18 mars 2014, 23:20

Sebastian Bach : "Give 'Em Hell"

Album : Give 'Em Hell

Si la pochette ressemble davantage à une compilation pirate biélorusse de VENOM ou aux affiches des films d'horreur 80s mêlant hard-rock, satanisme et gore plastoc teenage type "The Black Rose" ou "Trick Or Treat", au moins est-elle franchement typée métôôôôl. Car métôl, ce troisième véritable album solo de Sebastian Bach l'est sans l'ombre d'un p***** de doute : disons-le avec un enthousiasme non-feint, c'est le plus metal et convainquant de ses albums post-SKID, reprenant un niveau d’agressivité et de lourdeur peu entendu depuis le méconnu et bancal "Subhuman Race", si ce n’est des morceaux comme "Stuck Inside" il y a peu. Et pourtant ! S'il n'aura jamais effleuré un semblant du niveau de popularité des années 89-92, et malgré un gros gros passage à vide artistique de dix ans entre les moitiés des années 90 et 2000 (quand-même passées sur les planches de Broadway ou sur divers plateaux de TV réalité), le chanteur avait néanmoins plus que séduit ses fans hardcore restants avec son premier véritable album ("Bring' em Bach Alive" étant davantage un live agrémenté d'une première tentative de nouveautés en 1999...), un "Angel Down" particulièrement réussi plaçant la barre haute pour son vrai retour en 2007, là où de nombreuses gloires passées ont lamentablement échoué avec des come-backs foireux, éventés et insipides. Non seulement s'offrait-il un magnifique album solo, intègre et à son image, mais il se payait de surcroit le luxe d'inviter son poto Axl Rose en duo sur trois chansons, alors que "Chinese Democracy" n’était encore qu’un fantasme. Il n'avait certainement pas à rougir de sa suite "Kicking And Screaming" en 2011, ni de sa prestation survitaminée à Clisson en 2012, pour le coup généreusement captée pour le DVD live "ABachalypse Now". Si sa "gueule d'ange" a un peu pris cher avec les années et le Jack Daniel's, le bonhomme est resté tout aussi cabot (ah ! cette rencontre au Hellfest - mémorable !) en affichant une forme exceptionnelle - "Youth Gone Wild", c'était pas des conneries, ça marche encore.

A nouveau produit par Bob Marlette, orfèvre d'un gros son metal à l'américaine qui avait parfaitement servi l’éternel metal kid sur son précédent opus bourré d’énergie, "Give 'Em Hell" regorge pour le coup d'invités tels que ses potos John 5 ou Steve Stevens en renfort de grattes, ainsi que le bien sympathique Duff McKagan venu poser quelques lignes de basse. 
Par contre, que s’est-il passé avec le petit Nick Sterling ? Présenté par Bach en 2011 comme sa grande découverte, comparant le garçonnet à un prodige, « son Randy Rhoads à lui », celui-ci n’avait que moyennement convaincu à Clisson, complètement évaporé dans l’ombre du frontman, et l’air de s’ennuyer ferme avec les autres mercenaires du combo. Tout juste sait-on qu’un certain Devin Bronson, autre killer de session (Pink, Avril Lavigne, euh...), est venu muscler sa main droite sur toutes ces compos pour le moins viriles - seul le batteur Bobby Jarzombek reste fidèle au poste depuis le début... 

"All My Friends Are Dead", qui n'est PAS une cover de la fameuse bombe de TURBONEGRO, aussi mélodique puisse-t-elle être, s'avère re-dou-ta-ble : ça riffe très méchamment et lourdement, carrément thrash lors d’un break complètement inédit dans le registre du père Bach - pas vraiment de la sonate... Simple mais archi-efficace, ce brulot sans concession aucune (même avec un refrain killer et mémorable, la structure est super lourde) reste l’un des points forts de l’album, précédé par un "Harmony" qui se poserait bien entre VELVET REVOLVER et FIGHT, allons-y pour les comparaisons juteuses. En guise de fausse power-ballad, "Push Away" se montre elle aussi plutôt heavy malgré ses atmosphères plus éthérées et oppressantes lors des couplets, basculant dans un lyrisme rageur et bien tourmenté avec ce refrain monumental ("I can't control myself...") rappelant ô combien Baz reste un immense chanteur. Dans un genre quasi-doom (!?!?! bon, du power-hair-doom US ??), on trouvera donc l’anti-"I Remember You", à savoir "Forget You" qui clôt l'album avec classe et panache, vous vrillant cette mélodie au coeur du vortex, choeur aux harmonies obsédantes, presque beatlesiennes, joyau central d'un ultime morceau que l'on aurait bien aimé voir s'étendre de façon plus hypnotique et langoureuse sur quelques minutes supplémentaires.

Loin d'être mauvaise, la gentille "Rock 'n' Roll Is A Vicious Game", sorte de power-ballad aux accents sudistes et vintage semble complètement anachronique et hors-contexte parmi toutes ces scories ardentes crachées avec force et fougue lors de cette éruption metal. Non, là, c'est limite faute de goût, passant complètement du coq à l'âne sans la moindre cohérence avec ces guitares acoustiques, cet harmonica et ce piano que l'on aurait davantage situé sur un des deux "Use Your Illusions" : sympathique mais bien classique, consensuelle et sans grande conviction, cette seule incartade old-school et rock 'n' roll reste au final bien maladroite au sein d'un disque incandescent et autrement homogène. Surtout suivie de l'intro jouissive du très bon et énergique "Taking Back Tomorrow"...

Sans à tout prix vouloir émettre des comparaisons réductrices, on ne peut s'empêcher de vouloir rapprocher ce que fait brillamment Sebastian Bach depuis une bonne demie-douzaine d'années et donc trois albums globalement irréprochables, avec l’état de SKID ROW depuis presque vingt ans... autant le groupe reste honorable en sortant des disques okay et en livrant des prestations live dynamiques mais nostalgiques, autant Seb c’est juste la put*** de classe, SKID ROW n’ayant plus jamais retrouvé le moindre éclat depuis son départ. Rappelez-vous JUDAS PRIEST avec Tim Owens ? Halford en solo, cent fois meilleur. IRON MAIDEN avec Blaze Bayley ? No comment. A 45 ans, même s’il n’est plus le poster-boy de 1989 (d’ailleurs on s’en fout !), Sebastian Bach est au sommet de sa forme et nous rassure tous sur son intégrité, sa voix, son attitude et surtout son amour viscéral du metal dont il nous transmet ici l’une des meilleures leçons.

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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