8 mars 2014, 21:46

[Episode 1] Comment j'ai rencontré Max

En 1986, le premier groupe dont je me suis occupé s’appelait SACRED REICH. J’avais rencontré Jason Rainey lorsqu’il avait 16 ans et qu’il trainait du côté du Bootlegger, le club que mon frère Paul et moi tenions à Phoenix (Arizona). Jason était venu me voir un jour et m’avait dit qu’il avait un groupe. Bien sûr, nous l’avions immédiatement programmé et c’est ainsi que débutèrent mes relations avec SACRED REICH. 

Sacred Reich

 

Comme par effet de boule de neige, la vie s’est calquée sur ce metal qui se propageait dans le monde entier… Nous sommes passés des camionnettes de location… à voyager autour du globe, entassés dans un bus de tournée. Les temps changeaient vraiment très vite et SACRED REICH gagnait en notoriété, de jour en jour.

SACRED REICH s’est alors fait signer sur le label Metal Blade Records aux Etats-Unis et distribuer sous licence par Roadrunner pour le reste du monde. Ainsi commença ma collaboration de 26 ans avec Roadrunner.

   

Les quatre albums de SACRED REICH sortis de 1987 à 1990

Début 1989, je reçus un appel du label, me demandant si j’étais d’accord pour prendre en charge tous les groupes de Roadrunner qui n’avaient pas encore de management. Proposition que je refusais alors, car il y avait là quelques groupes avec lesquels je ne voulais pas travailler et puis, j’avais aussi une méthode différente de la plupart des autres managers… Je voyageais avec mes groupes. Je ne voulais donc pas avoir trop de groupes sous ma responsabilité en même temps, car j’avais les casquettes de manager, tour manager, comptable sur la tournée… et je vendais en plus le merchandising. C’était beaucoup à assumer et je ne voulais pas disperser mon attention au détriment des groupes dont je m’occupais déjà. Je manageais alors SACRED REICH, ATROPHY et je m’investissais aussi un peu avec FORCED ENTRY, groupe de Seattle, donc je n’avais pas envie de m’éparpiller. Je ne voulais pas non plus être de ces managers qui restent assis dans leurs bureaux, envoient leurs groupes dans la nature avec 5 dollars en poche, empilés dans un van. Non, je voyageais dans les mêmes conditions que mes groupes et me donnais à fond pour qu’ils réussissent. Tourner, ça demande pas mal d’implication et j’avais une vision très précise de là où je voulais mener mes groupes. Je ne pouvais le faire d’un bureau.

Un jour, et à plusieurs reprises ensuite, Monte Conner, le nouveau directeur artistique de Roadrunner, m’appela et me demanda de manager un nouveau groupe qu’il venait de signer au Brésil. Offre que je refusais donc poliment. Je n’avais jamais vu ce groupe auparavant et me disais, une fois de plus : que se passerait-il si nous ne nous entendons pas ? Non, ce n’était pas la peine d’y penser. Je n’avais nullement l’intention de changer la ligne de conduite que je m’étais fixée pour mes groupes et moi.

Quelques mois plus tard, SACRED REICH s’est vu proposer la première partie de King Diamond au Ritz (New York), le soir d’Halloween ! Nous étions tellement enthousiastes ! Pas de doute, ça allait être super cool… C’était le légendaire Ritz, quoi ! 

J’avais entendu dire que SEPULTURA était l’un des groupes de première partie, et donc c’était une bonne occasion de les rencontrer et de voir ce qu’ils valaient sur scène.

A mon arrivée au Ritz, j’avais remarqué que d’autres managers tournaient autour de SEPULTURA. Le truc bizarre, c’est que tous les managers venaient me voir et me disaient « pas touche à SEPULTURA ! », je vous passe les arguments, mais je trouvais que c’était très discriminatoire et je vous avoue avoir été quelque peu surprise. Dès que les Brésiliens démarrèrent leur concert, je sentis vraiment l’énergie brute. Et puis cette sensation au fond de moi qui ne se produit que très rarement. Je ne peux l’expliquer. C’était une sorte de prémonition. 

Je m’étais assise à côté de Cees Wessels (le fondateur du label Roadrunner NdlR) et je lui dis alors : « Je vais prendre ce groupe parce que c’est toi ». Cees rit et nous avons discuté un petit peu. Après leur concert, je me suis rendu alors dans leurs loges et nous avons passé du temps ensemble. Les gars ne parlaient pas très bien anglais et je n’arrêtais pas de confondre Max et Igor.

