nombreux groupes depuis trente ans, peuvent retrouver leurs marques, ou redécouvrir le groupe sous un autre angle.
D'ailleurs pour nous, les groupes les plus intéressants, (on peut prendre l'exemple de Carcass ou Napalm Death), ne sont plus seulement les représentants d'un style mais deviennent eux-mêmes un style à part entière. On abonde dans ce sens là sans l'avoir encore atteint.
 
 
SCD fait il du Grind Progressif ?
(rires)
Guillaume : C'est toujours difficile de définir un style quand on essaie de faire évoluer un genre. C'est une espèce de cross over des différentes personnalités du groupe avec leurs influences.
On essaie de faire des morceaux aussi riches que possible. Le Death Grind est notre socle de base et le Gore a tendance à s'estomper.
Progressif, non, mais on se retrouve avec quelque chose de 'n'Roll dans notre musique...
 
Seb : Quand on compose, on ne se dit pas: tiens, on va faire un morceau de grind gore... On fait d'abord un morceau qui va nous plaire. C'est tout à la fin qu'on établi un constat sur l'album. Là où c'est plutôt réussi, c'est qu'on a apporté quelque chose de différent des albums précédents.
 
DAG tu avais participé à l'écriture de "Inventory" mais pas à l'enregistrement; c'est encore le cas pour "SnG" pour lequel tu n'as pas participé à la composition de la batterie. N'est-il pas frustrant de ne pas se retrouver sur l'enregistrement des albums en tant que membre du groupe à part entière? De ne pas être titulaire ?
(S’ensuit une digression footballistique)
 
Dag : Je suis parti pour des raisons personnelles, je ne pouvais plus assurer ma part de responsabilité au sein du groupe comme on en parlait précédemment. Mais je reviens en forme et c'est une grande satisfaction d'être de retour. Mon retour s'inscrit ainsi dans la durée.
 
Guillaume : Le live c'est vraiment ce qui fait vivre le groupe et les albums. Sa présence sur scène est plus importante que sur les albums.
 
Seb : Le travail de composition est long (plusieurs mois, voir plusieurs années) mais l'enregistrement d’un album ne dure qu'une semaine ou deux.
La marque de Dagulard reste évidente pour nous, sur Inventory of Fixtures, par le respect par Dirk Verbeuren, sur l’enregistrement de l’album, des parties rythmiques composées lors des nombreux mois de travail de cet album.
Cette marque reste encore vraiment probante sur les morceaux de "Sheep ‘N’ Guns". Il n'était pas là pour l'écriture de "SnG", mais on est resté dans la lignée de ce qu'il avait déjà produit sur "Inventory".
 
Guillaume : Tout le temps où il était parti, on est resté dans le même esprit. Et quand il est revenu, c'est comme si il ne nous avait jamais quitté.
C'est pourquoi l'intégration des nouveaux morceaux s’est fait si facilement.
 
Dag : Je tiens d'ailleurs à remercier Junior et Dirk Verbeuren qui ont fait un excellent boulot en mon absence.
 
 
 
On sent un line-up plus stable. Est ce que le passage à SCD marque un tournant particulier ?
Seb : On voulait d'abord marquer les quinze ans. C'est important car une longévité comme celle-ci est difficile à accomplir. Ça fige cette nouvelle évolution.
L’évolution du logo, comme de la musique, comme du visuel de l'album : tout se devait d'être raccord. Changer de logo nous semblait cohérent dans ce sens. Une nouvelle identité s'est construite sur les deux derniers albums. On fige tout ça dans le marbre en notant la date de création sur le visuel. La nouvelle base du groupe commence avec l’album précédent et se confirme avec ce nouvel album.
 
Tout reste très ouvert au niveau de la composition et de l'interprétation en répétition. Il se dégage beaucoup de sérénité...
Seb : On a beaucoup d'influences communes.
Certains groupes auront beau t'avoir marqués à une période de ta vie, ils ne résisteront pas tous à l'épreuve du temps. Certains restent des références absolues.
Dans notre Thanks list, on retrouve BRUJERIE, DISRUPT, NAPALM DEATH, ENTOMBED, CARCASS, BOLT THROWER, qui sont des groupes qui nous ont donné envie de faire de la musique, et qui ont parfois évolués dans leurs parcours, mais sont restés (même après des années), des influences majeures pour nous.
 
Dag : Ce sont des groupes qu'on a écouté quand on était plus jeunes et maintenant on joue avec eux en concert. On a eu le plaisir de jouer sur la même affiche que Napalm Death tout en gardant un regard de gosse sur ce groupe mythique. C'était extraordinaire. Passer des moments avec eux, discuter avec eux entre fans.
 
Guillaume : Le coté pro prend le dessus. Au-delà du respect qu'on leur porte, on a suffisamment confiance en notre musique pour se sentir à l'aise en leur compagnie.
 
