
Phil Lageat, Rédacteur en Chef de ROCK HARD France, est un passionné. AC/DC lui a fait sécréter tellement de dopamine (molécule du plaisir) dans sa vie qu’il s’est attelé à un travail éditorial titanesque sur la thématique de la bande à Angus et Malcolm Young. Avec son partenaire de crime Baptiste Brelet, ils publient "AC/DC Tours de France 1976-2014", un magnifique ouvrage.
Entretien avec notre expert francophone en AC/DCologie.
Qu’est-ce qui a déclenché ton addiction positive à AC/DC ?
Mon premier contact avec le rock’n’roll a commencé en 1978, j’avais 10 ans. Le grand frère d’un copain me fait découvrir l’album « Powerage » d’AC/DC qui venait de sortir. Cette pochette avec Angus Young électrocuté, ce courant électrique lui parcourant le corps, les fils électriques à la place des mains, m’ont vraiment marqué. Et cette musique aussi … moins brute que « Let There Be Rock », qui est bluesy, groovy et qui swingue ! C’est un très bon album d’introduction pour un gamin de 10 ans ! Surtout ce que j’avais aimé, c’était ce visuel d’Angus, ce côté "SuperVilain", avec cette énergie rock’n roll. J’avais trouvé mon groupe ! Mon premier flash !
Six mois après, sort l’album live « If You Want Blood, You’ve Got It » avec toujours un visuel très fort : Angus avec sa Gibson SG plantée dans le ventre, Bon Scott qui le scrute, du sang… C’est vraiment ma période visuelle préférée d’AC/DC. J’ai découvert aussi d’autres morceaux avec ce live comme « The Jack », « Whole Lotta Rosie »… Après je me suis mis à écouter les premiers albums du groupe (« High Voltage », « Dirty Deeds Done Dirt Cheap », « Let There Be Rock ») puis tout s’est enclenché. Je ne me suis plus arrêté, j’achetais chaque nouvel album le jour de sa sortie ! A partir de « Highway To Hell », je me suis mis à acheter les 45 tours car il y avait souvent des titres live en face B.
Plusieurs années après, je serai à l’origine de la conception du fanzine "Let There Be Light" qui m’ouvrira d’autres portes...

« La première étape chronologique d’AC/DC Tours de France est la rencontre avec mon partenaire de crime Baptiste Brelet (webzine "Can’t Stop AC/DC") » - Phil Lageat
Peux-tu nous décrire les 3 grandes étapes chronologiques de l’écriture de votre ouvrage, écrit avec Baptiste Brelet (comprenant plus de 700 pages, 1200 photos et plus de 200 interviews) ? Ce livre me fait penser au « KISStory » (gros livre sur KISS publié dans les années 90).
C’est marrant que tu me dises ça ! A l’époque où je bossais à Hard Rock Magazine, Gene Simmons l’avait envoyé, dédicacé par les 4 membres du groupe, à la rédaction (note : tu ne veux pas l’offrir à un fan ultime comme moi par exemple ?). Toute la démesure de KISS était bien sûr présente et m’avait scotchée. Le même esprit exhaustif est présent dans notre ouvrage, avec une approche artistique différente !
La première étape chronologique d’« AC/DC Tours de France » est la rencontre avec mon partenaire de crime Baptiste Brelet (webzine "Can’t Stop AC/DC"). Il m’a appelé, en novembre 2007, pour me dire qu’il bossait sur un article sur AC/DC et la France et il se trouve que je bossais aussi sur cette thématique. Du coup, son côté sympa, plein d’énergie, ce "sang frais" professionnel m’ont donné l’idée et l’envie de travailler avec lui sur ce sujet. J’avais mon expérience journalistique, mes archives, mon carnet d’adresse et lui, avait commencé un gros travail de recherche. Ce qu’il a poursuivi et moi, un travail de recueil de témoignages. Lorsque l’on s’est rencontré de visu quelques mois plus tard, j’ai tout de suite vu que j’avais trouvé mon alter ego. On est très proches maintenant.
La deuxième étape, je dirais que c’est à partir du moment où nous avons fini les recherches sur le premier chapitre et que nous avons finalisé une maquette. Après deux années de recherche, on voyait pour la première fois ce que cela allait donner ! Un des chapitres du bouquin prenait vie ! Baptiste et moi avons voulu que les chapitres aient des différences au niveau visuel mais également une trame commune systématique pour tous les chapitres. Il ne fallait pas se tromper sur notre choix éditorial. Notre projet était lancé !