Dès que les Brésiliens démarrèrent leur concert, je sentis vraiment l’énergie brute. Et puis cette sensation au fond de moi qui ne se produit que très rarement. Je ne peux l’expliquer. C’était une sorte de prémonition.

Leur tournée les amena d’ailleurs à Phoenix, au Mason Jar. Dana, Christina (enfants de Gloria NdlR) et moi avions décidé d’arriver tôt pour y passer du temps. J’étais effarée de découvrir le peu d’attention dont les SEPS bénéficiaient. Bon dieu, Paulo faisait une tournée entière avec un seul médiator ! Vous imaginez ? Personne ne pouvait dépenser quelques cents pour lui acheter un médiator ? Ils n'étaient autorisés à avoir que 5 dollars par jour, ce que je ne pouvais croire. Le pire, c’est qu’il y avait un homme qui voyageait avec eux et prétendait être leur manager/tour manager, mais tout ce que je le voyais faire, c’était se constituer une collection de vidéos perso. Le groupe n’avait même pas une bouteille d’eau, ni la moindre serviette pour s’éponger le visage ! C’était tout simplement une honte pour moi. Lorsque Max avait demandé de l’eau, le gars lui avait répondu : « Va en chercher toi-même ». J’étais sans voix. 

Je me souviens avoir emmené Paulo chez moi et lui avoir donné des médiators, puis nous sommes revenus au club. J’ai pris soin du groupe, lui ai trouvé de l’eau, des serviettes et tout ce dont il avait besoin. Après le concert, nous nous sommes rendus au Motel 6 et avons fait une réunion. C’est là qu’ils m’ont demandé de les manager. J’y ai découvert que leur « tour manager » les avait signés auprès d’une manager qui s’occupait d’une chanteuse de soul (Ertha Kitt ou quelqu’un du genre). Pour moi, c’était particulièrement étrange. Le groupe n’avait jamais rencontré leur manager, ni ne lui avait parlé ! Je leur ai alors dit que je n’avais pas l’intention de marcher sur les plate-bandes d’une autre et qu’ils devraient se libérer de leurs engagements avant que je commence quoi que ce soit avec eux. Nous nous sommes alors dit au revoir avec un gros sourire sur nos visages… nous savions que nous allions nous revoir bientôt. 

Paulo faisait une tournée entière avec un seul médiator ! Vous imaginez ? (...) Ils n'étaient autorisés à avoir que 5 dollars par jour, ce que je ne pouvais croire. (...) Le groupe n’avait même pas une bouteille d’eau, ni la moindre serviette pour s’éponger le visage !

En février (1990), je reçus une carte postale de Max. Une carte de « Beneath The Remains » avec un très gentil message. Je n’en attendais pas autant.

Un mois ou deux plus tard, un accord était négocié et leur «manager» accepta en échange d’un dédommagement de 10 000 dollars. Le voie était libre et je pouvais enfin m’occuper d’eux.

Et notre contrat, me direz-vous ? Ha ha, je leur ai dit que je travaillerai pour eux gratuitement pendant un an, histoire de voir si notre affaire allait tenir. 

Bah… quoi ? C’était par amour pour la musique !!!

 

La classe est terminée… 

Retrouvez Gloria Cavalera chaque week-end sur ce blog…

Blogger : Gloria Cavalera
Au sujet de l'auteur
Gloria Cavalera
Gloria Cavalera est, avec Sharon Osbourne, probablement l'une des rares femmes-managers du metal à avoir atteint une telle notoriété. Sa vie est évidemment liée à la carrière de son époux, Max Cavalera. Ce fut le cas autrefois dans SEPULTURA et désormais dans SOULFLY depuis 1997. Elle s'occupe également de la carrière de ses enfants, aujourd'hui musiciens (LODY KONG, INCITE). A partir d'octobre 2012, elle a décidé de raconter son histoire dans un blog : "Voici mon histoire...mon histoire metal, une sorte de salade mélangée où l'on trouverait mes origines, ma vie actuelle, celle de mes enfants et de mes petits-enfants. L'histoire ne doit et ne peut-être écrite que par ceux qui l'ont vécue". HARD FORCE a le privilège de publier chaque semaine un épisode, en langue française, de cette vie hors du commun.
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