Dag : C'est vraiment cool de se retrouver sur le même bateau que des groupe que tu vénères. Tu peux pas t'empêcher d'avoir deux minutes en mode groupie ! (rires). C'est agréable de pouvoir croiser leur chemin dans notre carrière.
 
 
Vous êtes, en effet maintenant, à l'affiche de plus gros festivals européens et américains. Vous avez joué au Neurotic et bientôt au Hellfest. L'été approche, quel est votre programme ?
Duff : On a été approché pour participer à de nombreux festivals pour la deuxième moitié de 2012 et début 2013 notamment aux USA avec des festivals extrêmes qui nous correspondent bien, mais aussi en Europe. On se voit bien faire des concerts pendant un an et demi à deux ans avec cet album. Et peut être sortir un nouvel album plus rapidement avec le même line-up pour la deuxième fois consécutive. Ce qui constitue une première.
 
Seb : "Inventory" nous avait permis de faire un maximum de date, près de 90. On a fait un gros travail de scène, qui nous permet maintenant de toucher un plus grand nombre de festival.
Quand on voit le nombre et la qualité des dates déjà calées sur notre agenda pour ce nouvel album, on est en mesure de jouer devant plus de personne qu'on ne l'aura fait dans toute notre carrière.
On s’est bouclé beaucoup de gros festivals pour SnG, pour avoir un maximum de visibilité, conforter l'expérience qu'on avait eu les années précédentes, et pour nous permettre de continuer à avancer.
 
L'album n'a pas de maison de disque, pourquoi ?
Seb : On a changé de maison de disque à chaque album, ça nous permis de voir comment ça se passait, vis a vis de la production, comme de la distribution ... L'industrie musicale a beaucoup changé en quinze ans et on s'est fait notre avis.
A l'issue de la composition de "S'n'G", on s'est posé la question de savoir si on recontactait les labels que l'on connaissait. Pour Inventory, on avait signé chez un label tchèque (Bizarre Leprous production). Shane Embury nous avait contactés après notre rencontre lors d’un festival au Portugal (SWR festival), car il était intéressé par cet album, mais ça ne s'est pas fait au final.
Aujourd'hui on est capable de faire quasiment tout nous même. En passant par un label, on délègue une partie de la diffusion, alors qu’en gérant ça par nos propres moyens, on pouvait mieux se rendre compte de la réalité de la situation (même si ça nous fait plus de boulot).
 
 
Ça s'avère payant ?
Duff : C'est différent. Cela nous permet de mieux maîtriser le processus. En sortant du système des labels, c'est une manière pour nous, de nous en remettre aux fans, et de mesurer l'impact de notre réseau. Y compris au niveau des festivals.
 
Seb : D'autant qu'au niveau de la production, nous avons pris la liberté de sortir l'album en digipack avec un gaufrage, ce qui n'aurait pas forcément été possible avec un label (le surcoût n’aurait peut-être pas été accepté). On s'est payé le luxe d'enregistrer et produire l'album où bon nous semblait. La durée « d’exploitation » de l'album, est également, probablement, étalée sur une plus longue période que sur un label, où une actualité chasse l’autre.
Il n’est cependant pas exclus, même pour cet album, de mixer les démarches, et de s’appuyer sur un label reconnu pour favoriser la distribution sur des réseaux auxquels nous n’avons pas accès par nous-mêmes. Le principal reste que l’album soit facilement accessible à notre public.
 

Guillaume : Nous offrons un vrai produit différent, tous les quatre ans, sans répondre au rythme de l'offre et de la demande. On s'affranchit d'un certain matraquage. Aller chez un label, va nous induire dans un autre rythme dans lequel la qualité pourrait en pâtir. Ça devient l'usine. Le cahier des charges n'est pas le même et ne s'inscrit pas dans notre manière de vivre.
 
Seb : C'est aussi parque qu’on peut gérer toute les étapes de la fabrication d'un album qu'on se permet de le faire, sinon on ne se poserait pas la question. On est autonome. Notre liberté de choix nous permet d’essayer différentes méthodes, et de finalement proposer la meilleure des qualités.
On doit probablement, être le seul groupe du HellFest, à ne pas avoir de label.
 
Vous vous voyez où dans dix ans ?
Seb : A la vue de la carrière du groupe, j'espère que SCD aura sorti, au minimum, deux nouveaux albums, avec autant d'envie et autant évolution qu'il y en a eu les dix dernières années.
 
 
 
Photos en studio © Fred Polvet
Blogger : Fred Polvet
Au sujet de l'auteur
Fred Polvet
Apôtre du metal dans les grandes largeurs depuis 1987, c'est en tant que chroniqueur passionné que Fred "Sinner" fait partager son appétit pour les musiques extrêmes (ou non). La chronique plutôt que la critique, trop péremptoire à ses yeux (et ses oreilles), est la meilleure des façons d'évoquer ses sensations. Pour lui, comme pour beaucoup d'autres, le metal est avant tout un état d'esprit, une religion, quand d'autres le vivent comme une poussée d'acné. Sa mission : partager sa perception de la musique autour de quelques bières fraîches !
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