La troisième étape était le lancement de la souscription pour la commande du bouquin fin mars dernier sur http://www.acdclelivre.fr/ C’est particulier car les gens qui l’ont commandé, ne l’ont pas encore et cette souscription nous permet de financer notre projet. Nous avons d’ailleurs ajouté encore des pages au livre ! 712 pages quand même ! Nous avons été touchés par la confiance des fans d’AC/DC pour notre bébé littéraire et imagé de 4 kilos, par le fait qu’ils le précommandent, par la vitesse à laquelle est parti le livre, par les commentaires dithyrambiques à son égard sur les réseaux sociaux.
Si une chanson d’AC/DC devait représenter chacune des étapes que tu viens de décrire. Quelles seraient-elles ?
La première étape, c’était la rencontre. Je dirai « It’s a Long Way to the Top » (rires) !
La deuxième étape, c’était la première maquette. Ce n’est pas évident… je dirai « Problem Child ». Il se trouve que ce chapitre concerne une jam entre TRUST et AC/DC dans un club appelé "Rose Bonbon" avec notamment « Problem Child » qui était fréquemment repris…De toute façon, Vanessa (Girth, directrice artistique de l’ouvrage), Baptiste et moi sommes restés de grands "Problem Children" (rires) !
La troisième étape, était la délivrance ! Je dirai « There’s Gonna be Some Rockin’ ». J’ai hâte que les gens reçoivent le livre… Ils nous plait, j’espère que cela leur plaira.

« Comme l’a dit Francis Zegut, ce livre est un projet participatif… » - Phil Lageat
Vous avez interviewé plus de 200 personnes dans votre ouvrage. Quelles personnes t’ont vraiment le plus étonné dans ce travail d’entretien ?
Question complexe ! Il y a les 2 réalisateurs de « Let There Be Rock », qui sont des français, Eric Dionysius et Eric Mistler. Ce dernier a été au delà de ce que l’on peut attendre : il nous a donné de son temps pour répondre à nos questions, a toujours répondu à nos relances à des questions supplémentaires, nous a ouvert ses archives, et nous a sorti de très beaux documents concernant la période Bon Scott (qui me touche particulièrement). Son enthousiasme nous a touché. Notre travail lui a plu, c’était vraiment super !
Sinon, l’autre personne, à ma grande surprise ! C’est Brian Johnson qui était au courant que je travaillais sur ce livre. Il y a 2 ans et demi, un dimanche après-midi, je reçois un e-mail de sa part m’invitant à venir le rencontrer pour une heure d’entretien dans un hôtel parisien (il séjournait à Paris avec son épouse pour l’anniversaire de cette dernière), pour parler du bouquin ! Franchement, j’étais touché. Une heure avec Brian Johnson, c’est comme un spectacle de Stand Up, fou rire garanti !
Il y a aussi eu Stevie Young, le neveu d’Angus qui a remplacé Malcolm en 1988 pendant une bonne centaine de dates. Il n’avait jamais communiqué dans la presse. Je le connaissais mais un peu après cette période. J’avais suivi son projet musical personnel (STARFIGHTERS) en Angleterre, en Hollande… Il s’en est souvenu et il m’a dit « OK, je vais répondre une bonne fois pour toutes aux questions sur AC/DC… Ce sera la première et la dernière fois ». Vu le personnage très discret, j’ai été agréablement surpris et également honoré.
Puis, pendant le "Black Ice Tour", lors de leur passage en France en 2009, Baptiste et moi avons eu l’immense privilège d’interviewer Malcolm Young dans son hôtel.
Je dois dire que 99,9% des gens que nous avons sollicités pour ce bouquin ont tous répondu favorablement à nos demandes. Nous avons vraiment rencontré des Personnages. Comme l’a dit Francis Zégut (RTL2), ce livre est un véritable projet participatif… Les fans français ont répondu plus que favorablement à nos demandes et nos attentes. Ce sont vraiment le 4ème auteur de l’ouvrage.
Vanessa Girth a réalisé un travail artistique impressionnant sur l’ouvrage. Comment a t elle trouvé sa place dans ton duo hyper-obsessionnel avec Baptiste Brelet ?
Aux forceps (rires) ! Elle devait bosser avec 2 tarés obsessionnels. Elle est fan d’AC/DC mais pas de façon aussi addictive que nous 2 ! (rires). Elle ne respire pas AC/DC comme nous. Ce qui a dû être pénible pour elle est la façon dont nous l’avons dirigée. Il y a environ 2000 visuels pour ce bouquin et il fallait que chaque visuel s’imbrique à des endroits précis de nos récits. Elle a énormément travaillé sur des retouches photos qui dataient et d’autres travaux plus précis sur ces visuels… Elle a fait un super travail. Elle en est super fière ! Il faut dire que souvent, elle terminait un numéro de Rock Hard et le lendemain, elle embrayait sur le bouquin… C’était un peu dur de temps en temps ! Mais bon, remotivation de nous tous de temps en temps et tout repartait !
Que pense AC/DC de votre ouvrage ?
AC/DC est au courant sans l’être. Le groupe, malgré les sollicitations, n’a jamais sorti d’ouvrage officiel. Brian et Malcolm sont au courant. Angus, je lui ai écrit mais je n’ai pas eu de réponses. De toute manière, entre 2 tournées ou entre 2 albums, il se met en position OFF. Chris a répondu, Phil plus ou moins ! Chaque membre du groupe aura son exemplaire in fine. J’espère qu’il finira dans leur bibliothèque.
« Mon premier concert était le 23 janvier 1981 à Brest pour la tournée « Back in Black ». C’était ma première rencontre live, je ne l’oublierai jamais ! » - Phil Lageat
Quels sont tes plus beaux souvenirs live de la bande à Angus ?
Tu es dur (rires) ! J’ai dû les voir 120 fois…
Mon premier concert était le 23 janvier 1981 à Brest pour la tournée « Back in Black ». C’était ma première rencontre live, je ne l’oublierai jamais ! Après, je dirai le concert, du 6 avril 1988 au Zénith de Paris, pour la tournée « Blow Up Your Video ». Le groupe était un peu en disgrâce à l’époque en France. Peu importe, nous étions 6500 fans, 6500 dingues, une ambiance de feu, une véritable communion pendant 2 heures. La première fois que j’ai rencontré le groupe de visu, c’était la veille de ce concert. J’en garde un souvenir mémorable, quelque chose de très fort.
Sinon, Stade de France 2001… 80 000 personnes, un soleil de plomb, une ambiance de vacances. Et ce final avec le maillot de l’équipe française de foot avec « Ride On », jamais jouée auparavant.
Une petite dernière. En 1996, pour la tournée « Ballbreaker », j’étais aux USA avec 3 potes. Nous nous sommes retrouvés sur le dernier jour de répétition grandeur nature avec les roadies et les membres de la famille. Ils ont fait 2 concerts, un avec et un sans tout le barnum du show, le jour même. C’était grand !

« Maintenant, avec les réseaux sociaux, c’est dangereux, parfois non éthique sur le plan journalistique. » - Phil Lageat
Malcolm serait malade et a décidé de stopper ses activités. Qu’as-tu pensé de tous ces vautours sur le web concernant cette annonce ?
J’ai rédigé mon édito dans le prochain Rock Hard en ce sens (Phil nous lit et commente cet édito qui résume parfaitement cette situation virtuelle). AC/DC a toujours été un groupe discret. Avant, on avait des nouvelles au compte goutte ! Maintenant, avec les réseaux sociaux, c’est dangereux, parfois non éthique sur le plan journalistique. Peu importe les dégâts collatéraux, il faut être le premier sur le podium. On ne vérifie plus les infos…On veut être liké, avoir son quart d’heure de gloire à la Andy Warhol version 2014. Malcolm et sa famille auront eu le droit à tout … les spéculations diagnostiques de Malcolm,… AC/DC a été enterré. Il faut vraiment faire attention à ces pseudo-infos impulsives. Lire entre les lignes, faire du buzz ! C’est fou. AC/DC a été obligé de communiquer pour protéger Malcolm et sa famille. C’est une première dans leur carrière !
Malcolm est « The Brain » dans le groupe. Il est malade et fait un break. AC/DC va à Vancouver en studio (les techniciens sont déjà arrivés sur place) et va travailler sur un nouvel album. Même si Malcolm n’est pas de la partie, Angus peut enregistrer les 2 guitares. Malcolm bossait sur de nombreuses démos dans son studio perso. Avec la technologie actuelle, tout est facilement transférable. Pour une tournée, la pression du business est telle que l’on en sait rien ! Peut être que Malcolm a déjà donné des directives sur les futurs concerts, ce n’est qu’hypothétique !
Un peu de fantaisie rock’n’roll. Je te donne un titre, tu me dis un mot qui te vient à l’esprit ?
- Touch Too Much : Sexuel
- Let There Be Rock : La bible
- Hell’s Bells : Sombre
- Guns For Hire : Explosif
- Who Made Who : Le renouveau
- Stiff Upper Lip : Elvis Presley (pour la lèvre supérieure retroussée)
- Come and Get it : Dispensable
- Anything goes : Surprenant, Springsteenien si tu veux !
Un dernier mot, Phil ?
Au moment où notre livre va sortir sur le site www.acdclelivre.fr en septembre 2014 ou en librairie en octobre 2014, il y a de grandes chances que, pour les fêtes de fin d’année, l’ultime album d’AC/DC soit dans les bacs. C’est un truc fort pour moi de boucler la boucle : la première fois que j’ai « Powerage » dans les mains, "Let There Be Light" le fanzine qui m’a permis de trouver mon boulot chez Hard Rock Mag, puis Rock Hard et enfin ce book qui sort au moment où le groupe va possiblement tirer sa révérence.
